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ALAIN-FOURNIER Le Grand Meaulnes, 2e partie, chap. 9. À la fin du siècle dernier, un écolier de Sologne, Augustin Meaulnes,...

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« ALAIN-FOURNIER Le Grand Meaulnes, 2e partie, chap.

9. À la fin du siècle dernier, un écolier de Sologne, Augustin Meaulnes, essaie vainement de retrouver le château où il a · pénétré un soir par hasard et où il est tombé amoureux d'une belle jeune fille.

Son ami François Seure!, le n arrateur, tente à son tour de découvrir seul le chen'lin du domaine mystérieux.

- T bois, oute la matinée est à moi pour explorer la lisière du l'endroit le plus frais et le plus caché du pays, s 1o 1s 20 2s 30 35 tandis que mon grand frère aussi est parti à la découverte. C'est comme un ancien lit de ruisseau.

Je passe sous les basses branches d'arbres dont je ùe sais pas le nom mais qui doivent être des aulnes.

J'ai sauté tout à l'heure un échalier au bout de la sente, et je me suis trouvé dans cette grande voie d'herbe verte qui coule sous les feuilles, foulant par endroits les orties, écrasant les hautes valérianes. Parfois mon pied se pose; durant quelques pas, sur un banc de sable fin.

Et dans le silence, j'entends un oiseau - je m'imagine que c'est un rossignol, mais sans doute je me trompe, puisqu'ils ne chantent que le soir un oiseau qui répète obstinément la même phrase:.

voix de la mati� née, parole dite sous l'ombrage, invitation délicieuse au voyage entre les aulnes.

Invisible, entêté, il semble m'ac­ compagner sous la feuille. Pour la première fois me voilà, moi aussi, sur le chemin de l'aventure.

Ce ne sont plus des coquilles abandonnées par les eaux que je cherche, sous la direction de M.

Seurel, ni des orchis que le maître d'école ne .connaisse pas, ni même, comme cela nous arrivait souvent dans le champ du père Martin, cette fontaine profonde et tarie, couverte d'un grillage, enfouie sous tant d'herbes folles qu'il fallait chaque fois plus de temps pour la retrouver...

Je cherche quelque chose de plus mystérieux encore.

C'est le passage · dont il est question dans les livres, l'ancien chemin obstrué, celui dont le prince harassé de fatigue n'a pu trouver l'entrée.

Cela se découvre à l'heure la plus perdue de la matinée, quand on a depuis longtemps oublié qu'il va être onze heures, midi...

Et soudain, en écartant, dans le feuil­ lage profond, les branches, avec ce geste hésitant des mains à hauteur du visage inégalement écartées, on l'aperçoit comme une longue avenue sombre dont la sortie est un rond de lumière tout petit. Mais tandis que j'espère et m'enivre ainsi, voici que brusquement je débouche dans une sorte de clairière, qui se trouve être tout simplement un pré. Vous étudierez ce texte sous forme de commentaire composé. Vous montrerez, par exemple, par quels procédés le romancier donne à son récit une coloration poétique. Pour aborder le texte Peut-être connaissez-vous déjà Le 1.

PREMIÈRE LECTURE. Grand Meaulnes, qui est, selon Alain­ Fournier lui-même, «un roman d'aventures et de découvertes», «la plus merveilleuse petite histoire qui ait jamais excité les enfants sages et secrets», et retrouvez-vous ici la fraî­ cheur de vos premières sensations. Quoi qu'il en soit, vous percevez cer­ tainement d'emblée quelques carac­ tères de l'évocation : sa sensualité (lumière et ombre, fraîcheur et flui­ dité), son oscillation entre le réel et l'imaginaire et (le libellé attire votre attention là-dessus) sa poésie. Des notes éclaireraient un jour d'examen les termes «échalier», qui est plutôt ici la clôture mobile d'un champ qu'une échelle permettant de franchir une haie, «valérianes», plantes à fleurs roses ou blanches, ou «orchis», autres plantes, dont la variété la plus célèbre, l'orchidée tropicale, pousse loin de la Sologne... Mais sans doute vous laissera-t-on trouver le sens de «sente» (petit sentier) ou d'«aulnes» (arbres qui poussent dans les lieux humides et qu'un lied de Schubert, entre autres, a rendus célèbres). Si la syntaxe ne soulève pas de réelles difficultés, vous vous interrogerez pourtant sur le subjonctif de la relàtive «ni des orchis que le maître d'école ne connaisse pas» qui, en alliant à la virtualité une idée de finalité, traduit la volonté d'étonner l'instituteur (qui est le père du narrateur) par un problème insoluble. François appelle Augustin son «grand frère» par affection (et aussi compte tenu de leur différence d'âge : 2.

DEUXIÈME LECTURE. a) Les difficultés du texte : • le vocabulaire. • la grammaire. • les allusions. 15 et 17 ans) et parce qu'il reconnaît en lui un initiateur.

Par ailleurs ne perdez pas de vue que «M.

