CHAPITRE VI : OTHYS @WiMi 3. Le souvenir recomposé: le déguisement merveilleux En chemin, Sylvie cueille des fleurs dont elle...
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«
CHAPITRE VI : OTHYS
@WiMi
3.
Le souvenir recomposé:
le déguisement merveilleux
En chemin, Sylvie cueille des fleurs dont elle fait un bou
quet qu'elle offrira à sa tante.
Cette dernière accueille avec
joie le petit couple d'amoureux.
La jeune fille commence
à disposer sur la table quelques nourritures, mais sa parente
l'arrête.
Elles se mettent à parler de dentelles anciennes,
et la tante lui propose de monter en chercher des modèles
dans sa chambre.
Sylvie lui subtilise, à ce moment, une clef
qui lui permettra d'ouvrir un tiroir toujours fermé.
Dans la chambre, le héros-narrateur contemple les portraits
de l'oncle et de son épouse jeunes, et il compare celle-ci à la
« fée des Funambules».
Quant à Sylvie, elle trouve dans le
fameux tiroir la robe de noces, qu'elle va revêtir après avoir
été, elle aussi, comparée à une fée par son compagnon.
Après
l'avoir aidée tant bien que mal à passer la robe, le héros et
Sylvie, identifiée à « !'accordée de village de Greuze», se met
tent à la recherche de nouveaux atours.
La tante les rappelle enfin pour le repas rustique; à la
demande de Sylvie, le héros a juste le temps de se déguiser
lui aussi.
La vieille femme, en les voyant apparaître, pleure
d'attendrissement devant ce rappel de ses noces.
Ils chan
tent avec elle l'épithalame d'alors, qu'elle n'a pas oublié.
Une thématique de la reviviscence amoureuse?
L'énorme bouquet que confectionne Sylvie et qui devrait déco
rer la «chambre» de sa parente, n'est peut-être pas dénué de
signification symbolique dans une nouvelle où la remise de bouquets est un acte récurrent.
Cette offrande, en l'occurrence,
n'a rien d'un rituel festif ou mythique, mais se présente comme
un acte intime.
Néanmoins, le phénomène de la floraison régulière et passagère est inséparable de l'idée de renouveau fugitif,
sinon de celle de régénération (cf le bouquet d'Isis, chap.
I).
D'ailleurs, mince détail peut-être: « La Thève bruissait de nouveau» au voisinage d'Othys, où la tante vit retirée.
Elle a perdu
son mari: « Sa nièce arrivant, c'était le feu dans la maison.
»
Des fleurs, de l'eau, du feu, voilà bien les éléments d'une thématique qui préluderait à l'idée de reviviscence dans un chapitre
tout entier consacré au culte de l'amour éternel et dont le premier paragraphe, que nous venons d'analyser, se termine par la
présentation du narrateur à la tante: « C'est mon amoureux!»
Cette femme âgée, figure très prosaïque au fond, est le reflet
du réel qu'il sera si tentant d'oublier.
Le feu (sous« la poêle»),
ces fleurs (sur« la table»), avec elle, redeviendront simplement des attributs rustiques, sans toutefois faire totalement
oublier leur possible signification maléfique (en effet, de la
« digitale pourprée» est extrait un poison violent).
Une figure de référence, inconsistante
Cette vieille femme est, en fait, la gardienne d'un univers réel,
immédiat ; et la destinatrice qui, à son insu, se trouve à l' origine d'une quête que sa personnalité vaguement esquissée - sa
silhouette même - dénonce.
L'accueil qu'elle fait auxjeunes gens
n'est pas sans intérêt car ses propos mièvres annoncent en fait
une irréductibilité fondamentale : le narrateur est blond, Sylvie
est brune ; « Cela ne dure pas », « cela t' assortit bien», « mais
vous avez du temps devant vous».
Traduction, pour celui qui
connait la nouvelle dans son ensemble : ils sont mal accordés, le
temps ne leur sera jamais donné.
Ils ne connaitront jamais ce qu'a
vécu la parente de Sylvie.
Quand elle propose à Sylvie d'aller chercher de la «dentelle ancienne», dans sa chambre, et qu'elle lui
dit que les tiroirs sont tous ouverts, la réponse de cette dernière
(« Ce n'est pas vrai, il y en a un qui est toujours fermé.») nous
fait alors basculer dans un univers de convention où prévalent
d'autres références: le monde périlleux du conte merveilleux.
Les enfants montent donc dans la chambre.
L'espace, intérieur ici, est structuré par la verticalité, comme au chapitre
précédent ; monter « rapidement l'escalier», ce serait remonter instantanément le Temps, grâce au culte des « souvenirs
fidèles», des souvenirs qui n'ont jamais été profanés ...
Souvenir fidèle - ressouvenir!
La chambre est le« sanctuaire des souvenirs fidèles» (nous
soulignons les allitérations et les assonances).
Conunent défi
nir exactement ces derniers ? Le souvenir est une recompo
sition, nous en avons ici une nouvelle preuve.
Lesjeunes gens se retrouvent en face de deux représentations
picturales.
Le mari de la tante est évoqué à travers un portrait
conventionnel (« pastel, médiocre peut-être» se dit le narrateur,
avec le recul vraisemblablement), image d'Épinal (« ovale au
cadre doré, suspendu à la tête du lit rustique») à plus d'un titre :
c'est« unjeune honune du bon vieux temps» (nous soulignons);
il sourit évidenunent; il est pourvu d'une« bouche rose»; il est
forcément en uniforme (« des gardes-chasse de la maison de
Condé»); il a bien entendu une« attitude martiale».
Ce serait
bien là le sémillant militaire de la littérature à bon marché ...
Quant à lajeune mariée, elle est bien sûr« attrayante», et pré
sentée - comble d'originalité ! -« agaçant de sa mine retroussée
un oiseau posé sur son doigt».
Les représentations picturales (à connotations sentimen
tales) ne perdentjamais leurs droits, puisque nous avons aussi
dans ce chapitre l'évocation d'un célèbre tableau de genre.
Après ces pastels médiocres (?) - qui ne peuvent trouver place
que dans une chambre rustique -, ce sera un Greuze lyrique,
emblématique de la scène de village.
Il n'est d'ailleurs pas éton
nant que l'on retrouve ici un certain XVIIIe siècle de conven
tion.
Ce sont donc à ces représentations qu'il s'agira de redon
ner corps; ce sont ces souvenirs qu'il faudra réactiver par le
travestissement du réel, par des transpositions supplémentaires
de plus en plus symboliques et fantasmatiques ? Les références
théâtrales et légendaires reviennent à point nommé.
Les fées du feu
« C'était pourtant la même bonne vieille qui cuisinait en ce
moment, courbée sur....
»
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