CHAPITRE IV : UN VOYAGE À CYTHÈRE 1. Paysage recomposé: l'île d'amour Le héros-narrateur se remémore une autre fête de...
Extrait du document
«
CHAPITRE IV : UN VOYAGE À CYTHÈRE
1.
Paysage recomposé: l'île d'amour
Le héros-narrateur se remémore une autre fête de l'arc à
laquelle il a assisté, plusieurs années après la rencontre
d'Adrienne.
li s'était retrouvé parmi les vainqueurs, à un fes
tin donné sur une île, dans un« temple en ruine».
Le sou
venir de cet embarquement lui rappelle le tableau de Wat
teau.
li eut la chance de pouvoir prendre place à la table,
aux côtés de Sylvie.
li tenta de l'embrasser, mais elle le bou
dait.
« À la fin du repas», un cygne captif - dans une cor
beille de fleurs - s'envola; le héros eut le vif plaisir de rat
traper au vol une couronne dont il para Sylvie qui - oubliant
le passé - se laissa embrasser, cette fois-ci, de bonne grâce.
li put alors l'admirer dans toute sa beauté, et s'abandonner
à rêver avec elle à leurs« souvenirs d'enfance».
Variation
Le narrateur évoque une nouvelle participation à la tradi
tionnelle fête de l'arc (le«jour de fête» où il rencontra Adrienne
était-il celui de cet anniversaire?) au cours de laquelle Sylvie
et lui se retrouvent; c'est à cette même fête qu'il se rend, en
voiture, afin de l'y revoir encore.
Voilà donc une autre varia
tion sur un motif connu; ce dont ne semble pas avoir très net
tement conscience le voyageur - et pour cause peut-être - car,
pour le lecteur nervalien, tout phénomène de répétition (appa
rente bien sûr) est un signe de mauvais augure.
Mais n'antici
pons pas, et vivons de ce substitut avec le héros-narrateur, sans
nous priver pour autant de souligner les différences.
Nous est
en effet offerte une description familière (cf.
fin chap.
r et chap.
n), mais à caractère plus général voire générique.
C'est encore un cortège rustique, les mêmes guirlandes, et
le même bouquet.
Même personnel, composé moins d'enfants
(cf.
chap.
r) que dejeunes gens (ils ont grandi, comme Sylvie);
de chevaliers archers de Loisy, de Senlis, mais aussi plus lar
gement ici de Chantilly et de Compiègne; dont certains sont
issus de vieilles familles, et propriétaires aussi de « ces châ
teaux perdus dans les forêts», qui ont« plus souffert du temps
que des révolutions».
Par-delà l'évolution historique, le Temps
n'en fait pas moins son œuvre dans ces témoins les plus prestigieux et les plus impassibles que sont les monuments.
C'est le même éclairage porté par le soleil couchant sur un paysage que délimite « ce bord de l'île si vermeil, aux rayons du soir
avec ses halliers d'épines, sa colonnade et ses clairs feuillages »
(nous soulignons bien sûr ces riches harmoniques): il faut toujours que la nuit approche pour que se libèrent les puissances de
la rêverie.
Le repas qui se donne sur l'île semble prendre la place
de la scène de la ronde : l'espace clos du cercle illuminé de nuit
est devenu celui del'« île oml;>ragée ».
Notre héros-qui n'est plus
« le seul garçon» - est encore à côté de Sylvie, car il a la chance
« d'être connu de [ses] parents».
Celle-ci, sur les instances de
son frère, lui concède un baiser; elle boude «encore».
Le narrateur en est dépité bien sûr.
Il faudra un second baiser pour
conclure les retrouvailles, après que notre héros aura eu le bonheur de figurer au nombre des privilégiés qui ont pu rattraper
une couronne pour en parer leurs voisines.
Adrienne restait « seule
triomphante», Sylvie est maintenant admirée « sans partage».
La cérémonie singulière dont Adrienne était l'héroïne devient un
rite d' «usage» typiquement régional, qui peut être vécu comme
une contrainte : ainsi, quand le narrateur et Sylvie réconciliés
échapperont « à la danse» - curieusement la musique et les chants
ne se font pas entendre dans cet épisode! - pour s'isoler.
Transposition
De fait, le narrateur, plus lucide peut-être que le héros, insiste
sur les artifices de cette représentation.
Le temple choisi pour
le festin date, par son style « fin dix-huitième siècle»; il s'agit
d'une «ruine moderne rajeuni[e] » (comme l'appartement restauré et sa pençl.ule à« l'éclat rafraîchi» du chapitre précédent).
Les substituts artificiels chargés de nous conseiver une image
du passé peuvent alors friser la parodie.
Car ce temple « dédié
à [Vénus -1 Uranie» fait référence, non à une mythologie immémoriale et originale, mais« au [néo-] paganisme de Boufflers ou
de Chaulieu [il s'agit d'écrivains galants du XVIIIe siècle - épicuriens raffinés - auteurs de poésies légères et fugitives] plutôt
qu'à celui d'Horace ».....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