Aspects du drame moderne La disparition de la tragédie classique ne doit pas laisser croire que le tragique disparait avec...
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«
Aspects
du drame moderne
La disparition de la tragédie classique ne doit pas laisser croire
que le tragique disparait avec elle.
« La tragédie est-elle morte ?
Alors, vive la tragédie ! », écrit Cocteau, en tête de son Renaud et
Armide (1943).
Toutefois, la notion de genre éclate.
li n'est plus ques
tion de tragédie ni de drame, mais simplement de pièce : Sartre qua
lifie Huis clos (1944) de « pièce en un acte » ; Ionesco définit La
Cantatrice chauve (1950) comme une « anti-pièce ».
La frontière,
jusque-là clairement établie, entre le comique et le tragique, s'es
tompe.
Les Chaises (1952), de Ionesco, sont une« farce tragique».
Trois traits majeurs se dégagent toutefois du drame moderne : le
retour des mythes antiques, l'engagement politique et philoso
phique, l'apparition d'un théâtre de l'absurde.
LE RETOUR DES MYTHES ANTIQUES
C'est l'un des faits majeurs de l'histoire du théâtre français dans la
première moitié du xxe siècle.
La Machine infernale (1934), de Jean
Cocteau, est une réécriture du mythe d'Œdipe.
La Guerre de Troie
n'aura pas lieu (1934), de Jean Giraudoux, est une variation sur
l'Iliade d'Homère.
!.!Électre (1937), du même auteur, ainsi que Les
Mouches (1943), de Sartre, reprennent le mythe d'Oreste et de sa
sœur Électre, assassins de leur mère Clytemnestre1 • !.!Antigone
(1944), de Jean Anouilh, emprunte son sujet à Sophocle2.
Plusieurs raisons expliquent ce retour des mythes antiques.
1.
Voir plus haut p.
16.
2..
Voir plus haut p.
15 et 16.
1.
La montée des périls durant l'entre-deux-guerres, la crainte
d'un nouveau conflit puis la Seconde Guerre mondiale inscrivent de
nouveau le tragique à l'ordre du jour.
Or les mythes ont toujours eu
pour vocation d'exprimer les grandes angoisses humaines.
En les
portant à la scène et en les modernisant, les dramaturges disent les
inquiétudes de leur temps.
2.
Au-delà de ces circonstances historiques, le mythe se prête
presque naturellement aux adaptations théâtrales.
Les jeux y sont
faits à l'avance sans possibilité d'en modifier la donne fondamentale : Antigone doit mourir ; Œdipe doit tuer son père et épouser sa
mère ; la guerre de Troie aura lieu.
L'intangibilité du mythe se substitue à l'antique conception religieuse de la fatalité.
3.
Le mythe permet enfin une poétisation du théâtre.
Parce qu'il
est devenu, au cours des siècles, un élément constitutif de la culture,
le mythe dispense le dramaturge de toute obligation de réalisme ou
de vraisemblance.
Son ancienneté millénaire suffit à sa justification.
Son univers est par nature celui de l'illusion.
À ce titre, le mythe permet à l'imaginaire de se déployer3.
L'ENGAGEMENT POLITIQUE
ET PHILOSOPHIQUE
Résonnant des échos de l'histoire, le théâtre prend position dans
les affrontements idéologiques du siècle.
C'est le fait d'auteurs personnellement engagés dans l'action.
Ainsi le théâtre de Sartre (19051980) est-il inséparable de l'existentialisme.
Pour Sartre, l'existence ne se démontre pas : elle est, sans justification ni signification religieuse.
Plongé dans des conditions historiques et économiques qui définissent sa
«
situation
»,
l'homme n'a
d'autre choix que de construire sa liberté.
Tâche redoutable! Chaque
situation impose en effet un choix inédit, qui,engage chacun et
autrui, le refus de choisir étant déjà un choix.
A chacun, en consé-
quence, d'inventer une solution conforme à la dignité humaine.
3.
Sur le retour des mythes antiques, voir le Profil 11° 179-180 qui lui est consacré.
32
LA TRAGÉDI'
Éphémère et relative, la morale n'est plus un dogme intangible, mais
une création de tous les instants : « Mon acte, c'est ma liberté», proclame Oreste dans Les Mouches.
Mais cette liberté n'est ni caprice
ni fantaisie.
Elle exclut le droit à l'erreur, les alibis et la mauvaise foi.
Huis clos possède un caractère fantastique.
Dans un salon de style
Napoléon Ill, un « garçon d'étage » introduit trois morts-vivants :
Garein, le déserteur ; Estelle,....
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