c< NOUS NE VIVONS JAMAIS, MAIS NOUS ESPÉRONS DE VIVRE; ET. NOUS DISPOSANT TOUJOURS ÊTRE HEUREUX, IL EST INÉVITABLE QUE...
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«
c< NOUS NE VIVONS JAMAIS, MAIS NOUS
ESPÉRONS DE VIVRE; ET.
NOUS
DISPOSANT TOUJOURS ÊTRE HEUREUX,
IL EST INÉVITABLE QUE NOUS
NE LE SOYONS JAMAIS.
»
A
Pascal
C'est vers les années 1657-1660 que Blaise Pascal (16231662), qui s'est fait un nom illustre panni les scientifiques
de son temps tout en prenant le parti des jansénistes de
Port-Royal contre l'Eglise (Les Provinciales), commence à
travailler à une Apologie de la religion chrétienne.
Mais, dès
1659, les premières atteintes de la maladie annoncent la
mort prochaine de « cet effrayant génie » marqué depuis la
plus tendre enfance par les infinnités.
Et deux années de
silence, de méditation et de travail ( 1660-1662) ne suffiront
pas à Pascal pour mener à son terme le projet initial, exposé
dans sa conférence d'octobre-novembre 1658 faite à PortRoyal « devant plusieurs personnes très considérables », de
composer un ouvrage sur la Vérité de la religion chrétienne.
Pascal laisse à ses successeurs le mystère de vingt-sept
liasses classées, composées chacune d'une série de « morceaux de petits papiers», fragments écrits dans l'ordre
inverse de leur entassement par paquets reliés chacun, à
l'origine, par un simple fil.
Les textes sont souvent écrits à la
hâte, repris, complétés, surchargés, raturés ; certains mot,;
parfois, trop abrégés, sont illisibles.
A cela s'ajoutent des
textes rédigés « sur des feuilles volantes» et séparés d'un
simple trait.
Quel ordre donner à tout cela dans une
publication définitive, d'autant que sans cesse de nouvelles
« Pensées », trouvées ici ou là, sont ajoutées ? Les éditions
successives n'en finissent pas de donner chacune leur
interprétation,« les mêmes pensées (formant) un autre corps
de discours par une disposition différente» comme l'indiqua, de manière prémonitoire, Pascal lui,même.
D'où la table de concordance que l'on trouve maintenant
dans chaque édition et qui permet de naviguer aisément de
l'une à l'autre de ces neuf cents et quelques pensées: ainsi
cette pensée proposée à notre réflexion, classée 172 dans
l'édition Brunschvicg, est le numéro 45 dans l'édition
Tourneur et Anzieu.
Quant au texte, il s'insère dans le
passage suivant :
« Que chacùn examine ses pensées, il les trouvera toutes
occupées au passé et â l'avenir.
Nous ne pensons presque
point au présent; et si nous y pensons, ce n'est que.pour
en prendre la lumière pour disposer de l'avenir.
Le
présent n'est jamais notre fin : le passé,et le présent sont
nos moyens ; le seul avenir est notre fin.
Ainsi nous ne
vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous
disposant toujours à être heureux, il est inévitable que
nous ne le soyons jamais.
»
Pascal, selon l'habitude de son temps, s'est sans cesse
nourri de la pensée de ses devanciers.
C'est un lecteur
infatigable, et Montaigne est l'un de ses auteurs favoris,
dont il reprend souvent le texte sceptique pour l'utiliser aux
fins de l'apologétique chrétienne.
C'est ici le cas.
Pascal
s'est souvenu expressément d'un passage de l'édition de
1588 des Essais :
« Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes
toujours au-delà.
La crainte, le désir; l'espérance nous
élancent toujours vers l'avenir; et nous dérobent le
sentiment et la considération de ce qui est, pour nous
amuser de ce qui sera, voire quand nous ne serons plus »
(Livre I, Chap.
3).
Ceci est d'ailleurs un thème cher aux moralistes de
l' Antiquité, que Montaigne ne se fait pas faute de citer, à la
suite de ce passage : l'épître 98 du philosophe latin Sénèque
( « Malheureux l'esprit tounnenté de l'avenir ») et Epicure"'
( « Epicure dispense son sage de la prévoyance et de la..
sollicitude de l'avenir » ).
Cette thématique, qui dénonce l'impossibilité où est
l'homme de se fixer au présent, est aussi celle des écrivains
de la période classique.
On trouve ainsi une expression assez
semblable chez le moraliste La Bruyère :
« La vie est courte et ennuyeuse ; elle se passe toute à
désirer.
On remet à l'avenir son repos et ses joies,....
»
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