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Autrui dans la vie affective Nous n'avons jusque-là considéré l'autre qu'en tant qu'il faisait l'objet d'une interrogation théorique: comment se...

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« Autrui dans la vie affective Nous n'avons jusque-là considéré l'autre qu'en tant qu'il faisait l'objet d'une interrogation théorique: comment se fait !'identification d'autrui (Fe partie)? Comment s'opère sa compréhension* (2 8 partie)? C'était, à l'horizon, tou­ jours le problème d'un savoir possible sur autrui qui reve­ nait.

L'ensemble de mes relations avec les autres est pourtant loin d'être èp;__1isè par la connaissance• que 1e puis en prendre: de l'amour à la hiline, en passant par l'in­ térêt et l'indifférence, j'éprouve aussi pour eux des senti­ ments. Pour un penseur comme Lévinas, la connaissance est en effet un processus semblable à l'assimilation: je fais de l'autre l'objet de ma connaissance, et je no romps pas ma soiit11de par cette ouverture toute théorique sur !'Être « Mon effort consiste à montrer que le savoir est en réalité une immanence, et qu'il n'y a pas de rupture de l'isole­ ment de l'être dans le savoir1 >).

Vouloir connaître autrui, c'est continuer à le poser sur le plan des objets; or c'est par une autre dimension que se dévoilera l'altérité' authentique. Du théorique, on passe au domilino de l'affectif : ce qui importe alors, c'est moins la connaissance de l'autre que sa reconnaissance*. Le désir de reconnaissance L'importance de cette dimension de l'affectif était b;en marquée par Hegel: l'affirmation pleine et totale de la conscience ne peut s'effectuer selon lui qu'à travers la reconnaissance* active d'une autre conscience: « La 1.

Lévinas.

Éthiqw� et l.e Livre de Poche, 1982, p. (dialogues èlvec Philippe l\lernol. conscience de soi est en soi et pour soi quand et parce qu'elle est en soi et pour soi pour une autre conscience de soi; c'est-à-dire qu'elle n'est qu'en tant qu'être reconnu 2 .

» On trouve donc au départ un désir de reconnaissance* qui prend immédiatement la forme d'une lutte avec l'autre, lutte au cours de laquelle je suis prêt à mourir pour lui montrer que les droits de ma conscience libre sont supérieurs à ceux de ma vie simplement animale. Cette recherche héroïque du regard de l'autre comme confirmation de mon être connaît pourtant vite des formes excessives et dégradées: la vanité, ce désir passionné de paraître aux yeux d'autrui, ne me fait-elle pas prendre de faux visages qui m'aliènent (cf.

texte 8)? La formation du moi On trouve donc, comme racine de l'élaboration du moi dans sa singularité, ce lien affectif à l'autre.

Ma personnalité se forme, se découvre, s'affermit, au contact de ces figures concrètes que sont les parents, les amis, les maîtresses et les amants.

Je ne deviens moi-même que par le jeu des attirances et des haines, des influences et des répugnances, jeu paradoxal puisque c'est seulement en me situant par rapport aux autres que j'affirme mon caractère unique. Freud montre par exemple comment le complexe d'Œdipe (cf.

texte 9) structure la personnalité de l'enfant en lui inspirant envers le père et la mère des attitudes différenciées, des désirs contradictoires, qui détermineront son rapport ultérieur aux autres, et notamment ses relations amoureuses.

Ce qui se découvre alors, c'est la différence des sexes.

Différence si profonde et si irréductible qu'on se demande si elle est seulement le symbole ou bien la matrice de l'altérité*.

Elle reste en tous cas le lieu où se noue notre identité*. L'ambivalence du désir permet en tous cas de comprendre les ambiguïtés conflictuelles des relations avec autrui: il s'agît toujours de préserver en l'autre la dimension de son altérité*, laquelle fonde précisément son 2.

Hegel, La Phénoménologie de l'esprit, trad.

J.

Hyppollite, Aubier, p.

155. 35 identité*.

