CHAPITRE IX : ERMENONVILLE Répliques du Temps 2: angoisses d'un promeneur solitaire •füJ.iiiM◄ Le héros insomniaque veut « revoir la...
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«
CHAPITRE IX : ERMENONVILLE
Répliques du Temps 2:
angoisses d'un promeneur solitaire
•füJ.iiiM◄
Le héros insomniaque veut « revoir la maison de [son]
oncle» avec les œuvres et le carlin empaillé qu'elle renferme.
Mais ni le jardin, ni le cabinet, ni le perroquet n'apaisent sa
tristesse.
Il souhaiterait surtout revoir Sylvie, mais elle dort,
ainsi que tout Loisy.
li décide alors d'aller se promener à
Ermenonville, dans le domaine antiquisant plein de souve
nirs prestigieux.
Il repense aux promenades qu'il y faisait
avec son oncle, il-repense tout particulièrement au Temple
de la Philosophie, et aux fêtes qui s'y donnaient quand il
était enfant.
Il aspire à croire en l'éternelle soif de connaître
que glorifiait cet édifice.
Il revoit ensuite « les peupliers de
l'île et la tombe de Rousseau», le château, la cascade, la
chaussée, la pelouse, et la tour de Gabrielle.
Le souvenir de
la Sylvie d'alors, enfant et sauvageonne, le tenaille; elle était
son amoureuse...
G•MMMihi@•
Pérégrinations sans fin : le wanderer mélancolique
Ce neuvième chapitre est une suite du cinquième, et non pas
sa reprise.
Cette fois-ci, le héros arrive bien à Montagny.
Se
rendre chez l'oncle est, à cet endroit de la nouvelle, un acte en
situation car il s'agit d'aller revoir ce qui n'est plus, même si
le narrateur déclare:« Tout semblait dans le même état qu'autre
fois [ ...
] .» La clef qu'il va chercher chez le fermier ouvre, plus
encore que chez la tante (cf chap.
VI)- car sans illusions per
mises désormais - sur un monde mort.
Cette fois-ci, il ne s'est pas arrêté en chemin pour dormir.
C'est Sylvie qui dort ainsi que tout le village« fatigué de la
fête»; il n'y a donc personne pour l'accueillir quand il rejoint
Loisy.
Il ira alors à Ermenonville« par un beau temps d'été»
(les matins d'Othys ne sont plus: les oiseaux ne chantent guère,
le pivert pense à l'avenir immédiat, c'est-à-dire à« creuser son
nid»), en souvenir des promenades de son enfance avec son
oncle justement, dans ces lieux où subsistent de grands témoi-
gnages du xvme siècle passé.
Présent au réel cette fois-ci (à la
différence du chapitre v), il évitera de se perdre; les souvenirs
des contrefaçons commémoratives « de l'antiquité philoso
phique» ne l'égareront pas.
Ces courses d'un promeneur soli
taire à la recherche de souvenirs vivaces (personnels ou
historiques)- dès lors que Sylvie se dérobe aujourd'hui- mani
festent un désespoir poignant, un affolement impossible à maî
triser dans un présent sans attaches, dévitalisé.
Souvenirs culturels : souvenirs vitaux?
Dans la maison de l'oncle, l'évocation des tableaux flamands
d'un aïeul, des estampes de Boucher, des gravures de Moreau
(illustrant Rousseau), exprime l'espoir d'un ultime refuge dans
la représentation esthétique si mal appréhendée jusqu'ici, car
trop chargée de souvenirs fantasmatiques.
Le chien empaillé
« qui appartenait à [une] race perdue» est peut-être une der
nière mise en garde triviale.
Et le perroquet qui vit toujours,
peut apparaître à son tour comme le symbole ambivalent et
ironique de ces reminiscences artificiellement perpétuées, échos
stériles du passé ; il est le signe mémoriel et vain d'une péren
nité de pacotille.
Mais les souvenirs pourraient sans doute être
actualisés et conduire à une meilleure compréhension du pré
sent car l'«œil rond [de l'oiseau], bordé d'une peau chargée
de rides, [...] fait penser au regard expérimenté des vieillards».
Cette expérience-là sera-t-elle vraiment consolatrice?
Le cabinet de son parent offre, avec ses « livres choisis» et
ses « quelques débris antiques», de précieux (?) témoins du
bonheur qu'ils ont su procurer à celui qui n'est plus.
Rassérè
neront-ils le neveu?
Aller à Ermenonville, c'est, après le xvme siècle intime et per
sonnel, (auto-)biographique, partir à la recherche d'un XVIIIe
siècle prestigieux, hanté par les Anciens ; la quête des signes
de mémoire artistique et culturelle se poursuit, et toujours sous
les auspices de l'oncle disparu.
Évoquer (et non invoquer) alors
« la sibylle Tiburtine » (près de Tivoli), penser à Montaigne,
Descartes, Rousseau indéfectiblement (ou même - ironique
ment? - au roman archéologique de l'abbé Barthélémy: Vayage
du jeune Anacharsis en Grèce [1788]), c'est continuer à
interroger pathétiquement les œuvres de la pensée, celles qui
disent la foi dans les ressources de l'introspection lucide, rai
sonnée, et dans la sagesse, pour faire pièce à un passé qui nous
trahit.
L'apostrophe vocative à Rousseau (devant sa tombe -
'
qui ne contient pas ses cendres - installée sur une île) est poignante: « Nous avons oublié tes leçons que savaient nos pères,
et nous avons perdu le sens de ta parole, dernier écho des
sagesses antiques.
Pourtant ne désespérons pas, et, comme tu
fis à ton suprême....
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