CHAPITRE XIII : AURÉLIE Chimère 1 : « La treizième revient... c'est encor la première» De retour à Paris, le...
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CHAPITRE XIII : AURÉLIE
Chimère 1 : « La treizième revient...
c'est encor la première»
De retour à Paris, le héros se retrouve, le soir, au théâtre
afin d'y revoir son actrice adulée.
li lui fait parvenir un bou
quet, avec une lettre signée: « Un inconnu.» Le lendemain,
il part pour l'Allemagne afin d'y retrouver la paix de l'âme.
Il juge que l'histoire, romancée, de son double amour appa
raîtrait invraisemblable.
Dans les mois qui suivent, il conçoit
un drame sur les amours du peintre Colonna et de Laura,
sujet lié à ses préoccupations.
L'œuvre achevée, il revient
en France.
Il avait écrit les« scènes d'amour [...
] de son
drame » à l'intention d'Aurélie.
Il se révèle à elle« comme
l'inconnu des deux lettres ».
Plus tard, elle lui écrit une lettre
fort tendre.
Entre-temps, le« beau jeune homme du cercle »
a endossé l'habit militaire.
L'été suivant, le narrateur,« en qualité de seigneur poète »,
accompagne dans le Valois la troupe où joue Aurélie.
Il
l'emmène à l'endroit de la première rencontre avec Adrienne;
en vain.
Il lui fait part alors de son obsession.
Mais elle lui
rétorque qu'il ne l'aime pas, qu'il cherche un drame et n'en
maîtrise pas la fin.
Il se dit alors qu'il s'est trompé; tout ce
qu'il a ressenti,« ce n'était donc pas l'amour? Mais où donc
est-il? » « Aurélie joua le soir à Senlis.
» Il se rend compte
qu'elle est attirée par le régisseur.
Un jour, elle lui avoue
qu'elle aime cet homme.
Le départ pour Paris est irrépressible.
Le héros se soucie
plus que jamais des heures, orienté qu'il est maintenant vers
le futur: « La voiture met cinq heures.
Je n'étais pressé que
d'arriver pour le soir.
Vers huit heures, j'étais assis dans ma
stalle accoutumée [ ...
].»Mais ce futur est encore fantasmé,
car il s'agit de se réfugier au théâtre, quand vient la nuit; Auré
lie joue dans une pièce médiocrement inspirée de Schiller.
Cependant, le bouquet qu'il lui fait remettre est le symbole
évident non plus de la foi en une quelconque régénération promise par le bouquet d'Isis au premier chapitre - mais celui
de l'espoir raisonné en un avenir gratifiant pouvant répondre
du passé.
Son offrande est en effet accompagnée d'une lettre
signée: « Un inconnu.
» « Je me dis : Voilà quelque chose de
fixé pour l'avenir - et le lendemain j'étais sur la route d'Alle
magne.»Il y a en clair, ici, un pari sur le futur, et non plus sur
le connu, sur le passé, en soi sans force puisqu'il ne cesse de
se transformer et de s'abolir dans la durée qui ne lui donne
une fragile consistance que dans le souvenir.
Se dessinent donc les principales questions de ce chapitre :
le poids de la durée, le voyage vers l'Est, l'art comme modèle,
le théâtre.
Une durée dynamique
Ce chapitre est saturé d'indications de durée dessinant le fil
d'une chronologie labile qui nourrira et ponctuera inévitablement une expérience : la rencontre avec Sylvie a duré une journée ; il attend que l'occasion lui soit donnée quelque jour de
voir si Aurélie est sensible ; il passera des mois à écrire ; un
jour, il peut lire sa pièce à l'actrice ; « les jours suivants », il lui
écrit avec passion; « deux mois plus tard», elle lui répond sur
le même ton ; son amoureux attitré l'a quittée ; « l'été suivant»,
la troupe où jouait l'actrice était pendant « trois jours» dans
le Valois; « un jour», Aurélie lui révèlera qui elle aime ...
