CHAPITRE XXVI la tristesse de Fabrice ne disparaît que lorsqu'il entrevoit Clélia depuis la fenêtre d'un appartement qu'il a loué...
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CHAPITRE XXVI
la tristesse de Fabrice ne disparaît que lorsqu'il entrevoit
Clélia depuis la fenêtre d'un appartement qu'il a loué face
au palais où elle demeure.
Clélia, quant à elle, est fort malheureuse ; elle s'interdit de revoir Fabrice qu'elle aime et
qu'elle reçoit pourtant dans l'obscurité après qu'il s'est présenté à elle, déguisé; elle lui demande son consentement
pour épouser le marquis Crescenzi et obtenir ainsi le retour
de son père que l'exil rend fou.
Fabrice se retire du monde
sans peine (ce qui lui vaut une belle réputation de piété)
tandis que le mariage de Clélia est célébré avec faste.
Cependant, il lui faut quitter sa retraite pour assister à
l'anniversaire de la princesse.
Il redoute d'y retrouver Clélia.
Il ne peut contenir ses larmes quand il la voit; elle-même
est bouleversée par les changements dont le chagrin a marqué sa physionomie.
En signe d'amitié, elle lui laisse son
éventail.
Ce cadeau fait voler en éclat les résolutions de
Fabrice, qui abandonne derechef toute idée de retraite.
COMMENTAIRE
Le malE;1ntendu
Ace point du roman, le couple Clélia / Fabrice est à la fois totalement uni et radicalement séparé.
la scène de la rencontre à l'anniver·saire de la princesse se lit d'ailleurs comme une scène inversée de la
prison; en effet, les deux séjours à la tour, loin du monde, étaient des
moments authentiques de présence l'un à l'autre.
Leur succèdent des
périodes d'absence et de malentendus, où la vie mondaine par
laquelle ils sont repris, les sépare, les contraint au paraître, au mensonge, à la dissimulation.
Stendhal joue de l'alternance de ces
moments pour conduire l'ttinéraire amoureux de ses héros; les temps
de séparation ne sont pas sans intérêt: parce qu'ils créent un état de
vulnérabilité extrême, ils appellent les personnages à se retrouver.
Ici,
le malentendu est cristallisé (comme souvent chez Stendhal) autour
d'un mot, le verbe •oublier•.
En effet, chacun des deux amants croit
que l'autre l'a oublié, c'est-à-dire réduit à néant puisqu'ils n'ont
accédé à l'existence véritable que par la médiation de l'autre.
Être
oublié, c'est donc être arraché à l'être, à soi-même, et condamné
pour toujours au monde du paraître.
Du langage des signes à celui des larmes
Hors de la prison, l'amenuisement des systèmes d'échange par
signes comme l'ombre grandissante entre les amants empêche la
communication.
Subsiste pourtant en Fabrice, on le voit au chapitre
suivant dans les sermons, le besoin impénitent de parler à Clélia.
Son
langage est toujours celui des alphabets, celui des signes, le •langage
imparfait des signes•.
N'y-a-t-il pas une nécessité profonde à ce que
ce langage-là - référé à la prison - ne soit plus possible désormais ?
!.:initiation de Fabrice est encore partielle.
Peut-être Clélia a-t-elle à lui
révéler une autre façon d'aimer que celle qui passe par les mots,
explicites ou couverts, immédiats ou codés, mais qui ne sont encore
qu'une forme d'ombre et de distance à l'union sans réserve des
cœurs? Clélia n'est au fond que regard et l'amour absolu vers lequel
elle l'appelle est de l'ordre de la contemplation.
Michel Guérin écrit
que •le regard de Clélia dit tout; il est le commencement et la fin.
Mais
Fabrice ne sait pas voir cette pure lumière, qui pourtant l'a touché,
qu'il pressent dans....
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