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CHAN DU SUD, CHAN DU NORD A la mort du 5e patriarche, deux de ses disciples se séparèrent et fondèrent...

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« CHAN DU SUD, CHAN DU NORD A la mort du 5e patriarche, deux de ses disciples se séparèrent et fondèrent deux écoles rivales. L'une, l'école «gradualiste» (dans le Nord), selon laquelle l'illumination s'obtient graduellement à la suite d'un long apprentissage et de beaucoup d'exer­ cices.

L'autre, l'école «subitiste» (dans le Sud), selon laquelle l'illumination s'obtient d'un coup, de la même façon qu'on franchit un fossé, d'un bond ou pas du tout. C'est finalement l'école subitiste qui l'emporta et, dès lors, le chef de celle-ci, Huineng (638-713), moine cantonnais, c'est dire un« demi-Barbare», fut compté comme le 6e patriarche. Rien de plus réjouissant que ce chan subitiste qui rejette tout acte pieux, tout discours explicatif, tout texte canonique, toute étude, car tout cela, produit du karma, ne nous libère aucunement. Au fond, pour le chan, !'Octuple Sentier de Boud­ dha est un enseignement tout juste bon pour «arrêter les cris des enfants», pour produire quelque effet «heureux» transitoire, mais qui ne saurait nous rap­ procher d'un pouce du seul but à atteindre: l'extinc­ tion du karma, l'illumination. Formules abruptes qu'il n'est pas «simple» de com­ prendre et qui ont un «je ne sais quoi» de taoïste bien plus que de proprement bouddhique.

Car il s'agit para­ doxalement de «tuer le Bouddha», intérieur comme extérieur, en tant que ce «nom» même fait obstacle à l'illumination, comme si, paraphrasant Laozi, se pou­ vait dire : 1 'éveil qu'on peut nommer n'est pas l'éveil, le bouddha qu'on peut nommer n'est pas le bouddha. Quand on «comprend» qu'il n'y a pas de réponse formulable à une question formulée, on a saisi bien plus que ce qu'on croyait demander.

C'est pourquoi les maîtres chan ne refusent pas tant de «répondre» à une question que d'essayer de provoquer l'illumina­ tion chez le questionneur, soit en lui «répondant» à côté de la question, soit en restant silencieux, soit en éructant (khaat), soit en le frappant, soit en le chas­ sant, tous procédés qui en déstabilisant le question­ neur sont de force à lui faire accomplir ce saut dans le · vide où l'homme se défixe, s'évide et entre en illumi­ nation.

Encore faut-il évidemment que le questionneur soit déjà quelque peu «à point», quoique cela ne soit pas du tout une condition sine qua non, «le fond du tonneau» peut subitement céder et évider d'un coup l'esprit le moins préparé à ce qui lui arrive. Mais le résultat, si tant est qù'on peut parler de résultat, d'une telle illumination soudaine est qu'au fond rien n'est apparemment changé, sauf qu'il n'y a plus de «comme» : la montagne est une montagne, la rivière est une rivière.

Tandis qu'avant l'illumination, du fait même de l'esprit quêtant et discriminant, on voyait la montagne comme montagne, la rivière comme rivière. L'illuminé continue à voir la montagne, la rivière, à manger, à dormir, à s'habiller, couper du bois, mais étant passé une fois pour toutes de l'illus1on à l'illumi­ nation, il n'attache aucune importance discriminante à ce qu'il fait, car il jouit de l'imperdable sérénité de qui n'est plus piégé par ce qu'il voit, entend, fait ou dit. C'est par l'esprit, par l'activité de celui-ci dans sa «mentalité», que les choses prennent de l'importance et qu'on s'attache aux fruits de ses actes.

Or, qui a vidé son esprit de cette activité illusoire et productrice de karma, qui,,d'une certaine façon, pense donc sans pen- ser (xin wu xin), comme il agit sans agir (wei wu wei), apparemment vit la vie de· tout un chacun, sauf que n'ayant rien à attendre, à espérer, à combiner, il vit en quelque sorte sans vivre, ce qui, paradoxalement, est proprement et suprêmement vivre. Quant à l'Ecole du Nord, l'école gradualiste de Shenxiu (670-760), malgré le discrédit dont elle fut victime, et qui tient pour une part au conflit de per­ sonnes qui opposa les deux disciples pour la succes­ sion, mais qui, plus tard et d'autre part, est lié au déclin de la dynastie des Tang à laquelle l'Ecole avait lié, nolens volens, son sort, elle mérite mieux que le statut de vaincu.

Même s'il e.st vrai qu'elle s'éteignit assez rapidement et que la grande prospérité du chan est due aux maîtres de l'Ecole du Sud, qui prit au Japon une extension remarquable. Epinglons, parmi les «discours» et sermons de Huineng, cette stance : « Réaliser qu'il n'y a rien à voir, mais retenir le concept de l'invisibilité, est quelque chose de sem­ blable à la surface du soleil obscurcie par des nuages passagers. Réaliser qu'il n y a rien à connaître, mais retenir le concept de ! 'inconnaissable, peut être comparé au ciel pur défiguré par un éclair. Permettre à des concepts arbitraires de surgir spon­ tanément dans votre nature indique que vous n'avez pas reconnu la nature propre et que vous ne connais­ sez pas encore les moyens propres à sa réalisation. Si vous réalisez, pour un instant, que ces concepts arbitraires sont faux, alors votre propre lumière spi­ rituelle vous éclairera constamment.

>> Discours et Sermons de Houei-Nêng, Sixième Patriarche Zen, tr.

fr.

de Lucien Houlné, revue par L.

T.

Wang, Albin Michel, 1963, p.

123 Un dernier grand maître de l'Ecole du Sud retien­ dra, pour finir, notre attention : l'Ecole de Maître Linji (en japonais, Rinzai) (mort en 866), encore toujours vivante dans le Japon actuel. Avec ce maître, il me semble que nous atteignons.... »

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