Agir moralement, est-ce nécessairement lutter contre ses désirs ? ■ Analyse du sujet - La question prend appui sur l'opposition...
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Agir moralement, est-ce nécessairement lutter
contre ses désirs ?
■ Analyse du sujet
- La question prend appui sur l'opposition fréquente entre désir (indi
viduel) et conduite morale (généralement conçue comme tenant compte
des autres).
- « Nécessairement » ouvre toutefois la possibilité de concevoir un
accord entre les désirs et l'action morale: peut-on citer un exemple histo
rique d'une telle compatibilité ?
- Une morale du désir peut-elle tenir compte d'une collectivité élar
gie? Semble-t-il possible d'articuler entre eux les désirs individuels pour
qu'ils s'harmonisent d'un point de vue moral?
■
Pièges à 6viter
- Ne pas privilégier sans attendre la conception kantienne de la morale
sous prétexte qu'elle serait la plus rigoureuse : on n'y fera allusion
qu'après avoir examiné la possibilité d'autres morales.
- Oublier l'adverbe «nécessairement» : il permet aussi de distinguer
une action morale apparente (qui, dans une certaine mesure, peut être
jugée suffisante et pourrait coîncider avec les désirs) de l'action purement
morale.
- Ne pas présenter le monde moral comme sinistre parce que privé de
désirs : la lutte contre ces derniers ne signifie pas qu'ils disparaissent, ni
qu'aucune satisfaction ne peut leur être donnée.
CORRIGÉ
[Introduction]
De l'homme qui cède à tous ses désirs, la philosophie et la littérature
ont fréquemment dressé un portrait peu encourageant : il « se vautre »
CORRIGÉ7
dans le plaisir, ne pense qu'à ses satisfactions personnelles immédiates, ne
vit que pour lui.
Dans une telle optique, le moins qu'on puisse lui reprocher, semble+il, est de ne guère se soucier de ce que peut moralement
signifier sa conduite.
Doit-on en déduire qu'il existe une contradiction
insoluble entre les désirs et l'action morale? Ne pourrait-on, au contraire,
concevoir une morale qui tienne compte des désirs de l'individu et leur
accorde une satisfaction au moins partielle ? Mais, dans ce cas, ne risquet-on pas de retomber sur un écueil majeur : l'opposition entre l'égoïsme,
du désir et la souci de l'autre qu'implique l'action morale?
[I.
Comment admettre la portée morale du désir ?]
Dès l' Antiquité, la condamnation du désir apparaît chez Platon.
C'est
que le désir rappelle la part chamelle de l'homme, et que Platon privilégie
au contraire chez ce dernier la part spirituelle.
Toutefois, il ne semble pas
obligatoire que la philosophie condamne ainsi, par principe, tout désir.
En
elle-même, n'exprime-t-elle pas une sorte de désir nostalgique de la
sagesse enfuie ? Son étymologie indique une telle tendance : philein
désigne en fait la recherche - plus que le banal «amour» - d'une
sophia disparue, et cette dernière semble en effet proposer un objet bien
«désirable», puisqu'elle est synonyme d'équilibre, de vie convenable et
harmonieuse, aussi bien sur le plan individuel que sur le plan collectif.
Il
n'en reste pas moins que ce désir animant la philosophie elle-même est de
nature incontestablement spirituelle, et qu'il vise une sophia qui concerne
elle aussi l'esprit - ne serait-ce que dans la mesure où elle inclut une attitude morale.
Si la philosophie épicurienne réhabilite, au moins partiellement, le désir,
et montre qu'il est tout à fait compatible avec une vie morale et sage, c'est
parce que l'épicurisme est d'abord un système qui se veut intégralement
matérialiste.
Il ne nie pas la dimension spirituelle de l'homme, mais il
considère qu'elle ne saurait être dotée d'éternité: il existe bien, en chaque
être humain, une « âme », mais elle est aussi mortelle que le corps.
En
l'absence de but transcendant, la morale peut alors prendre modèle sur la
nature, et celle-ci nous montre que déjà les animaux sont animés par la
recherche de ce qui est bon pour leur existence, c'est-à-dire du plaisir.
Si
l'homme agit de même, cela signifie qu'il doit être attentif à ses désirs et
en chercher la satisfaction.
Toutefois, il ne s'agit aucunement de céder à
tous les désirs, de se transformer en ce que le poète Horace, dans une version tardive et en quelque sorte inversée de l'épicurisme, nommera un
« pourceau d'Épicure ».
Il convient au contraire de soigneusement remarquer que certains désirs mènent à des plaisirs qui ne sont qu'apparents et
fugitifs, puisqu'ils se transforment rapidement en souffrances.
La morale épicurienne peut ainsi conseiller à l'homme qui veut être
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SUJETS CORRIGÉS
sage et heureux de procéder à une classification des désirs, dont on ne
satisfera que ceux qualifiables de « naturels et nécessaires » : ce sont les
plus élémentaires, donc les plus faciles à combler, et ils sont essentiels à
la survie équilibrée de -1' organisme manger, boire, dormir, le tout de
manière frugale.
Au-delà commence le risque, puisque, des désirs « naturels mais non nécessaires» (soit : les mêmes dans une version
«luxueuse» boire de bons vins, faire de bons repas, etc.), on doit se
méfier pour ne pas s'y habituer, car leur perte signifierait une souffrance ;
ils sont « à consommer avec modération».
Quant à tous les autres, ceux
qui ne sont « ni naturels ni nécessaires » (la fortune, le statut social, la
gloire ...
), il- faut radicalement les fuir.
En d'autres termes, la vie morale
semble possible en satisfaisant certains désirs ; sans doute le plus grand
nombre d'entre eux est-il refusé, mais une conciliation entre désirs et
.morale est au moins partiellement affirmée.
[Il.
La morale contre les désirs]
La critique adressée par Kant à la morale épicurienne est radicale : il lui
reproche d'être purement subjective, et non universalisable ce qui signifie pour lui non authentiquement morale.
Il est vrai qu'il appartient à chacun de ressentir, dans son corps, le
moment où un plaisir s'inverse en douleur; on peut juger qu'un tel critère
physique, sinon même physiologique,....
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