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Aventure et errance Les romans de Chrétien de Troyes introduisent la figure du chevalier errant, qui fait route sans s'arrêter,...

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« Aventure et errance Les romans de Chrétien de Troyes introduisent la figure du chevalier errant, qui fait route sans s'arrêter, d'aventure en aventure, c'est-à-dire d'épreuve en épreuve.

Aventure et errance ont alors un sens bien particulier, lié à l'univers des romans arthuriens. Issue des verbes latins errare et itinerare, l'errance désigne le fait de voyager au hasard: il s'agit d'un cheminement sans tracé prédéfini, qui s'effectue dans la forêt ou la lande.

Ce cheminement est semé d'aventures.

Ce sont des expé­ riences, des épreuves, qui jalonnent l'itinéraire du héros arthurien et lui permettent de mesurer sa prouesse. Ce schéma narratif, fondé sur l'aventure et l'errance, est typique des récits arthuriens de Chrétien de Troyes.

Nous tenterons d'en analyser le fonctionnement dans Le Chevalier de la charrette en montrant comment l'aventure et l'errance constituent la trame du récit, puis en définissant quelques moteurs narratifs de l'aventure.

Nous préciserons enfin en quoi aventure et errance sont nécessaires au parcours du chevalier. AVENTURE ET RÉCIT Un fil narratif Dans les romans de Chrétien de Troyes, le récit progresse au rythme des aventures et de l'errance.

C'est le cas du Chevalier de la charrette, où le surgissement des aventures imprime son mouvement à la narration.

Du lit défendu au gué périlleux, au Passage des Pierres, du Pont de l'Épée aux combats contre Méléagant, les épreuves sont autant d'étapes narratives. Ce scénario rappelle celui des contes populaires, dans lesquels le héros subit une série d'épreuves initiatiques.

Le schéma des contes repose en effet sur une succession de séquences.

A l'origine, il y a un manque ou un méfait, qui entraînent le départ du héros.

Celui-ci est alors confronté à de multiples aventures, au terme desquelles le manque est comblé ou le méfait réparé. Dans Le Chevalier de la charrette, le schéma semble exploité à l'infini.

Si la réussite de l'aventure suprême entraîne, dans le conte, la fin du récit, il n'en est rien dans ce roman. Lancelot, après avoir subi victorieusement l'épreuve du Pont de !'Épée et l'affrontement avec Méléagant, comble bien le manque initial en retrouvant la reine.

Cependant, la nuit d'amour ne clôt pas le récit, qui s'ouvre sur une nouvelle errance et de nouvelles aventures.

En outre, l'ambiguïté du dénouement permet d'imaginer encore un nouveau départ de Lancelot. Les personnages de l'aventure L'aventure et l'errance définissent également la fonction des personnages.

Les compagnons du héros sont des compagnons de route: c'est le cas de Gauvain, des fils du vavasseur ou encore de la demoiselle qui guide Lancelot dans sa recherche, en trouvant par exemple le peigne de la reine Guenièvre.

L'errance de Lancelot est rarement solitaire; elle est marquée par de nombreuses rencontres avec des êtres que l'on peut définir, en reprenant la terminologie critique du conte, comme des« auxiliaires», c'est-à-dire des aides du héros. LES MOTEURS DE L'AVENTURE Le défi et le don Quelques motifs bien codifiés conditionnent l'aventure et l'errance dans les romans de Chrétien.

Voyons ainsi en quoi les notions de défi et de don fonctionnent comme des moteurs de l'aventure. Le défi lancé par Méléagant devant toute la cour réunie marque le début de l'aventure : il entraîne le départ de Keu, puis celui de Gauvain accompagné du roi et d'autres chevaliers arthuriens.

Ce défi, qui intervient au tout début de la narration, s'inscrit dans un cadre type: le roi Arthur réunit ses barons un jour de fête (ici le jour de !'Ascension); il tient sa cour, lorsque survient un événement qui lance è la fois le récit et l'aventure1.

Plus loin, alors que Lancelot et ses compagnons ont chevauché toute une journée « sans trouver d'aventure» (v.

2507), c'est de nouveau un défi qui relance le mouvement des épreuves.

Au cours du repas servi par un hôte accueillant, surgit un chevalier « plus orgueilleux que ne l'est un taureau» (v.

2568).

Avec superbe, il dénigre Lancelot et le somme de combattre contre lui, ce qui entraîne une nouvelle aventure. Dans ces deux situations, le motif du don vient encore compliquer l'aventure.

Il s'agit du « don contraignant» ou promesse en blanc, typique du récit arthurien.

Dans le pre- mier cas, Keu, qui souhaite relever le d_éfi de Méléagant, obtient l'autorisation du roi Arthur en usant habilement de ce procédé.

Il menace d'abord de quitter la cour sans raison; on le supplie alors de rester, ce è quoi il consent è condition que le roi lui garantisse un don.

Arthur accepte, sans savoir è quoi il s'engage: c'est la règle du don contraignant. Sire, fait-il, apprenez donc ce que je veux, quel est le don que vous m'avez garanti. {v. 171-173). Le don que réclame Keu est l'autorisation de relever le défi, en emmenant Guenièvre è la suite de Méléagant.

Le roi, lié par sa parole 2, doit céder malgré lui è la requête de Keu.

De fait, la réalisation du don donne è l'aventure un mauvais départ puisque le présomptueux sénéchal est incapable de vaincre Méléagant. 1.

Ce cadre, posé par Chrétien, deviendra l'ouverture type des romans arthuriens qui suivront. 2.

L'ordre de la société féodale repose en partie sur la parole.

Tout manquement à la parole donnée, même par un roi, est considéré comme une trahison. "i_ Dans l'épisode du combat contre le chevalier orgueilleux (v.

2779 et suivants), le héros se trouve aussi confronté au problème du don contraignant.

Lancelot a vaincu son adversaire qui lui demande grâce lorsqu'arrive, montée sur une mule .

fauve, une demoiselle qui exige un don.

Elle souhaite obtenir la tête du chevalier vaincu et promet en retour d'aider Lancelot à l'avenir.

Le héros accepte, mais cela entraîne un redoublement de l'épreuve (il doit combattre une seconde fois le chevalier orgueilleux) et une atteinte au code chevaleresque: Lancelot devrait accorder sa pitié à l'adversaire qui crie grâce mais il y renonce, contraint par le don qu'il a accordé. Les motifs codifiés du défi et du don provoquent donc l'aventure ou l'alimentent en en compliquant les données. De la même manière, les coutumes qui régissent l'univers arthurien sont des moteurs du récit. Les coutumes contraignantes Le royaume de Logres repose sur un certain nombre de coutumes, dont l'origine se perd dans la nuit des temps.

Le roi Arthur se doit de les faire respecter.

Dans tous ses romans, Chrétien de Troyes mentionne l'une ou l'autre de ces coutumes auxquelles il va donner une fonction narrative. Le Chevalier de la charrette en offre un premier exemple avec l'évocation de la libre circulation des jeunes filles sur les terres arthuriennes.

La coutume se définit ici à la fois comme droit et comme devoir : une demoiselle peut voyager seule sans crainte car tout chevalier qui lui manquerait d'égards serait à jamais couvert d'opprobre; en outre, le chevalier se doit d'accompagner et de protéger toute jeune fille qui le lui demande.

C'est.... »

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