Ainsi un attachement tyrannique tentera de nier l'indépendance de l'autre et de l'assimiler à mes volontés propres; mais on pourra toujours montrer que ce désir despotique repose sur une peur (et donc une reconnaissance implicite} de son altérité*: c'est parce que je sais que l'autre m'est à jamais étranger que je m'acharne avec tant de rage à me rendre maître de lui.

À l'autre extrême, l'esprit de sacrifice qui consiste à s'effacer continuellement devant l'autre, à refuser ses propres désirs pour accomplir ceux de l'autre, relève d'une tentative de culpabilisation (« regarde tout ce que j'ai fait pour toi»} visant sournoisement à le rendre dépendant de nos sacrifices. Les contradictions de l'amour L'amour semble pourtant constituer le modèle le plus pur et le plus achevé de ce lien affectif avec autrui. Les thèmes sont bien connus : dans l'amour, nous expérimentons un absolu dépassement de nous-mêmes.

Se révèle en nous soudainement une capacité jusqu'alors inconnue à vivre totalement pour l'autre, dans l'attente de le voir, dans la crainte de le perdre, dans le bonheur de sa présence.

Nos retenues mesurées, nos inclinations égoïstes se trouvent comme miraculeusement évanouies dans cet acte de dévouement illimité.

Autrui détient soudain la clef de notre joie, la justification de notre existence: il y a cette égalité parfaite des cœurs qui fait dire que nous n'étions, seuls et sans l'autre, qu'une partie de nousmêmes.

Julie écrit ainsi à son amant: « Il y a six ans à peu près que je vous vis pour la première fois; vous étiez jeune, bien fait, aimable; d'autres jeunes gens m'ont paru plus beaux et mieux faits que vous; aucun ne m'a donné la moindre émotion, et mon cœur fut à vous dès la première vue.

Je crus voir sur votre visage les traits de l'âme qu'il fallait à la mienne( ...

) nous étions faits l'un pour l'autre3 .}) Mais ce désir inquiet d'une fusion totale où je sois tout à l'autre et l'autre tout à moi, ne renvoie-t-il pas aux complaisances du narcissisme*? La dimension d'altérité* n'estelle pas résorbée dans cet appel à l'étreinte anonyme où 3.

J.-J.

Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, Garnier Flammarion, 1967, p.

250. 36 le moi s'évanouit? Et la jalousie, dont Proust (cf.

texte 10) voudra penser qu'elle accompagne toujours le véritable amour, n'est-elle pas ce même rêve déçu d'identité fusionnelle, cette révélation que, dans mon désir de possession totale, l'autre m'échappe et m'échappera toujours? Devant nous, l'amour semble sans cesse osciller entre le bonheur d'une osmose totale (mais comment autrui serait-il autrui s'il était le Même?) et la douleur d'une séparation infinie (mais s'il était l'Autre absolu, comment pourrais-je même le reconnaître comme tel?). Le pacte d'amitié Peut-être trouve-t-on dans l'amitié un équilibre plus mesuré du Même et de l'Autre.

Pour être amis, il convient en effet de ne pas trop se ressembler: l'amitié ne serait alors qu'un effet de miroirs où j'admirerais en l'autre ce que je sais retrouver en moi.

Au contraire, une attitude fraternelle peut m'apprendre ce respect* des différences* qu'est la tolérance.

Une trop grande différence ne sied pas non plus: je n'éprouverai jamais que répugnance de ce qui m'est étranger ou fascination pour l'altérité* absolue. Loin des positions absolues de l'amour, l'amitié permet l'équilibre entre une claire acceptation des différences* et la reconnaissance de valeurs mutuelles (cf.

texte 11 ). C'est seulement dans l'espace de ce jeu que l'altérité* devient intelligible. - Le moi pour autrui B.

PASCAL (1623-1662) Les moralistes français sont réputés pour leur goût du paradoxe.

JI semble en effet que le procès de reconnaissance* par l'autre donne au moi sa consistance réelle, son épaisseur: Pascal va s'exercer à montrer que dans les rituels de l'affirmation sociale, le Jedistribue des masques qui se substituent au moi réel dont l'être s'évanouit. 37 Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être: nous voulons vivre dans l'idée des autres d'une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître.

