Chacun peut remarquer aujourd'hui le goût que l'on a pour la lecture. Le livre se vulgarise nettement depuis plusieurs années....
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Chacun peut remarquer aujourd'hui le goût que l'on a pour la lecture.
Le livre se
vulgarise nettement depuis plusieurs années.
Les raisons en sont diverses : il s'agit
d'abord d'un progrès accompli sur le plan économique, avec la création du livre de poche.
Cette formule présente un intérêt certain : elle permet à toutes les familles de s'offrir une
oeuvre littéraire à un prix convenable.
Cette ruée vers les livres correspond aussi à un
désir latent qui a enfin la possibilité d'éclater au grand jour : celui de s'évader, de se
dépayser, de trouver des sujets de préoccupations autres que ceux de la vie quotidienne.
Mais cet essor est aussi certainement dû au fait que le lecteur est un homme -ou une
femme- qui se cherche ou qui désire approfondir, puis ajuster sa propre connaissance.
Chaque lecteur est sûrement conscient de cette meilleure connaissance de lui-même, car
c'est au travers de ses nombreuses lectures qu'il peut retrouver certains éléments
essentiels de son caractère ; il ne les soupçonnait peut-être pas auparavant.
Comme tout
lecteur, j'ai moi aussi fait cette expérience.
J'en parlerai donc sur un plan purement
personnel.
J'ai souvent remarqué que lorsqu'on nous demande notre avis sur un livre, nous
répondons automatiquement par «Ça m'a beaucoup plu» ou «Je n'ai pas tellement aimé
».
Personne ne commence par faire un résumé ou une synthèse du livre.
Cela montre
que le lecteur juge la qualité d'un livre en fonction du degré d'émotion qu'il en a retiré.
Justement, le livre nous permet de voir à quel point nous pouvons être émus, touchés,
bouleversés même, par une chose ou un être.
Dans la vie, nous n'avons guère l'habitude
d'étaler nos sentiments, nos états d'âme, nos petites misères.
Nous préférons au
contraire les garder pour nous et faire comme si de rien n'était.
Cela ne regarde pas les
autres ! Mais lorsque nous sommes enfin seuls et tranquilles, à quoi bon nous cacher ?
Nous pouvons pleurer, par exemple, tout notre saoul.
Et lorsque nous lisons, nous
sommes généralement seuls, à l'abri des regards et des écoutes.
Rien ne nous empêche
alors de laisser échapper un sanglot lorsqu'un passage du livre nous ébranle vraiment.
Nous sommes enfin sans fard, ni masque, ni vernis.
Nous réagissons selon notre propre
nature.
Bref, nous sommes purs et donc capables de nous évaluer d'une façon sinon
parfaite, du moins convenable.
Peu à peu, lorsqu'on a déjà quelques livres «derrière soi», on connaît les sujets et le
genre de personnages qui peuvent nous émouvoir.
Certains livres, comme Le Petit Chose ou les romans de Pagnol, font vivre des
personnages si pittoresques, si vivants, si pathétiques qu'ils ont plu à tous les enfants et
qu'ils connaissent toujours un immense succès auprès d'eux.
Nous arrivons à connaître,
de mieux en mieux, les personnages que nous allons aimer.
Ainsi, Julien Sorel, le héros
de Le Rouge et le Noir, de Stendhal, me semble beaucoup plus admirable lorsqu'il est
dans sa prison, à l'«état naturel », que chez les Rénal ou à Paris.
Cela traduit un certain
mépris de l'hypocrisie, bien qu'elle soit souvent un bon moyen pour assouvir son
ambition, et au contraire un appétit des situations claires et sans ambiguïté.
Le livre,
comme on l'a dit plus haut, permet de jauger sa capacité d'émotion.
J'étais ainsi très
étonnée et très heureuse de faire cette découverte, le jour où je sentis qu'une chose
pouvait aussi me toucher.
Jusque-là, je n'en avais fait l'expérience qu'avec des êtres comme ceux que je viens de
citer.
Mais cette fois, c'était une ville : celle de New York que décrit Didier Decoin dans John
l'enfer.
Je suivais son évolution, ou plutôt sa désagrégation, avec le plus vif intérêt.
Je
sentais sa mort, mais la redoutais, comme si c'était un être humain.
Ce livre m'a révélé
que j'étais capable d'éprouver des sentiments comparables pour des êtres sans vie et
pour les êtres vivants.
Cet exemple en particulier montre que les oeuvres littéraires
contribuent à nous donner une meilleure connaissance....
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