"Avec en plus le coup de théâtre de Zia, 1988 promettait d'être une année pleine de surprises." Phrase prémonitoire, extraite...
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"Avec en plus le coup de théâtre de Zia, 1988 promettait d'être une année pleine
de surprises." Phrase prémonitoire, extraite du livre autobiographique de
Bénazir Bhutto.
Le "coup de théâtre", ce fut ce que l'on a appelé le "coup
d'État légal" par lequel le président pakistanais, le 29 mai 1988, a congédié
purement et simplement son Premier ministre, Mohammed Khan Junejo, et dissous
l'Assemblée nationale.
Les assemblées locales des quatre provinces ont ensuite
été dissoutes.
Le général Zia ul-Haq avait promis que, dans un délai de
quatre-vingt-dix jours, de nouvelles élections seraient organisées, mais ce
délai évoqua bien des souvenirs pour les Pakistanais: en renversant Zulfikar Ali
Bhutto en 1977, le général Zia avait déjà promis que des élections auraient lieu
dans les trois mois.
Or, la loi martiale fut prolongée huit ans et cinq mois.
Le chef de l'État a résumé ainsi trois ans de gestion de son Premier ministre:
"Une corruption rampante, la détérioration de la loi et de l'ordre, des
effusions de sang sans précédent à Karachi et ailleurs, et une succession de
violences ethniques." S'il était vrai que, depuis 1985, le bilan des émeutes
intercommunautaires de Karachi s'élevait à environ 500 morts, il y avait
d'autres raisons à cette reprise en main du général Zia, effectuée à la
satisfaction de l'armée.
Le 10 avril en effet a eu lieu la catastrophe d'Ojheri,
du nom de ce dépôt de munitions de Rawalpindi.
Le bilan de l'explosion qui s'est
produite dans ce qui est apparu plus tard comme le principal centre de transit
des armes destinées aux moujahidin de la résistance afghane, a probablement
dépassé 400 morts.
Le "tour de vis" islamique de Zia
Le général Zia expliquera qu'il s'est agi d'un "sabotage", probablement à mettre
sur le compte des services secrets du régime de Kaboul, le Khad.
Une enquête fut
cependant menée et ses résultats que, dit-on, M.
Junejo s'apprêtait à rendre
publics, mettaient en cause la responsabilité de deux proches du chef de l'État,
les généraux Hamid Gul, chef des services secrets (ISI) et Akhtar Abdul Rahman,
chef d'état-major inter-armes et commandant du camp d'Ojheri.
Or, ce n'est pas
la première fois que le Premier ministre tentait de s'attaquer à l'institution
militaire, pilier du régime de Zia.
On lui a ainsi prêté l'intention de réduire
les crédits militaires, dont le montant dépassait 38% du budget national.
Le 15 juin 1988, le président annonçait que la charia, la législation islamique,
était désormais la loi suprême du Pakistan et, le 20 juillet, les élections
générales furent fixées au 16 novembre.
Le scrutin devait se dérouler sans la
participation des partis politiques: au sein de l'opposition, qui a été prise de
court par ces décisions successives, ce fut le tollé.
Chacun avait compris qu'en
donnant un "tour de vis" islamique, le général Zia visait à écarter la
candidature de Bénazir Bhutto.
Le 17 août, une nouvelle allait surprendre le
monde entier: le général Zia était mort dans l'explosion de son avion, un C-130
américain.
Le régime était presque "décapité": dans l'appareil, avaient pris
place, outre le général Akhtar Abdul Rahman, trois majors-généraux, cinq
brigadiers-généraux, plusieurs autres officiers, ainsi que l'ambassadeur des
États-Unis, Arnold Raphaël, et l'attaché militaire américain.
Les pays amis du Pakistan, les États-Unis et la Chine notamment, étaient
consternés.
Pour Washington, Zia représentait un allié sûr face à
l'expansionnisme soviétique et sa disparition augmentait les risques
d'instabilité dans la région.
L'armée pakistanaise perdait son principal
protecteur et la résistance afghane, - notamment les partis "fondamentalistes",
qui reçoivent la meilleure part de l'aide militaire américaine, via l'ISI pouvaient craindre un éventuel changement de la politique d'accueil du Pakistan.
Sur le plan intérieur, les réactions de l'opposition relevaient évidemment de la
"divine surprise", même si toute manifestation ostensible de joie fut proscrite.
Les mécanismes constitutionnels ont cependant fonctionné, à la plus grande
satisfaction générale: au moins pour un temps, il n'a pas été question de loi
martiale.
Mais personne ne savait avec exactitude, et pendant plusieurs jours,
qui dirigeait vraiment le Pakistan.
Le président du Sénat, Ghulam Ishaq Khan,
devenait chef de l'État par intérim, mais le général Aslam Beg, nouveau "patron"
de l'armée, était le véritable "homme fort" du régime.
Avec les chefs
d'état-major des trois armes, il siégeait au sein d'un "Conseil d'urgence" qui
devint, en fait, le véritable organe de décision du pays.
Après onze années de
pouvoir militaire, le Pakistan semblait vouloir refaire l'apprentissage de la
démocratie.
Le président a joué à cet égard un rôle que chacun s'est accordé à
reconnaître exemplaire, même s'il est clair qu'il soutint le camp des "barons"
de l'ancien régime.
Les prétendants allaient se disputer âprement l'héritage politique de Zia, mort,
a dit le général Aslam Beg, à la suite d'une "conspiration étrangère".
Bien que
chassé sans ménagements du pouvoir, M.
Junejo, qui est resté président de la
Ligue musulmane,....
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