Chine 1989-1990 L'élan brisé 1989, année de vacillement majeur, année coupée en deux à partir du 4 juin, avec l'écrasement...
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Chine 1989-1990
L'élan brisé
1989, année de vacillement majeur, année coupée en deux à partir du 4 juin, avec l'écrasement par
l'armée d'un mouvement populaire de contestation des pratiques du régime.
Au moment où l'empire
soviétique commençait à laisser les peuples de l'Europe de l'Est libres de démanteler un à un les symboles
hérités de la guerre froide, les étudiants, dont les manifestations, depuis plusieurs semaines, n'avaient
cessé de prendre de l'ampleur et de l'audace, osaient de leur côté construire sur un lieu (la place Tien
Anmen, à Pékin) et en face d'un portrait (Mao Zedong) hautement symboliques, leur propre symbole,
puissant et dynamique: une statue géante de la déesse Démocratie.
Au moment où le pouvoir sans
partage de nombreux partis communistes s'apprêtait à se dissoudre, parfois de stupéfiante manière, le
Parti communiste chinois (PCC) revenait, à partir de juin, à des politiques rigides que l'on avait pu croire
abandonnées depuis une décennie.
Au moment où les économies des pays à planification centrale
tentaient, par le recours aux méthodes de gestion de l'économie de marché, de remettre en marche des
systèmes bloqués, le gouvernement de Li Peng rejetait les avancées réalisées depuis 1979 en Chine dans
ce domaine.
Ce mouvement de contre-réforme touchait tous les domaines, propagande comprise,
puisqu'on osait l'appeler, dans la langue de bois retrouvée, le mouvement de poursuite de la réforme.
1989 a été par ailleurs l'année d'un échec probablement définitif, à première vue incompréhensible, pour
Deng Xiaoping.
Celui qui fut le guide du pays pendant dix ans, après avoir survécu à vingt ans
d'opposition aux politiques menées par Mao Zedong (1957-1976), a dû battre en retraite sur plusieurs
fronts.
Il avait réussi à démanteler l'essentiel du système maoïste entre 1979 et 1989.
Il avait su, contre
les "conservateurs" du PCC, ouvrir la Chine sur le monde et la sortir de l'isolement.
Il avait osé renvoyer
les militaires dans leurs casernes.
Il avait engagé une réforme économique qui reposait sur le retour au
marché.
Soudain, quand il a autorisé, en juin, le Parti et le gouvernement à faire marcher les chars sur la
foule, il a réendossé le manteau usé du vétéran borné de la Longue marche (1934-1935), du communiste
brutal qui réprima les intellectuels lors de la période des Cent Fleurs (1956-1957).
Lui, le contestataire
des méthodes maoïstes, devint le premier artisan de leur retour.
Les raisons de ce revirement personnel, qui rencontrait les souhaits ardents de la fraction dite
"conservatrice" du PCC, sont difficiles à connaître.
Dire, comme certains analystes, qu'il était prêt à tout
renier pour rester accroché, lui et son clan, au pouvoir, n'épuise pas la question.
Qu'il ait utilisé, une fois
de plus, non pas les seuls réflexes des autocrates communistes, mais surtout peut-être les antiques
traditions despotiques de la Chine d'empire n'est certainement pas faux.
On a pu en voir le signe dans la
solennité donnée, après le mois de juin, aux célébrations du 2 500e anniversaire de Confucius, "le Grand
Sage dont a hérité la tradition nationale".
Ce maître Kong, pourtant, a été dénoncé dès le 4 mai 1919 ("A
bas la boutique de Confucius"), lors du premier mouvement symbolique de protestation étudiante,
comme le grand responsable du conservatisme.
Ce Kong fuze, vivant au VIe siècle avant notre ère,
soumis encore en 1974 à un cocasse mouvement de critique associé au "maréchal-traître" Lin Biao (19071971), redevenait, pour les besoins de la répression contre le mouvement démocratique, le héros
fondateur des "valeurs chinoises": autorité, ordre, étude, tradition.
