CHAPITRE XXVIII Un des habitués du salon Crescenzi fait trembler Clélia en annonçant à la cantonnade qu'à son tour le...
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CHAPITRE XXVIII
Un des habitués du salon Crescenzi fait trembler Clélia
en annonçant à la cantonnade qu'à son tour le coadjuteur
est tombé amoureux de la petite Marini.
Cette nouvelle
décide la marquise d'aller écouter Fabrice d'autant que le
bruit court que ses jours sont comptés.
On imagine l'effet
d'une telle présence sur notre prédicateur! Le lendemain, il
reçoit un billet de Clélia qui le convoque à un rendez-vous.
Ainsi s'amorce une liaison secrète entre elle et Fabrice qui •
durera trois ans, «trois années de bonheur divin.» Depuis
longtemps déjà le comte Mosca est revenu aux affaires,
l'archevêque est mort et Fabrice lui succède avec honneur.
Mais un «caprice de tendresse» vient un jour tout changer.
Puisqu'il ne peut voir de jour celle qu'il aime, Fabrice exige
d'avoir près de lui le petit Sandrino, le fils que Clélia lui a
donné.
On imagine un subterfuge: on simule une maladie
de l'enfant et on annonce sa mort pendant une absence du
marquis.
Mais Sandrino tombe réellement malade et meurt
quelques mois après son en lèvement.
Clélia y voit une
juste punition du ciel et ne survit pas à la disparition de
son fils.
Fabrice, à la mort de Clélia, vend tous ses biens,
démissionne et se retire à la Chartreuse de Parme où il
meurt à son tour un an après.
La duchesse qui l'adorait le
suit presque aussitôt.
COMMENTAIRE
Bonheur et écriture
Pressé par les exigences de son éditeur, Stendhal a dû écourter la
fin.
Mais on pourrait s'étonner qu'au chapitre XXVIII, il ne renonce à
aucun des détails sur les manœuvres de Gonzo qui ramènent Clélia à
l'église où prêche Fabrice; qu'en revanche, il revendique sans égard le
droit à l'ellipse pour les «trois années de bonheur divin• qui s'en suivent et pendant lesquelles, contre toute vraisemblance d'ailleurs, ils se
rencontrent dans l'orangerie chaque nuit: •ici nous demandons la per-
mission de passer sans en dire un seul mot, sur un espace de trois
années.
• Désinvolture d'un écrivain qui a toujours répugné à finir (plusieurs de ses œuvres, dont Lucien Leuwen et Lamie/, sont restées
inachevées)? Pudeur extrême à l'égard de ses personnages? Davantage: tout comme les rues de Parme n'ont pas d'odeur dans ce
roman, que ies yeux de la Sanseverina sont sans couleur particulière,
le bonheur final n'est qu'un chiffre, au propre comme au figuré.
Trois
jours, trois mois, trois années, c'est égal dans ce présent d'éternité.
D'ailleurs, comment décrire le bonheur? Les gens heureux n'ont pas
d'histoire, et Stendhal en est averti: •les amants, note·t-il ailleurs,
sont si heureux dans les scènes qu'ils ont ensemble que le lecteur, au
lieu de sympathiser avec la peinture de ce bonheur, en devient jaloux
et se venge d'ordinaire en disant : bon dieu que ce livre est fade.
•
Derrière la boutade, l'idée stendhalienne que le bonheur, quoiqu'on
fasse, ne pourra jamais s'écrire qu'•en un mot•; !'écrivain qui le
traque ne peut qu'installer le lecteur en ses abords, esquisser la
beauté qui n'en sera jamais que la promesse.
Stendhal, comme ses
personnages, touche ici aux confins du monde et du langage et les
directives d'un libraire sont de peu de poids: • Entre ici, ami de mon
cœur.
• Peut-être est-ce là la vraie fin du roman, comme le remarque
Prévost.
Là, les héros quittent le monde, tant ce •cœur• n'est pas de
l'ordre mondain et terrestre des passions, ni davantage le siège du
seul sentiment amoureux.
La mort de Sandrino
On ne saurait réduire la mort de Sandrine à n'être que l'expiation,
prévisible, des crimes et transgressions commis préalablement.
Certes,
l'aura de superstition qui plane autour de la mort de l'enfant crée un
climat tragique où le destin semble se faire entendre.
Mais il s'explique
aussi pour des raisons plus profondes, dont Stendhal indirectement
nous donne la clé quand il écrit, à plusieurs reprises qu'• il a fait La
Chartreuse ayant en vue la mort de l'enfant.• Pour ne pas être taxé
d'incohérence par rapport à ce qu'on sait de l'auteur, et partlculièrement de la relation de bienveillance qu'il entretient à l'égard de ses personnages, on se défendra de ne voir là qu'une punition qu'il se chargerait - avec une prémédilation quasi-sadique !- de leur infliger en fin de
parcours, en guise de morale à l'histoire.
Comme le remarque K.
Ringer, il semble plus juste d'admettre que.
iruit des amours de Clélia et
Fabrice, cet «enfant poétique» n'est pas viabie dans un siècle où
s'épaississent tous les prosaïsmes contraires.
Mais cette mort dit plus:
elle n'est pas que la conséquence malheureuse d'un •caprice de tendresse.» En voulant l'enlever pour l'.élever, de façon possessive et terrestre, Fabrice rompt le fragile équilibre d'un amour provisoire qui, pour
durer déjà depuis trois années, n'ava~ pourtant son lieu naturel ni dans
.
le monde ni dans le temps.
Sa dernière tentation se solde par l'échec
de la tentative : Fabrice le bâtard, ne peut en vérité réassurer une filiation historique positive à cet autre bâtard, qu'est Sandrine.
Si le sort
est contraire à cette dernière espérance, il ne reste plus à l'âme qu'à
faire bande à part et quitter un monde avec lequel elle ne consone
plus, au profit d'une révélation plus profonde, mystérieuse où s'abolissent enfin toutes les séparations, absorbés qu'y sont tous les personnages, successivement, dans une·plénitude qui ne tolère plus le multiple.
Il est émouvant que Sandrine, plutôt que d'expier la faute du
père, ouvre le premier le chemin de l'établissement progressif dans le
silence final, où les voix, les unes après les autres, se sont tues.
La mort des héros
l a dernière page du roman a, pour reprendre l'expression de Philippe Berthier, toutes les •hâtes d'une liquidation.• Parvenu au sommet de sa carrière (morts, son frère lui laisse ses biens et Landriani sa
chaire), Fabrice s'emploie paradoxalement à se défaire de tout ce qui
l'attache encore au monde de l'avoir comme du pouvoir; il répartit ses
biens et démissionne.
La rapidité des dispositions qu'il prend montre
leur peu d'importance et souligne sa détermination à en finir au plus
vite.
Si l'on reprend l'idée que le roman....
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