Ce
n'est pas lui.
Une nouvelle période commence, non point un
cycle, qui va couvrir plusieurs mois avant la phénoménale projection dans l'avenir du dernier chapitre.
Le voyage en Allemagne : moteur de l'écriture
Le héros se tourne donc vers l'Allemagne.
Ce mouvement
n'est pas neutre dans l'œuvre nervalienne.
Il est lié à un effort
de rationalisation par l'écriture après un trouble profond :
« Qu'allais-je y faire? Essayer de remettre de l'ordre dans mes
sentiments.
» Il marùfeste son effort de lucidité quand, en moraliste, il commente son expérience : « Sylvie m'échappait par
ma faute ; mais la revoir un jour avait suffit pour relever mon
âme: je la plaçais désormais comme une statue souriante dans
le temple de la Sagesse.
Son regard m'avait arrêté au bord de
l'abîme.» Quant à Aurélie - refusant toujours de troubler le
miroir magique dans lequel il la contemple - il la laisse à ses
« amoureux vulgaires».
Sylvie a été au centre d'une expérience
revigorante entre une réalité insupportable et un idéal purement fantasmatique et mensonger, qui ne pouvait conduire
qu'à la folie suicidaire.
En effet, c'est bien de cela qu'il s'agit
avec ce discours euphémistique qui annonce Aurélia.
Le voyage
en Allemagne - pays de l'imagination comme catégorie esthétique, pour Nerval, et où on ne fait pas de partition artificielle
entre raison et folie, selon lui - va prolonger le retour dans le
Valois, et lui donner sa pleine signification puisqu'il sera le lieu
symbolique de la recomposition esthétique de son expérience
par le héros, et sera suivi de la confrontation de cette transposition personnelle avec la réalité présente.
Les recompositions mimétiques
Les transpositions esthétiques du héros-narrateur, loin d'un
être et d'une réalité qui le tourmentent, sont diverses:
La transposition épistolaire.« Un matin,je lus dans le jour
nal qu'Aurélie était malade.» Au premier chapitre,lisant un soir
le journal, il partait pour le Valois; ici, il réagit en écrivant une
« lettre empreinte de mysticisme germanique», attendant son
heure, si on peut dire.
Plus tard, de France, il lui écrira des
lettres enflammées; ses réponses seront « pleines de raison».
Elle devinera très vite à quelle tête elle a affaire: « Si c'est bien
pour moi [c'est Nerval qui souligne!] que vous m'aimez, dit
elle, vous comprendrez que je ne puis être qu'à un seul.» Il rece
vra un jour « une lettre pleine d'effusion», mais c'est que « le
jeune homme du cercle» (cf.
chap.
I) est parti.
Aurélie a une
morale.
En tant que femme, cette actrice veut bien n'être qu'à
un seul, mais faut-il encore que ce soit bien en tant qu'homme
que ce dernier l'aime, et non avec des fantasmes d'artiste.
La contre-prétérition romanesque.
Avec un tel investis
sement fantasmatique,le recours à la forme épistolaire devient
le succédané d'une transposition esthétique qui effraie le héros
car elle exige un effort de rationalisation dont il ne se sent pas
capable: la transcription romanesque,genre auquel est consti
tutivement associé le désordre de l'imagination.
- « Si j'écrivais un roman, jamais je ne pourrais faire accep
ter l'histoire d'un cœur épris de deux amours simultanées.» Il
s'agit en somme d'écrire une Sylvie, dont le narrateur serait un
Polyphile ( qui aime plusieurs...
femmes), de remettre à dis
tance une histoire folle, de s'en déprendre grâce à une cathar
sis littéraire.
Mais ce n'est pas ce projet que retient le narra
teur.
Nous avons là en tout cas en un effet de dédoublement
méta-narratif,une mise en abyme de la nouvelle.
Et c'est aussi
un procédé narratif propre au Nerval des dernières années: indi
quer de manière rapide, sous forme de synopsis, un sujet qu'il
n'est....
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