Cette répression et la politique suivie par la suite ont entraîné une considérable perte de prestige de la
Chine dans l'ensemble du monde, d'autant plus visible que les soubre-sauts libérateurs de l'Europe de
l'Est faisaient apparaître plus rétrogrades les méthodes de Pékin.
La séduction qu'avait exercée sur le
monde le projet de marche triomphale vers l'an 2000 d'un ensemble de plus d'un milliard d'hommes
devenait brutalement problématique.
Sur un fond de mesures d'austérité, déclenchées en septembre 1988, de corruption qui s'est
progressivement élargie pendant une décennie et de lutte vaine contre l'inflation, l'année économique
1989 se divise elle aussi en deux parties pour ce qui concerne les politiques menées.
Tout le monde
admet, y compris les adversaires du régime, que la croissance décennale de l'économie a été trop rapide.
La "surchauffe" était parfaitement compréhensible.
Privés pendant des décennies de toute liberté
d'action, les différents acteurs économiques ont révélé à partir de 1979, lorsque fut engagé le processus
de réforme économique, une légitime boulimie de développement.
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Freinage de l'inflation et de la croissance
Mais l'état général du pays ne permettait pas de supporter longtemps un rythme de croissance à deux
chiffres.
Il en résulta assez tôt, dès 1985, un manque général de matières premières, d'énergie, de
moyens de financement, qui ne pouvaient suivre la vitesse de développement de l'industrie, pilotée par
l'industrie légère et la consommation.
La compétition pour l'obtention régulière des moyens de
production, en quantité suffisante et dans les délais, fut avivée non seulement entre les entreprises, mais
aussi entre les entreprises existantes et les structures nouvelles.
Marchandages illicites, trocs, échanges
préférentiels proliférèrent, fondés non pas sur la rationalité économique mais sur des alliances
notamment familiales, sources de trafics en chaîne, qu'on appelle également le système confucéen de
débrouillardise généralisée.
Ils pervertirent gravement le fonctionnement d'une économie encore dominée
par les habitudes administratives du plan central, mais dont les règles n'étaient plus entièrement
appliquées.
L'un des résultats de cette évolution fut une inflation jamais vue depuis la prise du pouvoir par les
communistes, en 1949.
Selon les chiffres officiels, qui valent ce qu'ils valent, le freinage brutal opéré
aurait ramené l'inflation d'une moyenne de 17,8% pour 1989 à 7% en décembre, puis à 4% en janvierfévrier 1990.
Cela devait conduire l'économie au bord de l'asphyxie et entraîner certains relâchements de
la pression en fin d'année.
Auparavant, nombre de projets avaient été remis en cause, des coupes
sévères pratiquées dans les investissements improductifs (ceux du moins qui n'étaient pas protégés par
un notable), la priorité à nouveau accordée aux grandes entreprises d'État, les restrictions de
financement généralisées, les sociétés de commerce étroitement surveillées.
Cette compression brutale de la consommation entraîna une chute brutale de la demande, une
augmentation excessive des stocks et donc une immobilisation des liquidités, à terme paralysante.
Devant
ces résultats, le gouvernement prévoyait, dès avril 1990, de donner un coup de fouet à l'économie pour
atteindre une croissance de 5% en 1990.
Mais comment relancer le marché sans remettre en mouvement
les causes de la surchauffe de 1987-1988, puisque aucune réforme de structure n'avait été entreprise?
Retour à l'idéologie
Le "système de responsabilité", une des bases de la réforme économique de 1980 dans l'industrie,
étendue aux campagnes en 1984, a été fortement contesté depuis juin 1989.
En octobre, il fut question
de le supprimer pour les grandes entreprises d'État.
Le renforcement du contrôle central visait à réduire
la marge de manoeuvre dont disposaient les directeurs, maîtres de leurs pertes, mais aussi de leurs
profits, liberté utilisée, dit-on, pour des résultats à court terme préjudiciables aux intérêts collectifs.
En
réalité, il s'agissait de justifier la re-centralisation de l'économie contre les lois du marché.
Il s'agissait
aussi de revenir à un ordre antérieur dans la répartition administrative des ressources financières, des
matières premières....
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