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Arendt : la définition du totalitarisme L'œuvre de Hannah Arendt (1926-1975), essentiellement orientée vers les phénomènes politiques, propose une description...

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« Arendt : la définition du totalitarisme L'œuvre de Hannah Arendt (1926-1975), essentiellement orientée vers les phénomènes politiques, propose une description phénoménologique de l'existence humaine (La Condition de l'homme moderne, 1958) qui partage les postulats de la philosophie existentielle.

Selon elle, l'existence est essentiellement active ; elle se déploie notamment selon trois grandes activités majeures : le travail, qui consiste à affronter la nécessité vitale et à demeurer en vie; l'œuvre, par laquelle nous produisons des objets durables qui constituent le monde artificiel dans lequel nous vivons ; l'action.

Cette dernière donne lieu à une analyse profondément originale.

L'action ne consiste pas à "faire" ou à réaliser un but, mais à vivre « l'expérience prodigieuse des possibilités de vie entre égaux » (Qu 'est-ce que la politique ?), c'est-à-dire à vivre avec les autres, dans un espace public, selon l'égalité et la distinction.

C'est un tel espace politique que les révolutions ouvrent et que les régimes totalitaires détruisent.

L'œuvre d'Arendt renouvelle également la réflexion morale (voir chapitre 10). ■ L'émergence d'un concept nouveau Jusque dans les années trente, le terme de « fascisme » désignait une même famille de régimes autoritaires (italien, allemand, etc.).

Les républicains et les démocrates qui luttaient contre ces régimes se rangeaient sous la bannière de l'antifascisme.

L'accord entre l'URSS et le régime nazi de Hitler rapprochait le communisme du fascisme.

La nouveauté effroyable des régimes hitlérien et stalinien requiert un renouvellement de la réflexion politique.

On doit essentiellement à Hannah Arendt la mise au point conceptuelle de la notion de totalitarisme dans un ouvrage qui fit date : Les Origines du totalitarisme (1951). Les régimes stalinien et hitlérien sont-ils comparables à des tyrannies classiques précédemment identifiées par la théorie politique? Peut-on, par exemple, mobiliser la pensée de Tocqueville ou de Montesquieu et leurs concepts de despotisme pour comprendre l'évolution des régimes fascistes pendant la Seconde Guerre mondiale ? Arendt n'en croit rien et défend au contraire l'idée que chaque événement d'importance vient bouleverser l'ordre de la pensée et exige d'elle une reprise complète de ses catégories.

À partir des éléments qui se cristalliseront dans la domination totalitaire - à savoir l'impérialisme et l'antisémitisme -, Arendt est conduite à identifier l'État totalitaire : « Jusqu'à présent nous ne connaissons que deux formes authentiques de domination totalitaire : la dictature du national-socialisme après 1938, et celle du bolchevisme depuis 1930.

Ces formes de domination diffèrent fondamentalement de toutes les autres sortes de pouvoir dictatorial, despotique ou tyrannique en ce qu'ils sont essentiellement totalitaires [...

] ils sont nouveaux.

» Arendt, Les Origines du totalitarisme ■ Les caractéristiques du totalitarisme La loi totalitaire Le régime totalitaire se différencie de la tyrannie et de la république.

Au contraire de la tyrannie qui suspend la loi et livre les citoyens à l'arbitraire d'un pouvoir autocratique, le régime totalitaire institue des lois nouvelles.

Mais la loi totalitaire ne ressemble pas à la loi des régimes républicains ou constitutionnels.

Le régime totalitaire ne se caractérise pas non plus par l'absence de loi des régimes tyranniques.

La loi totalitaire est inédite et extraordinaire. Son ambition exorbitante est de réaliser les lois de la nature, à travers l'idéologie du racisme pour le régime nazi, ou de l'histoire, dans le cas de l'idéologie de la lutte des classes du régime stalinien.

Les lois de ces deux régimes prétendent à une « légitimité totalitaire» (Les Origines du totalitarisme) tout à fait particulière pour trois raisons principales.

Premièrement, elles sont au-dessus de toute loi positive; deuxièmement, elles prennent l'espèce humaine comme objet de leur législation, et non le caractère individuel et singulier des situations qu'une loi ordinaire règle ; enfin, troisièmement, les lois totalitaires sont des lois du mouvement.

Dans l'affirmation de leur autorité absolue, les lois totalitaires ont une « prétention monstrueuse » (ibidem) : celle de justifier idéologiquement la terreur. La terreur La terreur est un phénomène politique rare - même s'il y a d'autres occurrences comme la Terreur, en 1793 ou la question contemporaine du terrorisme-, caractéristique des régimes totalitaires.

Arendt définit ainsi la terreur : elle est « la réalisation d'une loi du mouvement, dont la fin ultime n'est ni le bien-être des hommes ni l'intérêt d'un seul homme mais la fabrication du genre humain» (Les Origines du totalitarisme). Par conséquent, la terreur n'est ni la loi républicaine, qui vise le bien commun, ni la loi d'un régime autocratique, qui vise la domination tyrannique de celui qui concentre le pouvoir dans ses mains.

Au détriment de toute situation humaine singulière, la loi totalitaire applique à l'espèce humaine la nécessité absolue des lois de la nature ou de l'histoire, nécessité qu'elle prétend scientifiquement connaître, et ce faisant sacrifie les "parties" au profit du "tout" - nécessité absolue qui s'impose à tous et exige le crime.

Quand la légalité se charge de réaliser le devenir historique ou naturel de l'espèce humaine, elle devient terreur et détruit non seulement.... »

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