Allemagne 1992-1993 La fin du "rêve helvétique" "Quelle est, pour les Allemands, la nation modèle? - La Suisse." Telle était...
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Allemagne 1992-1993
La fin du "rêve helvétique"
"Quelle est, pour les Allemands, la nation modèle? - La Suisse." Telle était la
réponse d'environ 40% de la population quelques mois après la réunification
allemande le 3 octobre 1990.
A l'époque, ce pourcentage a provoqué l'étonnement.
Mais il était dans la logique des choses.
Avant la chute du Mur de Berlin, le 9
novembre 1989, la RFA avait toutes les allures d'une "Grande Suisse".
Un pays,
sans grandes responsabilités sur la scène internationale, sans difficulté
majeure sur le plan intérieur, avec une puissance économique qui semblait à
toute épreuve.
L'année 1992-1993 a définitivement mis fin au rêve helvétique des Allemands: en
politique étrangère, avec l'engagement de la Bundeswehr en dehors de la zone de
l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord), notamment en Bosnie et en
Somalie; en politique intérieure, avec le nombre croissant de demandeurs d'asile
venant de l'Europe de l'Est et les agressions racistes; et en matière
économique, avec la question du financement de l'unification et les débuts d'une
profonde récession.
S'engager sur la scène internationale
La fin du rêve.
Au début des années quatre-vingt, des centaines de milliers de
jeunes Allemands, parmi eux l'ancien "soixante-huitard" Daniel Cohn-Bendit,
manifestaient contre la présence des nouveaux missiles américains en République
fédérale d'Allemagne (RFA) - au grand dam du chancelier Helmut Kohl.
Dix ans
plus tard, D.
Cohn-Bendit, devenu adjoint au maire de la ville de
Francfort-sur-le-Main chargé des questions multiculturelles, se prononçait
publiquement pour une intervention militaire en Bosnie, alors qu'H.
Kohl jouait
la "valse-hésitation".
Aucun doute, la guerre en Bosnie a bien bouleversé le paysage politique allemand
et rendu son actualité à la question posée lors de la guerre du Golfe et du
conflit yougoslave en Croatie (en 1991): "Faut-il engager la Bundeswehr en
dehors de la zone de l'OTAN?" Avant l'unification, presque toute la classe
politique était unanime sur le fait que la Grundgesetz (Loi fondamentale,
c'est-à-dire la Constitution de la RFA) ne permettait pas une telle utilisation
de l'armée allemande.
Le chancelier H.
Kohl répétait encore en 1990 qu'un
changement de la Constitution était incontournable si des soldats allemands
devaient servir sous l'uniforme des "casques bleus".
Depuis, Bonn a avancé pas à pas et testé les limites juridiques et politiques de
ses initiatives, car une majorité des deux tiers au Bundestag, la chambre basse
allemande, était nécessaire pour changer la Loi fondamentale.
En juillet 1992,
le gouvernement a engagé le destroyer Bayern dans le blocus contre la Serbie et
le Monténegro.
En mars 1993, il a donné l'autorisation aux soldats allemands de
surveiller l'espace aérien au-dessus de la Bosnie à bord d'avions AWACS.
Enfin,
en avril 1993, il a envoyé des "casques bleus" en Somalie à la demande des
Nations unies.
Le cas des avions AWACS a presque fait éclater la coalition entre les
chrétiens-démocrates (CDU/CSU) et les libéraux (FDP).
Ces derniers ne se sont
pas déclarés contre la participation des soldats allemands, mais l'ont jugée
anticonstitutionnelle.
Faute d'une solution politique, le gouvernement a
finalement saisi d'urgence la Cour constitutionnelle à Karlsruhe.
Le 9 avril
1993, celleci a rendu un verdict provisoire: les soldats pouvaient, jusqu'à
éventuel contrordre, participer à cette action de l'ONU pour éviter que la
politique étrangère de l'Allemagne ne souffrît de la non-intervention du pays,
l'annonce du jugement définitif ayant été fixée à l'automne 1993.
Malgré cette stratégie des petits pas, le gouvernement n'est pas apparu en
mesure de se passer de l'accord de l'opposition pour rendre tout à fait
constitutionnel l'engagement de la Bundeswehr en dehors de la zone de l'OTAN.
Mais les sociaux-démocrates (SPD) n'ont souhaité une participation des soldats
allemands que dans les missions de l'ONU du genre de l'intervention en Somalie.
Il n'était cependant pas exclu que le SPD change de position, surtout après
l'élection de Rudolf Scharping à la tête du parti, le 13 juin 1993.
Agressions racistes et limitation du droit d'asile
La fin du rêve.
Dans les années quatre-vingt, l'Allemagne s'offrait encore le
luxe de débattre de l'exonération fiscale du kérosène, exigée par le défunt
Franz Josef Strauß, le remuant président de la CSU et grand amateur d'avions de
tourisme.
Dix ans plus tard, les problèmes principaux de la politique intérieure
sont beaucoup moins risibles: le nombre croissant des demandeurs d'asile (le
terme allemand, Asylbewerber désigne aussi les immigrés économiques), une
jeunesse en partie à la dérive et l'affaiblissement des partis politiques
classiques lié à la montée des partis d'extrême droite.
Comme en 1991, le nombre
des demandeurs d'asile n'a cessé d'augmenter: en 1992, ils ont été près de
450000 à se référer à l'article 16 de la Loi fondamentale ("Un réfugié politique
bénéficie du droit d'asile") contre plus de 256000 en 1991.
La majorité de ces
immigrés ont continué
d'arriver de l'Europe de l'Est (Roumanie, Bulgarie ou ex-Yougoslavie).
Selon
l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques),
l'Allemagne a accueilli à partir de 1986 plus d'étrangers que n'importe quel
autre État membre.
D'année en année, cette partie de la population est devenue le bouc émissaire
d'une certaine jeunesse allemande en perte de repères.
Trois événements
symboles, parmi tant d'autres, sont apparus particulièrement significatifs.
Le
22 août 1992, 150 jeunes ont attaqué....
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