Analyse du sujet et problématisation Ce sujet oppose deux points de vue différents sur la finalité didactique de l’apologue :...
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Analyse du sujet et problématisation
Ce sujet oppose deux points de vue différents sur la finalité didactique de
l’apologue : celui de Rousseau qui se présente comme sceptique à la portée didactique de
la fable chez La Fontaine, et, celui d’Erasme qui, au contraire, applaudit son efficacité.
La question posée interroge la portée éducative de l’apologue.
L’apologue est un discours narratif, souvent allégorique, en vers ou en prose ayant
une fonction démonstrative et une visée argumentative et renfermant des enseignements
dont le lecteur tire une morale pratique.
Il englobe différentes formes de textes, comme la
fable, le conte, l’utopie, la parabole, le mythe ou encore l’exemplum.
Il ne s’agit donc pas
de réduire l’apologue à la fable (le début du sujet peut prêter à confusion par son aspect
réducteur).
Interroger la portée éducative de l’apologue, c’est interroger son efficacité
didactique, sa capacité à délivrer un enseignement servant une éducation qui peut être de
différents types : morale, religieuse, scientifique, spirituelle, etc…
Problématique : L’apologue permet-il de délivrer efficacement un enseignement
éducatif ? Son impact didactique est-il réel sur ses lecteurs ?
I)
Si l’apologue présente une finalité didactique…
- Les auteurs d’apologues clament souvent haut et fort la vocation pédagogique de
leurs écrits.
Ils s’adressent principalement aux enfants ; ainsi l’apologue se présente
comme un outil éducatif.
Ex :
·
Les Fables de La Fontaine sont dédiées au Grand Dauphin
S'il y a quelque chose d'ingénieux dans la république des
lettres, on peut dire que c'est la manière dont Esope a débité sa
morale.
Il serait véritablement à souhaiter que d'autres mains que
les miennes y eussent ajouté les ornements de la poésie, puisque
le plus sage des anciens a jugé qu'ils n'y étaient pas inutiles.
J'ose,
Monseigneur, vous en présenter quelques essais.
C'est un
entretien convenable à vos premières années.
Vous êtes en un âge
où l'amusement et les jeux sont permis aux princes; mais en
même temps, vous devez donner quelques unes de vos pensées à
des réflexions sérieuses.
Tout cela se rencontre aux fables que
nous devons à Esope.
L'apparence en est puérile, je le confesse,
mais ces puérilités servent d'enveloppe à des vérités importantes.
[…] ( Dédicace des Fables A Monseigneur le Dauphin ).
·
Les Contes de ma mère l’oye de Perrault sont dédiés à Mademoiselle, nièce
de Louis XIV et précédés d’une épître au dauphin où Perrault insiste d’ailleurs
sur l’éducation morale transmise dans ses textes :
L’apparence en est puérile, je le confesse ; mais ces
puérilités servent d’enveloppe à des vérités importantes… Par les
raisonnements et les conséquences qu’on peut tirer de ces fables,
on se forme le jugement et les mœurs, on se rend capable des
grandes choses.
- L’efficacité didactique de l’apologue tient souvent à l’énoncé d’une morale, en point
d’orgue du texte.
La morale suscite l’éveil de la conscience et fait aimer la vérité.
Elle énonce une leçon ou une vérité sur l’homme sans détour.
Son aspect général
(utilisation du présent de vérité générale ou de l’infinitif) la présente comme une vérité
universelle :
Ex : La parabole du XIIIème siècle Le Prud'homme qui sauva son compère où la
morale tient une grande place et se veut une mise en garde éveillant littéralement les
consciences face à la malignité de certains hommes:
Aussi, je vous le dis tout franc : rendre service à un perfide,
c'est là vraiment perdre son temps.
Sauvez du gibet un larron qui
vient de commettre un méfait, jamais il ne vous aimera et bien plus,
il vous haïra.
Jamais méchant ne saura gré à celui qui l'a obligé : il
s'en moque, oublie aussitôt et serait même disposé à lui nuire et à
le léser s'il avait un jour le dessus.
Cette morale considère le destinataire, interpelle le lecteur sans détour, elle lui fait
la leçon : on peut prendre l’exemple ici de certaines morales où l’interpellation du lecteur
est très présente à travers l’utilisation de l’impératif.
Ex : « Le Chartier embourbé » (La Fontaine) : « Aide-toi, le ciel t’aidera.
»
« Le cochet, le chat et le souriceaux » : « Garde-toi, tant que tu vivras,
De juger des gens sur la mine.
»
- C’est aussi souvent le récit qui, dans l’apologue, est garant de la puissance
didactique comme l’affirme La Fontaine :
Les fables ne sont pas ce qu'elles semblent être ;
Le plus simple animal nous y tient lieu de maître.
Une morale nue apporte de l'ennui :
Le conte fait passer le précepte avec lui.
En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire,
Et conter pour conter me semble peu d'affaire.
C'est par cette raison qu'égayant leur esprit,
Nombre de gens fameux en ce genre ont écrit.
Tous ont fui l'ornement et le trop d'étendue.
On ne voit point chez eux de parole perdue.
(Début de la fable Le pâtre et le lion, Livre
VI).
Le récit offre une leçon pragmatique éloquente : souvent terre-à-terre voire
simpliste dans l’apologue, il sert d’illustration nécessaire à la morale.
Parfois, lorsque cette
morale n’est pas explicitement formulée, c’est le récit, dans son ensemble qui dégage une
leçon.
Il exploite aussi les pouvoirs de l’imagination et du merveilleux et en voulant plaire
et instruire à la fois fait preuve d’une sagesse poétique.
II)
… celle-ci peut s’avérer peu efficace dans les faits
-L’apologue est souvent peu compréhensible pour un public enfantin.
C’est le
premier reproche que fait Rousseau à La Fontaine dans l’Emile.
On fait apprendre les fables de la Fontaine à tous les enfants,
et il n'y en a pas un seul qui les entende.
[…] Je dis qu'un enfant
n'entend point les fables qu'on lui fait apprendre, parce que quelque
effort qu'on fasse pour les rendre simples, l'instruction qu'on en veut
tirer force d'y faire entrer des idées qu'il ne peut saisir, et que le
tour même de la poésie, en les lui rendant plus faciles à retenir, les
lui rend plus difficiles à concevoir, en sorte qu'on achète l'agrément
aux dépens de la clarté.
à Non seulement l’aspect versifié de la Fable, mais aussi les thèmes qu’elle aborde
- des thèmes souvent peu naïfs tels ceux faisant référence à des doctrines ou idées
philosophiques (cf.
l'allusion à la thèse cartésienne des animaux-machines dans Les
Obsèques de la lionne, la critique de l'astrologie dans L'Horoscope, ou encore, la question
des erreurs de sens qui appartient au vieux procès entamé contre la raison, susceptible
d'être leurrée par les perceptions sensorielles dans Un animal dans la lune) – peuvent
apparaître comme inadaptés à un public enfantin qui entre dans la vie.
-
L’apologue n’est donc pas adapté à la naïveté des enfants et même lorsque
ces thèmes apparaissent enfantins, sa morale risque d’être mal comprise et de
manquer par là-même sa vertu éducative.
Ex : Rousseau qui, dans L’Emile, montre l’impact négatif que peuvent avoir les
fables sur l’éducation d’un enfant :
Quand ils les entendraient, ce serait encore pis ; car la
morale en est tellement mêlée et....
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