CHAPITRE VII : CHÂALIS Inconsistance du souvenir recomposé: réminiscence et paramnésie Alors que sa voiture passe non loin du bois...
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CHAPITRE VII : CHÂALIS
Inconsistance du souvenir recomposé:
réminiscence et paramnésie
Alors que sa voiture passe non loin du bois d'Hallate, le
héros-narrateur se souvient d'un soir où le frère de Sylvie
et lui se rendirent à une fête à l'abbaye de Châalis.
Les deux jeunes gens assistèrent donc en intrus à la repré
sentation d'un mystère où figuraient les «pensionnaires
d'un couvent voisin», et dans lequel Adrienne jouait le pre
mier rôle: elle était I' «esprit» qui témoignait de la victoire
du Christ revenu des Enfers.
Mais le voyageur n'est plus très
sûr de sa mémoire; néanmoins il se rappelle nettement la
maison du garde, qu'il décrit.
Ce souvenir d'Adrienne, serait
ce une obsession? La voiture s'arrête, il n'y a plus guère de
chemin à faire pour gagner Loisy à pied.
Après la série continue des rerniniscences dans les trois cha
pitres précédents, nous revenons au présent du voyageur.
La recomposition des souvenirs s'est faite au rythme de la
voiture ; le chapitre III se terminait sur la mise en évidence du
schème de la verticalité ascendante : « Pendant que la voiture
monte les côtes recomposons les souvenirs [...].» Ici, le retour
au présent semble bien lié passagèrement au mouvement
inverse : « Il est quatre heures du matin, la route plonge dans
un pli de terrain; elle remonte.» Ce nouveau mouvement ascen
dant doit logiquement permettre de relancer l'appel du sou
venir.
C'est ce que nous vérifierons.
Ce chapitre a une struc
ture circulaire.
Le narrateur évoquera deux souvenirs à peu
près avérés pour lui : une visite singulière, dont la relation
encadre le chapitre, en compagnie du frère de Sylvie, à la mai
son du garde de l'abbaye et l'évocation générique des ruines
de Châalis.
Le milieu du chapitre est consacré à la confuse
réminiscence d'une représentation à laquelle ils assistèrent,
gr�ce au fils du garde justement.
Des souvenirs avérés?
Ainsi le voyageur songe à « un soir [où] le frère de Sylvie [le]
condui[si]t dans sa carriole à une solennité du pays».
Ce rappel
a lieu car il est physiquement dans les parages; il n'empêche que
le retour sur les lieux ne fait rien d'autre du souvenir qu'un sou
venir! Nous avons donc là - il faut y être attentif - une micro
situation qui reflète la nouvelle tout entière.
Notons que le nar
rateur est incapable de dater exactement lejour: « C'était,je crois,
le soir de la Saint-Barthélemy.» Incertitude fondamentale qu'il
faudra interpréter (même s'il semble catégorique à la fin du cha
pitre), dès lors qu'elle entâchera un des souvenirs rapportés ici.
D'autant que l'épisode semble prendre un caractère nettement
diabolique et fantastique; parlant du frère de Sylvie, il déclare:
«son petit cheval volait comme au sabbat.
» Comme pour aller
aux Enfers! ....
À son propos encore, il avouera, en fin de cha
pitre, qu'il« était un peu gris ce soir-là » .
Qui pourra dire ce qui
s'est passé réellement un certain soir? En tout cas, il se souvient
bien de la«maison du garde », avec le«cygne éployé sur la porte »
(allusif rappel dégradé du chap.
rv?), « sa grande horloge »
(cf.
chap.
rn?), «les trophées d'arcs et de flèches » (cf.
chap.
I
et rv?).
Nous sommes dans le réel; qui plus est avec cette«carte
de tir » et le«nain [qui] semblait inviter les tireurs à viser juste»
(petite réserve cependant: «Ce nain, je le crois bien, était en tôle
découpée ») ; voilà des détails volontiers prosaïques qui nous
ramènent à l'univers de la foire et qui détonneront après l'étrange
cérémonie mystique dont il va être question.
« La solennité se donnait à l'ancienne abbaye de Châalis.»
Mais le voyageur d'ajouter: -« Châalis, encore un souvenir! »
(Nous soulignons).
Il semble bien qu'il y ait dès maintenant
une hésitation irréductible dans le processus mnémonique ; il
y a dénivellement dans les différents plans de l'espace du
souvenir.
Dans ce chapitre, le domaine de Châalis constitue un
autre souvenir, mais parfaitement avéré celui-là.
Impressions archéologiques : une ruine syncrétique
Les ruines de Châalis ne sont plus que les traces restantes et
oubliées du règne de Charlemagne dans«ce pays isolé du mou
vement des routes et des villes » .
On se trouve dans un lieu syn
crétique où fusionnent l'art byzantin et des«races particulières »
de«l'époque des Médicis » .
Évoquer Pétrarque et ensuite Fran
cesco Colonna, c'est parler pour le premier d'un poète exilé qui
dira, dans ses poèmes, son amour impossible - on pense de
nouveau à Dante et à Béatrice - pour une femme déjà mariée,
Laure; quant au second, il s'agit aussi d'un amant malheureux
qui se réfugiera dans l'écriture.
Nous retrouvons donc ici plus
ou moins directement: le«style Médicis » (chap.
III), le«voyage
à Cythère » (chap.
rv),....
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