Charles Baudelaire, Les Petits poèmes en prose, « Enivrez-vous ». Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est...
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«
Charles Baudelaire, Les Petits poèmes en prose, « Enivrez-vous ».
Il faut être toujours ivre.
Tout est là : c'est l'unique question.
Pour ne pas sentir
l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous
enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise.
Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la
solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue,
demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce
qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle
heure il est et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : « Il est
l'heure de s'enivrer ! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ;
enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise ».
• Poème en prose => texte court (densité de la parole poétique).
• Titre provocateur « Enivrez-vous » => sorte de slogan.
Incitation (à un acte peu
recommandable).
• Thème : aspiration de l’Homme à fuir sa condition mortelle, soumise au temps qui passe
=> l’ivresse est considérée comme un remède à ce mal => pour le poète l’ivresse devient
noblesse morale, alors qu’elle est réprouvée par les bonnes mœurs.
I- La fonction de l’ivresse aux yeux du poète
A- Angoisse du poète : le temps
• Angoisse, peur de l’homme face au temps qui passe (thème développé aussi par les
romantiques.
- Cf.
la majuscule mise pour le « Temps » => personnification.
- Cf.
les deux formules assez parallèles du poème : « Pour ne pas sentir l’horrible fardeau
du Temps » ; « Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps » => « Pour ne pas…
Temps ».
But négatif > ivresse => afin d’éviter les ravages du temps.
Cf.
« horrible
fardeau » ; « esclaves martyrisés » => termes forts.
Sentiment d’être asservi au Temps,
persécuté par le temps qui passe.
•« fardeau […] qui brise vos épaules et vous penche vers la terre » > on imagine l’homme
vieilli, courbé par le poids des années => courbé par le temps qui passe.
• Angoisse du temps => cf.
le champ lexical de l’heure (et donc, du temps qui passe) :
« l’horloge » et « l’heure ».
NB : l’horloge est personnifiée > cf.
elle parle (« Il est heure
de s’enivrer »).
NB : cycle qui semble inarrêtable.
Cf.
« toujours » ; « sans cesse » ; « sans trêve » ; « il
faut… » ; « c’est l’heure de… ».
Δ) Temps qui passe (> mort qui approche) : hantise du poète.
Solution > « pour ne
pas… » : Ivresse.
B- L’ivresse
• Ivresse pour Baudelaire : « Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu ».
Sorte de
zeugma.
Ivresse > liée à l’alcool, et donc au « vin ».
• Ivresse de « poésie » => ivresse spirituelle.
Cf.
ce que Baudelaire disait dans ses notes
sur Poe : « le principe de la poésie est strictement et simplement l'aspiration humaine vers
une beauté supérieure, et la manifestation de ce principe est dans un enthousiasme, une
excitation de l'âme ».
Enivrement de l’âme par la beauté.
• Ivresse par la « vertu » (> ce qui peut paraître paradoxal pour un poète....
»
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