Cliapitrev1 (Pierre et Jean, pages 162-163) • 5 10 15 20 25 Ils grimpèrent sur le roc un peu haut,...
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Cliapitrev1
(Pierre et Jean, pages 162-163)
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Ils grimpèrent sur le roc un peu haut, et lorsqu'ils y
furent installés côte à côte, les pieds pendants, en plein
soleil, elle reprit :
- Mon cher ami, vous n'êtes plus un enfant et je ne suis
pas une jeune fille.
Nous savons fort bien l'un et l'autre de
quoi il s'agit, et nous pouvons peser toutes les conséquences
de nos actes.
Si vous vous décidez aujourd'hui à me décla
rer votre amour, je suppose naturellement que vous désirez
m'épouser.
Il ne s'attendait guère à cet exposé net de la situation, et
il répondit niaisement :
-Mais oui.
- En avez-vous parlé à votre père et à votre mère ?
- Non, je voulais savoir sÎ vous m'accepteriez.
Elle lui tendit sa main encore mouillée, et comme il y
mettait la sienne avec élan :
- Moi, je veux bien, dit-elle.Je vous crois bon et loyal.
Mais n'oubliez point que je ne voudrais pas déplaire à vos
parents.
- Oh ! Pensez-vous que ma mère n'a rien prévu et
qu'elle vous aimerait comme elle vous aime si elle ne dési
rait pas un mariage entre nous ?
- C'est vrai, je suis un peu troublée.
Ils se turent.
Et il s'étonnait, lui, au contraire, qu'elle fût
s1 peu troublée, si raisonnable.
Il s'attendait à des gen
tillesses galantes, à des refus qui disent oui, à toute une
coquette comédie d'amour mêlée à la pêche, dans le clapo
tement de l'eau ! Et c'était fini, il se sentait lié, marié, en
vingt paroles.
t
INTRODUCTION
1Situer le passage
Au chapitre VI, la famille Roland, accompagnée de Beausire et de
Mme Rosémilly, va passer la journée
à Saint-Jouin.
L'après-midi! sur
la plage, Jean déclare son amour à Mme Rosémilly.
Celle-ci ne se
montre nullement troublée.
Elle se contente d'interrompre sa partie
de pêche, résignée
«
à parler d'affaires et à renoncer aux plaisirs »
(p.162).
1Dégager des axes de lecture
A travers cette scène,
qui se déroule de manière paradoxale, le
narrateur exprime sa conception, quelque peu critique, du mariage.
PREMIER AXE DE LECTURE
UNE,SCÈNE PARADOXALE
Ce passage ne ressemble en rien à l'idée qu'on se fait ordinairement d'une déclaration d'amour.
1Le trouble et la raison
Quand il lui déclare son amour, Jean ne trouble pas le cœur de
Mme Rosémilly.
La jeune femme ne manifeste ni gêne ni hésitation.
Elle parle en femme de tête (« nous savons fort bien
vons peser toutes les conséquences
que...
»,
»,
1.
5-6 ;
«
», «
nous pou-
n'oubliez point
1.18}.
Jean, en revanche, est pris au dépourvu(« il ne s'at-
tendait guère..
», « il répondit niaisement»,
«
il s'étonnait », 1.
10, 11,
24).
Ces deux êtres réagissent très différemment l'un de l'autre.
L'utilisation du verbe attendre dans deux phrases différentes (1.
10 et 25)
met en valeur l'opposition fondamentale des caractères.
Elle renforce le contraste entre I' « exposé net de la situation » (I.
10) fait par
Mme Rosémilly, et les « gentillesses galantes » (1.
25-26) esp~rées par
Jean.
LECTURES MÉTHODIQUES 111
1Une inversion des rôles
Les rôles traditionnellement tenus par l'homme et par la femme
l
dans ce type de circonstance sont ici inversés.
Mme Rosémilly formule elle-même la demande en mariage (« je suppose naturellement
que vous désirez m'épouser », 1.
8-9).
Jean, lui, n'avait pas parlé de
mariage, mais d'amour.
D'ordinaire, c'est l'homme qui
main
»
«
demande la
de la femme.
Ici, c'est Mme Rosémilly qui, au sens propre,
demande la main de Jean.
En effet,
mouillée» et Jean
«
«
elle lui ten[d] sa main encore
y me[t] la sienne avec élan
»
(1.
15-16).
Enfin,
i
l'idée reçue selon laquelle l'homme agit avec raison et la femme avec
frivolité, est ici inversée.
Mme Rosémilly apparaît comme « raisonnable » (1.
25), alors que Jean rêve d'une
d'amour
»
«
coquette comédie
(1.
26-27).
Notons que, généralement, l'adjectif
coquet
s'applique plutôt aux femmes qu'aux hommes.
j
1Deux tèmpéraments opposés
Cette inversion des rôles traditionnels souligne le fait que les deux
personnages ont un tempérament opposé.
Mme Rosémilly entend
être rapide.
Elle interrompt les effusions (« vous n'êtes plus un
enfant », 1.
4).
Elle résume la situation (« Nous savons fort bien l'un et
l'autre de quoi il s'agit »,....
»
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