Ce que vous savez des oeuvres historiques, des qualités qu'elles exigent dans l'exposé autant que des recherches qu'elles imposent, vous...
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Ce que vous savez des oeuvres historiques, des qualités qu'elles exigent dans l'exposé
autant que des recherches qu'elles imposent, vous paraît-il justifier ce jugement célèbre
: « l'Histoire est une résurrection objective du passé » ?
LES GRANDES LIGNES DU PLAN
Décomposons la citation, en nous aidant, pour son interprétation, des indications que
nous fournissent les termes du sujet.
« Une résurrection » : cela concerne évidemment «
les qualités de l'exposé », l'art de rendre vivante, présente devant les yeux du lecteur,
l'image des temps écoulés et de faire ainsi de nous « les contemporains des siècles
antérieurs ».
« Objective » : cela a trait aux recherches des documents sur lesquels
s'appuie l'historien, à la critique de ces documents qu'il s'agit de confronter pour dégager
la part de vérité que contient chacun d'eux ; à l'organisation impartiale de ces
documents.
L'historien ne doit se laisser guider ni par des idées préconçues ni par des
sympathies qui fausseraient la juste perspective.
Deux grandes parties donc que, naturellement, nous aborderons dans l'ordre qui
correspond aux stades successifs du travail de l'historien : I.
Objectivité de l'Histoire.
—
II.
L'Histoire, oeuvre vivante.
— Les sous-parties du premier point se dégagent aisément
du commentaire qui précède : a) Recherche des sources, b) Organisation des éléments
fournis par les sources.
Pour la IIe partie, vous découvrirez vous-même les subdivisions
en classant vos exemples.
Introduction
L'Histoire est peut-être, de tous les genres littéraires, celui qui réclame, de la part de
ceux qui s'y adonnent, le plus de qualités diverses.
Car l'historien doit d'abord s'attacher
à réunir sur les sujets qu'il se propose de traiter, la documentation la plus solide et la
plus minutieuse.
Il lui faut ensuite organiser ces éléments d'une manière qui rende
compte avec impartialité de ce qu'il a pris à tâche de décrire.
Il lui faut enfin faire
renaître à nos yeux ces époques disparues et créer l'illusion de la vie.
C'est en ce sens
que l'on a pu dire : « L'Histoire est une résurrection objective du passé.
»
I.
Connaissance précise et minutieuse du passé
Un ouvrage historique doit d'abord s'édifier sur des bases larges et solides.
Aussi le
travail de recherche auquel il donne lieu est-il considérable.
Thiers consacre quinze ans
de sa vie à son Histoire du Consulat et de L'Empire.
Quarante années furent nécessaires
a Michelet pour mener à bien cette Histoire de France qu'il espérait primitivement
achever en quatre ou six ans.
Le plus souvent la moisson est hors de proportion avec
l'effort fourni.
Des quarante volumes de Dangeau, Voltaire tirera une quarantaine de
pages de son Siècle de Louis XIV.
Au reste, plus encore que l'abondance des documents,
ce qui frappe c'est leur diversité.
Témoignages oraux d'abord quand l'ouvrage que
l'historien entreprend a trait à une époque presque contemporaine.
Pour Le Siècle de
Louis XIV, Voltaire interroge ceux qui furent mêlés aux événements ou leurs proches :
Caumartin, Villars, lord Petersborough, les parents de Fouquet et de Mme de Maintenon.
Pour L'Histoire de Charles XII qu'il publie une douzaine d'années seulement après la mort
du Roi, il s'adresse entre autres au maréchal de Saxe et au roi Stanislas.
A côté de ces
témoignages oraux, figurent les mémoires du temps, inédits ou imprimés.
Près de deux
cents volumes de ces mémoires, entre autres ceux de Dangeau et de Saint-Simon, furent
consultés par Voltaire pour son Siècle de Louis XIV.
Bossuet, pour décrire la bataille de
Rocroi, s'inspire étroitement d'une relation des faits de l'aide de camp de Condé : le
marquis de la Moussaie.
