Chapitre IV (Pierre et Jean, 5 10 15 20 page 129) Certes, elle avait pu aimer, comme une autre !...
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Chapitre IV
(Pierre et Jean,
5
10
15
20
page 129)
Certes, elle avait pu aimer, comme une autre ! Car pourquoi
serait-elle différente d'une autre, bien qu'elle fût sa mère?
Elle avait été jeune, avec toutes les défaillances poétiques
qui troublent le cœur des jeunes êtres ! Enfermée, emprisonnée dans la boutique à côté d'un mari vulgaire et parlant
toujours commerce, elle avait rêvé de clairs de lune, de
voyages, de baisers donnés dans l'ombre des soirs.
Et puis
un homme, un jour, était entré comme entrent les amou
reux dans les livres, et il avait parlé cç,mme eux.
Elle l'avait aimé.
Pourquoi pas ? C'était sa mère ! Eh
bien ! Fallait-il être aveugle et stupide au point de rejeter
l'évidence parce qu'il s'agissait de sa mère?
S'était-elle donnée ?...
Mais oui, puisque cet homme
n'avait pas eu d'autre amie; - mais oui, puisqu'il était resté
fidèle à la femme éloignée et vieillie, - mais oui, puisqu'il
avait laissé toute sa fortune à son fils, à leur fils !...
Et Pierre se leva, frémissant d'une telle fureur qu'il eût
voulu tuer quelqu'un ! Son bras tendu, sa main grande
ouverte avaient envie de frapper, de meurtrir, de broyer
d'étrangler ! Qui ? tout le monde, son père, son frère, le
mort, sa mère !
INTRODUCTION
1 Situer le passage,
Pierre, tourmenté par l'héritage que vient de recevoir Jean, se
demande quels liens unissaient Mm• Roland à Léon Maréchal.
Il vou
drait savoir si, quand elle était jeune, sa mère a pu être infidèle.
Il
tente donc de reconstituer la vérité.
Suivant la pente de sa rêverie, il
acquiert bientôt la pénible certitude que sa mère a été la maîtresse
de Léon Maréchal.
\
1Dégager des axes de lecture
Le texte est composé comme un débat intérieur, qui révèle toute
la violence passionnelle des sentiments de Pierre.
PREMIER AXE DE LECTURE
LE DÉBAT INTÉRIEUR
Le jeu des questions et des réponses, rythmé comme un dialogue
fait progresser le texte de manière rigoureuse.
1Le style du dialogue
Dans ce passage, Pierre est seul face à lui-même.
Le texte multiplie cependant les éléments qui appartiennent au discours direct.
Les interrogations directes abondent : « pourquoi serait-elle différente [...] ? » (1.
2), « Pourquoi pas [...] ? "
o.
10), « Fallait-il être aveugle
[...]? » (1.
11), « S'était-elle donnée? ...
» (1.
13), «Qui[...]?» (1.
20).
·
À ces questions répondent des termes brefs, tirés de la langue orale
et mis en relief par des points d'exclamation : «Certes» (1.
1), « Eh
bien ! »
Q.
10),
«
Mais oui
»
(1.
13).
Certains effets de redoublement
produisent une insistance expressive, caractéristique des dialogues
animés :
«
Enfermée, emprisonnée » (1.
4-5), « aveugle et stupide
»
(1.
11 ), « à son fils, à leur fils » (1.
16).
Le tour « mais oui » apparaît trois
fois (1.
13, 14, 15).
Enfin, le découpage en brefs paragraphes achève
de donner à ce texte la vivacité du dialogue.
1Une construction rigoureuse
Chaque paragraphe est rythmé par la répétition d'un mot ou d'une
image qui scande nettement la progression du débat intérieur :
)
~
1
- Le premier paragraphe met Mme Roland sur le même plan que n'importe quelle femme : « comme une autre» (1.
1), « pourquoi serait-elle
différente d'une autre[...] ? » (1.
1-2).
Pierre tente de banaliser la situa-
1
tion, de l'envisager avec calme.
Il veut la mettre à distance afin de
}
mieux l'analyser.
l
- Le deuxième paragraphe insiste sur la jeunesse de Mme Roland lors
des événements (« elle avait été jeune », 1.
3 ; « le cœur des jeunes
100
LECTURES MÉTHODIQUES
l
êtres», 1.
4).
À ce titre, Mme Roland est excusable.
Elle s'est bercée des
douces rêveries sentimentales qui séduisent toutes les jeunes filles.
-Avec le paragraphe central, le mouvement du texte s'inverse.
À l'interrogation succède l'accusation, à l'indulgence, la colère.
La répétition du terme « sa mère »
Q.
10, 12) marque une cassure dans la
réflexion.
Mme Roland n'est plus une femme pareille à toutes les
autres.
Elle redevient la mèrè de Pierre.
- Dans le quatrième paragraphe, l'expression " mais oui » est répétée trois fois (1.
13, 14, 15).
Elle manifeste le désir qu'a Pierre de se
convaincre.
Elle trahit en même temps sa résistance face à l'évidence.
Un autre mot est répété ici : « son fils, leur fils » (1.
16).
La pensée
de Jean aiguillonne la jalousie de Pierre.
- Dans le cinquième paragraphe, ce sont les images de meurtre qui
s'imposent(« tuer», 1.
18; «étrangler», 1.
20).
Le passage de«....
»
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