Seurel» et «l'instituteur» sont une seule et même personne et que «le passage dont il est question dans les livres» renvoie à des contes de fées ou à des légendes. Vous pouvez suggérer le contenu et l'orientation du texte de deux façons «sur le chemin de l'aventure» ou la «merveilleuse promenade», expressions du romancier lui-même dont la deuxième suggère le caractère lyrique* de l'évocation, ou encore, à l'aide d'une phrase un peu plus développée «Le narrateur rappelle une promenade qu'il a faite adolescent pour retrouver le mystérieux domaine découvert un soir par son ami Meaulnes.» Alain-Fournier évoque à la fois le · monde extérieur, puisqu'il décrit une promenade en Sologne («Toute la matinée est à moi pour explorer la lisière du bois [ ...] tandis que mon grand frère aussi est parti à la décou­ verte»), et les sentiments de Fran­ çois : fierté éprouvée par un ado­ lescent, que ses parents ont toujours entouré de soins attentifs en raison de ses problèmes de santé, de se retrouver seul à son tour «sur le chemin de l'aventure» et d'être proche du «bonheur mystérieux que Meaulnes a entrevu un jour» (c'est là une remarque qui précède immédiatement le passage à commenter); sensualité au contact de la nature, qu'il s'agisse de perceptions visuelles ou auditives («j'entends un oiseau [...] qui répète obstinément la même phrase»); exaltation par le recours à l'imagination («je m'imagine que c'est b) Le contenu du texte. 3.

TROISIÈME LECTURE. a) Aspects à prendre en considération dans tous les cas : • La description du texte. - L'invention. Matière. un rossignol [...

] », «je cherche quel­ que chose de plus mystérieux encore. C'est le passage dont il est question dans les livres [...

] »).

Vous noterez l'importance de la notation finale : «tandis que j'espère et m'enivre ainsi». Le ton a le naturel et la simplicité Tonalité.. d'un récit fait ultérieurement par un personnage réservé qui se penche sur son passé, d'où un certain réalisme (voir les indications temporelles et spatiales) qui fait songer à celui des romans régionalistes.

Mais le narrateur s'imagine qu'il côtoie le mystère, d'où cette impression d'étonnement et de dépaysement due à des faits surnaturels, caractéristique du merveilleux* (ainsi dans l'ensemble du troisième paragraphe).

Enfin, enivré par son entreprise, François transfigure poétiquement le réel et s'exprime sur un ton lyrique* perceptible dès la fin du premier paragraphe. En présentant cet épisode de la But. sorte, Alain-Fournier vise un but propre à tout récit poétique : reprenant en prose les moyens du poème, il définit un univers privilégié, un paradis perdu que l'adolescent espère de toutes ses forces retrouver; ce faisant il donne à la page un intérêt plus psy­ chologique que descriptif. La disposition. Le texte est divisé en quatre para­ graphes, dont le plus court (dans les limites du sujet) est marqué par une rupture temporelle (soulignée par l'adverbe «brusquement») et traduit une déception (suggérée par «tout simplement»). L'utilisation des temps du récit d'une part (présent historique, passé composé et imparfait), et de ceux du discours* de l'autre (présent de vérité générale et passé correspondant dans les phrases 1 \ consacrées au «chemin [...] dont le prince harassé de fatigue n'a pu trou­ ver l'entrée»), ainsi que la conjonction «mais» au début du dernier alinéa soulignent une oscillation entre le réel et l'imaginaire.

L'ensemble du texte semble obéir à un schéma de ce type 1re partie : «Toute la matinée est à moi pour explorer...» (§ 1-2); 2° partie : « [...

] me voilà, moi aussi, sur le chemin de l'aventure» (§ 3); 3e partie : «Mais...

» (§ 4). Comment apprécier cette composi­ tion? Dans l'évocation de sa prome­ nade, François rapporte tour à tour ses actions et ses réflexions (d'ado- · lescent ou d'adulte?), parfois mêlées d'ailleurs, comme dans la parenthèse consacrée au chant du «rossignol». Tout vous conduit à opposer aux trois premiers paragraphes le dernier, qui rompt une exaltation de plus en plus perceptible et ramène à la réalité. Ainsi la composition est circulaire et traduit un échec et un désenchante­ ment (dans les deux sens du mot). Malgré son caractère littéraire,· le - L'élocution. style n'a rien de soutenu et n'exclut pas une certaine familiarité («dont je Les niveaux de ne sais pas le nom», «mais sans doute je me trompe», «le champ du père Martin»), à la fois parce que le narrateur, malgré son instruction, reste un homme simple et discret qui se rappelle l'adolescent qu'il était, et parce que le romancier cherche à faire percevoir la présence de l'invisible dans le visible, du mystère au sein même de la réalité la plus familière. Vous pourrez noter la précision des Le lexique. termes concrets, notamment du vocabulaire rustique («lisière du bois», «lit de ruisseau», «aulnes», «échalier», «sente»...).

Mais ct?autres langue. expressions plus floues («j'entends un oiseau», «je cherche quelque chose de plus mystérieux encore») contri­ buent à installer dans le récit un cli­ mat d'irréalité : !'écrivain joue sur les mots pour transfigurer poétiquement le réel.

Il recourt aussi à des termes aux riches connotations* : le rossi­ gnol peut faire penser à la littérature médiévale (par exemple au Lai du laostic, ancien nom de l'oiseau) où il était considéré comme un messager d'amour; les aulnes évoquent le romantisme germanique, le prince et «l'ancien chemin obstrué», les contes de fées (impression confirmée par l'allusion du narrateur aux «livres»), sans parler de !'«invitation [...] au voyage» ... Les mots clés de la page sont sans Mots clés et doute l'adjectif «mystérieux» et les lexicaux. verbes «j'espère et m'enivre».

De plus vous voyez se dessiner sous vos yeux plusieurs champs lexicaux* : réalités rustiques, promenade, sensa­ tions et sentiments,.... »

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