Nous travaillons incessament à embellir et conserver notre être imaginaire, et négligeons le véritable.

Et si nous avons ou la tranquillité, ou la générosité, ou la fidélité, nous nous empressons de Je faire savoir, afin d'attacher ces vertus-là à notre autre être, et les détacherions plutôt de nous pour les joindre à l'autre; et nous serions de bon cœur poltrons pour en acquérir la réputation d'être vaillants.

Grande marque du néant de notre propre être, de n'être pas satisfait de l'un sans l'autre, et d'échanger souvent l'un pour l'autre! Car qui ne mourrait pour conserver son honneur, celui-là serait infâme. Orgueil.

- Curiosité n'est que vanité.

Le plus souvent on ne veut savoir que pour en parler.

Autrement on ne voyagerait pas sur la mer, pour ne jamais rien en dire, et pour le seul plaisir de voir, sans espérance d'en jamais communiquer. Du désir d'être estimé de ceux avec qui on est.

- L'orgueil nous tient d'une possession si naturelle au milieu de nos misères, erreurs, etc.

Nous perdons encore la vie avec joie, pourvu qu'on en parle. Vanité: jeu, chasse, visite, comédies, fausse perpétuité de nom. Blaise PASCAL, Pensées (posthume), pensées n°•J47, 152 et 153, classement de L.

Brunschvicg, Classiques Hachette, 1976. POUR MIEUX COMP'RENDRE LE TEXTE Pascal commence par dissocier l'unité du je en deux versants: notre moi «véritable>> (nous, tels que nous savons que nous sommes réellement pour notre conscience intérieure) et le moi « imaginaire>> (nous, tels que nous donnons l'illusion d'être à des consciences extérieures).

Pour éclairer cette distinction, on peut penser à la différence du moi privé* et du moi social*.

Dans la suite du texte, Pascal va décrire un véritable processus d'aliénation*: nous préférons travailler à donner aux 38 autres l'apparence de qualités déterminées, plutôt que de les développer effectivement en nous (à la limite, surenchérit Pascal, pour livrer aux autres l'impression d'une qualité donnée, nous serions prêts à cultiver en nous son contraire).

On voit bien qu'ici de cette exigence active de reconnaissance*, on ne conclut pas à une détermination plus riche de la conscience de soi, mais au contraire à un appauvrissement: dans cette quête d'une reconnaissance* de l'autre, le moi disloque son unité et fait l'aveu de son «néant».

Ce souci de paraître quelque chose quand on n'est rien, c'est l'orgueil*. - Le complexe d'Œdipe S.

FREUD (1856-1939) Mais avant d'être confronté aux masques du monde social, l'enfant trouve l'entourage familial comme premier cercle où s'opère la rencontre d'autrui.

Le texte suivant nous donne à ce propos une présentation très résumée du "drame œdipien ,,.

On entend par là cette épreuve (dont on situe le déroulement entre trois et cinq ans) où s'engage de manière paroxistique l'affectivité de l'enfant vis-à-vis de ses parents, situation éminemment conflictuelle dont la résolution et l'issue déterminent les modalités du rapport ultérieur à l'autre et la possibilité de névroses. En ce qui concerne l'enfant de sexe mâle, le cas, réduit à sa plus simple expression, se présente ainsi; de bonne heure, l'enfant concentre sa libido sur sa mère, et cette concentration a pour point de départ le sein maternel et représente un cas typique de choix d'objet par contact intime; quant au père, l'enfant s'assure une emprise sur lui à la faveur de l'identification.

Ces deux attitudes coexistent pendant quelque temps, jusqu'à ce que les désirs sexuels à l'égard de la mère ayant subi un renforcement et l'enfant s'étant aperçu que le père constitue un obstacle à la réalisation de ces désirs, on· voit naître le Complexe d'Œdipe.

L'identification avec le père devient alors un caractère d'hostilité, engendre le désir d'éliminer le père et de le remplacer auprès de la mère.

À partir de ce moment, l'attitude envers le.... »

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