Cette année-là, sept jours avant la Saint-Sylvestre, les femmes se mirent en cuisine. C'est par là que je reviens à...
Extrait du document
«
Cette année-là, sept jours avant la Saint-Sylvestre, les
femmes se mirent en cuisine.
C'est par là que je reviens à
la chasse, car il faut toujours y revenir..
Les hommes à
grands coups de couperet avaient détaillé les cinq san
gliers, tiré les parts au sort.
Outre le cuissot droit qui était
la part du chasseur puisque mon grand-père avait tué une
bête, il nous.
était revenu un quartier, taillé long, de
queue en épaule.
En tout, un bon tiers d'animal, quelque
vingt-cinq kilos d'une viande noire à force d'être rouge,
encore en poil, bardée d'os blancs comme ivoire.
Toutes ces femmes avaient passé deux jours à dépiauter,
à mignarder cette chair musquée comme truffe, pour la
baigner largement dans le vin du cousin, où macéraient
déjà carottes, échalotes, thym, poivre et petits oignons.
Tout celil brunissait à l'ombre du cellier dans les grandes
coquelles (1) en terre.
C'était moi qui descendais dans le
cellier pour y chercher la bouteille de vin de tablé et lors
que j'ouvrais la porte de cette crypte, véritable chambre
dolmenique qui recueillait et concentrait les humeurs de
la terre, un parfum prodigieux me prenait aux amygdales
et me saoulait à défaillir.
C'était presque en titubant que
je remontais dans la salle commune, comme transfiguré
par ce bain d'effluves essentiels et je disais, l'œil bril
lant :
« Hum ! ça sent bon au cellier ! »
(]) Coquelles : sorte de récipients en terre cuite ou en grès, de taille variable, utili
sés de diverses manières pour la cuisine.
Alors les femmes radieuses me regardaient fièrement.
Ma
mère, ma grand-mère, la mémère Nanette, la mémère
Daudiche, toutes étaient suspendues à mes lèvres pour
recueillir mon appréciation.
C'était là leur récompense.
Henri VINCENOT, La Billebaude.
Vous ferez de c;e texte un commentaire composé.
Vous .
pourrez montrer par exemple, comment la magie du .
conteur ressuscite un souvenir d'enfance.
1.
Quand on ne connaît rien de l'auteur?
■ Si l' on n'est pas un lecteur assidu de romans et de prix
littéraires, et bien que ses livres soient abondants et fré
quemment primés - étant donné l'énorme production
romanesque actuelle - on a peu de chances quand on est
élève de première .
ou de terminale, de connaître Henri
Vincenot et plus spécialement La Billebaude un roman
qui est sorti juste en librairie depuis peu.
■ Il faut de plus partir du principe que malheureuse
ment, même pour des auteurs qui devraient être connus,
car étudiés en classe, bien des candidats sont peu au cou
rant - au rnoins de façon précise..
;
Il ...
Et que le commentaire est justement l'exercice qui
permet le mieux de se passer de connaissances d'histoire
littéraire, puisqu'on part d'un texte qui peut apporter à
lui seul la matière du devoir.
2.
Donc que faire?
■ D'abord une lecture très attentive.
Il s'agit de
s'imprégner du texte, puisque de lui seul tout doit être
découvert.
Donc établir un courant affectif - ou mieux
sensible entre le lecteur èt ce texte, ou comme aurait dit
Rimbaud qui n'était pas alors plus âgé que bien des can
didats ,- il faut tenter de voir...
; c'est-à-dire dégager
d'abord du texte entier une image ou un tableau
d'ensemble d'où vont être retirés :
• En premier; la situation qui constitue toujours le début
de l'introduction.
Comme il n'est possible de situer ni l'auteur - sur lequel
on ri.e sait rien - ni son œuvre, il faut situer le texte dans
le ton qui est le sien par rapport à divers types de passa
ges en prose.
� Ici il s'agit d'un souvenir d'enfance.
- Or quantité de }ivres (spécialement lus dans notre jeu
nesse) évoquent des souvenirs d'enfance.
--..: Donc il faut« mobiliser» divers titres et catégories de
ces « souvenirs».
- Par curiosité, en voici un échantillon : David Copper
field de Dickens; Histoire de ma vie de G.
Sand; Le Petit
Chosè de Daudet; L'Enfant de J.
Vallès; Ma Jeunesse de
Michelet; Am1ées de printemps d'A.
Thèuriet ; Mes ori
gines de Mistral; Souvenirs d'enfance de Tourgueniev;
Souvenirs de Tolstoï; Le Livre de mon mari d'A.
France;·
Sido de Colette; Si le grain ne meurt...
de Gide...; il faut
s'arrêter car la liste est interminable à partir du XIX siècle.
·
_:_ Mais il s'agit aussi visiblement d'un jeune terrien.
·
:- Or, à part G.
Sand, c'est surtout....
»
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