Michelet, outre les chroniques et les chartes, consulte les
oeuvres littéraires et les oeuvres d'art, et étudie jusqu'aux médailles et aux estampes.
Rien ne doit être négligé de ce qui permet de restituer dans sa note juste la physionomie
d'une époque.
II.
Utilisation objective des sources
Une fois que l'historien a pu amasser des documents aussi abondants et aussi divers, il
lui reste à les interpréter, à en dégager une peinture aussi conforme que possible à la
réalité.
Gela suppose de sa part certaines qualités personnelles.
D'abord l'impartialité.
Il
faut, comme l'a dit Fénelon, que «le bon historien ne soit d'aucun temps ni d'aucun pays
».
Il ne doit pas s'abandonner à ses sentiments personnels, même les plus nobles et, en
toute autre matière, les plus légitimes.
Il doit faire taire son patriotisme et ne pas donner
de parti pris le beau rôle à son pays dans les rivalités extérieures.
« Le patriotisme est
une vertu, écrit Fustel de Coulanges, l'Histoire est une science ; il ne faut pas les
confondre.
» A.
plus forte raison doit-il laisser de côté ses propres passions politiques et
ne pas montrer sous un jour systématiquement défavorable, dans les luttes intestines,
tel clan ou tel parti qui lui déplaît.
Chez Michelet, l'histoire de la Révolution, comme
l'histoire de l'Ancien Régime se ressentent dangereusement de la haine solide qu'il
nourrissait contre le clergé.
Parfois même, le parti pris est conscient et l'historien asservit
les faits à la démonstration d'une thèse, s'en sert pour illustrer et pour accréditer les
idées qui lui sont chères.
L'Histoire de Charles XII est inspirée par le souci de montrer
que l'esprit de conquêtes n'engendre en définitive que le malheur, et Le Siècle de Louis
XIV magnifie par contraste, en la personne du Grand Roi, le despote éclairé, dévoué à la
prospérité de son pays.
Et c'est pour ne pas entacher d'ombre ce brillant tableau que
Voltaire passe sous silence, en ce dernier ouvrage, la cruelle misère des humbles.
Jusque
dans le détail perce son souci de faire de son oeuvre un instrument de combat.
Il suffit
de voir comme il s'ingénie, dans le récit de la bataille de Rocroi, à prendre le contrepied
de Bossuet sur le même sujet : bien que le fait soit historique, il omet de nous montrer
Condé rendant grâces au ciel après sa victoire et s'applique à montrer comme autant de
conséquences naturelles tout ce que Bossuet avait attribué à l'action de la Providence.
Beaucoup de penseurs d’aujourd’hui ne croient plus que l’idéal d’objectivité impassible dont
les positivistes avaient rêvé, que Fénelon lui-même prônait jadis (« Le bon historien n’est
d’aucun temps ni d’aucun pays ») soit réalisable.
Dans toute la masse des faits du passé
que nous pouvons reconstruire à partir de leurs traces, il nous faut faire un choix.
Mais
comment distinguer le fait historique, le fait important du fait non historique insignifiant ?
Seignobos disait que l’on juge de l’importance d’un fait à ses conséquences mais cellesci à son tour ne seront-elles pas appréciées subjectivement par l’historien? On connaît la
boutade de Valéry.
La découverte des propriétés fébrifuges de l’écorce de quinquina au
XVII ième serait plus importante que tel traité signé par Louis XIV parce les conséquences
de ce traité sont aujourd’hui effacées tandis que « les régions paludéennes du globe sont
de plus en plus visitées… et que la quinine fut peut-être indispensable à la prospection et
à l’occupation de toute la terre qui est à mes yeux le fait dominant de notre siècle »
(« Variété IV »).
Ce qu’il faut retenir de la boutade de Valéry, c’est qu’il n’y a pas en
histoire de signification absolument « objective » d’un fait et que c’est en fonction du
présent que nous donnons à tel ou tel fait passé une signification et une valeur.
Nous
autres, hommes du XX ième, nous sommes surtout attentifs dans le passé aux faits
économiques, tandis que par exemple les chroniqueurs du moyen âge voyaient d’abord les
faits religieux (le récit du moindre « miracle »....
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