Cependant que Magny... Cependant que Magny suit son grand Avanson Panjas son Cardinal, et moi le mien encore, Et que...
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Cependant que Magny...
Cependant que Magny suit son grand Avanson
Panjas son Cardinal, et moi le mien encore,
Et que l'espoir flatteur, qui nos beaux ans dévore,
Appâte nos désirs d'un friand hameçon,
5
Tu courtises les rois, et d'un plus heureux son
Chantant l'heur de Henri, qui son siècle décore,
Tu t'honores toi-même, et celui qui honore
L'honneur que tu lui fais par ta docte chanson.
Las ! et nous cependant nous consumons notre âge
10 Sur le bord inconnu d'un étrange rivage,
Où le malheur no~ fait ces tristes vers chanter,
Comme on voit quelquefois, quand la mort les appelle,
Arrangés flanc à flanc parmi l'herbe nouvelle,
14 Bien loin sur un étang trois cygnes lamenter.
In Les Regrets
_ _ _ _ _ _ QUESTIONS-----1 -Situez "tu" et "nous" dans le sonnet.
Qui l'emporte?
"Tu", qui représente l'heureux Ronsard, est présent dans le
deuxième quatrain.
Il y occupe moins d'espace que "nous" (Du Bellay
et ses infortunés amis) dont la situation est évoquée dans le premier
quatrain et les deux tercets.
Notons cependant la position centrale de
Ronsard dans le poème.
2 - Relevez et commentez une métaphore dans la première strophe.
Aux vers 3 et 4 se développe une double métaphore : "l'espoir
flatteur" est d'abord représenté comme une sorte de monstre cruel
"qui nos beaux ans dévore", puis comme un pêcheur à la ligne.
Cette
deuxième image mérite surtout le commentaire puisque, en assimilant
les poètes exilés à des poissons bernés par une ruse grossière et leur
appétit, elle se charge d'amertume et de dérision.
3 - Les tercets sont-ils écrits dans la même tonalité que les quatrains? Justifiez votre réponse.
La tonalité des tercets est différente de celle des quatrains.
En
effet, l'amertume et la dérision dont nous avons donné un exemple
dans le premier quatrain ne sont pas absentes du deuxième où le
bonheur de Ronsard est représenté de façon un peu emphatique
("Honores ...
honore ...
honneur").
Au contraire, dans les tercets, l'évocation de la détresse des exilés, l'image poignante des trois cygnes,
confèrent au poème une tonalité lyrique, élégiaque.
- - - - COMMENTAIRE COMPOSÉ - - - Introduction
- Présentation
du texte
Joachim Du Bellay, désireux de faire une brillante
carrière diplomatique, a accompagné à Rome son
cousin le cardinal Jean Du Bellay de 1553 à 1557.
Hélas, ses espérances furent cruellement déçues puisqu'il y végéta dans une fonction subalterne tandis que
son ami Ronsard, resté en France connaissait la gloire.
Il lui adresse le sonnet "Cependant que Magny ...
"
paru en 1558 dans le recueil des Regrets, où il oppose
au sort enviable de Ronsard celui des trois compagnons d'infortune que sont les poètes Magny, Panjas
et lui-même.
-Annonce du
plan
Si le désenchantement et l'amertume lui inspirent
au départ des propos teintés d'une ironie un peu
cruelle, le ton du sonnet évolue pour traduire, dans
les tercets, une émouvante détresse.
n est certain, tout d'abord, que Du Bellay choisit
de présenter l'échec des trois exilés en maniant l'ironie.
Il s'ingénie en effet à souligner le caractère navrant des ambitions déçues en jouant essentiellement
sur les contrastes.
Le premier contraste naît du changement de ton
1 - Pauvres de
nous!
, qui s'opère entre le vers 1 et le vers 2 : le vers 1 est
majestueux, voire pompeux, en raison d'une rythmique fortement marquée par la répétition des
mêmes sons sous l'accent des troisième et neuvième
pieds, "Cependant...
suit son grand"...
Ces syllabes
fortes
trouvent d'ailleurs un écho dans "Cependant"
-un rythme
et
"Avanson",
tandis que la syllabe "son" apparaît
majestueux
deux fois dans le deuxième hémistiche.
Si l'on ajoute
que l'idée de grandeur, manifeste dans "grand Avanson" est implicite dans le nom de "Magny", on constate que Du Bellay a voulu ouvrir son poème sur une
sorte de marche solennelle.
- changement
Or, dès le vers 2 le ton change du fait que la marde ton
che devient cortège si ce n'est file indienne, dans
laquelle le poète s'est mis plaisamment en dernière
place, avec un "encore" qui sent le haussement d'épaules ou le ricanement, et une expression comme
"le mien" qui, pour désigner un ultime "cardinal",
manque peut-être de révérence.
On le voit, l'entrée
majestueuse dégénère dans le spectacle ridicule
d'ambitieux "en remorque".
- un vocabulaire
Cette rupture de ton qui illustre à merveille comchargé de
bien les poètes ont dû déchanter, s'aggrave encore
dérision
dans la deuxième proposition développée aux vers 3
et 4, avec l'apparition d'un vocabulaire très brutal,
qu'il ait le caractère tranché de "flatteur" ou de "dévore" opportunément placés aux temps forts, ou qu'il
appartienne au très prosaïque lexique de la pêche à
1-Unregard
lucide et
ironique
2- Ronsard!
- le triomphe
- trop,
c'est trop.,.
Conclusion
partielle et
transition
la ligne comme "appâte" et "friand hameçon".
On
peut d'ailleurs noter que ce dernier terme, ne différant d' "Avanson" que par la syllabe centrale, entre en
résonance à la rime avec le nom du grand prélat.
Quelle dérision !
Cette évocation peu flatteuse est enfin mise en
contraste avec le sort de Ronsard dont il n'est pas sûr,
comme on va le voir, que Du Bellay dépeigne le succès sans un soupçon d'ironie.
Ronsard, manifestement,
n'a pas mordu à un hameçon, et l'on retrouve au vers
7, un rythme semblable à celui du vers 1 : "tu t'honores
toi-même et celui qui honore"; et ce n'est pas cette fois
une apparence trompeuse : la grandeur est bien là avec
"Henri qui son siècle décore", ainsi que le bonheur
avec "heureux son", et l' "heur de Henri".
Mais il y a aussi l' "honneur"...
et c'est là que le ton
semble à nouveau s'imprégner d'une dose de dérision
visant cette fois le rival heureux.
En effet, le verbe
honorer, présent dans les deux hémistiches du vers 7
produit une impression de saturation : mais il est tentant de voir encore une touche de malignité dans la
mise en contre-rejet de "honore" à la fin du vers 7,
tandis que "honneur" est mis en rejet au début du....
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