Comme on voit sur la branche... Comme on voit sur la branche, au mois de mai, la rose, En sa...
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Comme on voit sur la branche...
Comme on voit sur la branche, au mois de mai, la rose,
En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l'aube, de ses pleurs, au point du jour l'arrose;
5
La Grâce dans sa feuille, et l'Amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d'odeur;
Mais, battue ou de pluie ou d'excessive ardeur,
Languissante, elle meurt, feuille à feuille déclose;
Ainsi, en ta première et jeune nouveauté,
10 Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t'a tuée, et cendre tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
14 Afin que, vif et mort, ton corps ne soit que roses.
In Amours de Marie.
II, 4.
_ _ _ _ _ _ QUESTIONS-----1 - Relevez dans le texte les éléments empruntés à la mythologie
antique et aux rites païens.
Quelle en est, selon vous, la fonction ?
De nombreuses divinités antiques sont présentes dans le sonnet
c'est le cas du "Ciel", de la "Terre", de "l'Aube", de la "Grâce", de
"l'Amour".
L'offrande du lait ("Ce vase plein de lait") appartient au
rituel païen.
La présence de ces éléments antiques pourrait surprendre chez un auteur chrétien; en réalité ils lui permettent d'entourer la jeune morte de la sollicitude d'un univers compatissant et surtout de donner à sa beauté un rayonnement universel.
L'offrande du
lait est porteuse de symboles au nombre desquels on peut mentionner la pureté, la tendresse et l'enfance.
2 - Observez le jeu des rimes dans le sonnet, y compris les rimes
intérieures.
Que remarquez-vous?
La règle veut qu'un sonnet fonctionne sur un système de cinq
rimes : abba, abba, ccd, eed ou ede.
Or nous avons ici seulement trois
rimes, c'est à dire abba, abba, cca, bba.
Ronsard a donc voulu, se
compliquant la tâche, obtenir une plus grande unité harmonique.
Mais il est allé plus loin en jouant sur les rimes intérieures ; ainsi dans
les deux quatrains, le dernier vers rime à l'hémistiche avec les deux
vers précédents: c'est le cas pour "Quand l'aube de ses pleurs" au
vers 4 et "Languissante elle meurt au vers 8.
- - - - COMMENTAIRE COMPOSÉ - - - Introduction
- Présentation
du texte
-Annonce du
plan
Lorsqu'il composa, en 1574, le sonnet Comme on
voit sur la branche...
, publié en 1578 dans le recueil
intitulé Sur la Mort de Marie, Ronsard chantait, sur
commande, la douleur du roi Henri III qui venait de
perdre sa maîtresse Marie de Clèves.
Mais il associa la
disparition de la grande dame à celle de Marie Dupin,
jeune paysanne de Bourgueil qu'il avait aimée sans
espoir durant trois ans et dont il venait d'apprendre,
non sans émotion, la mort précoce.
Comme on voit sur la branche...
est donc surtout
un hommage rendu à une jeune femme aimée quinze
ans plus tôt.
Pour mettre en lumière l'art avec lequel,
dans ce redoutable exercice de l'éloge funèbre,
Ronsard est parvenu à convertir l'horreur en beauté, il
sera nécessaire d'étudier comment il a exploité la
comparaison entre la jeune femme et une rose ; il faudra ensuite relever ce que lui a apporté le recours au
paganisme antique.
Il restera, enfin, à souligner
l'importance de l'harmonie dans le poème.
En ce qui concerne d'abord la comparaison, familière à Ronsard et à ses successeurs, on peut dire que
l'auteur l'utilise ici un peu à contre-emploi, puisqu'il
ne s'agit plus comme, par exemple, dans la fameuse
ode Mignonne allons voir..~ d'exprimer l'urgence de
vivre (Carpe diem), mais de trouver dans le destin
1 - Un traitement éphémère de la fleur une consolation à la mort.
Ce
original
qui est commun cependant, dans les deux exploitations de la comparaison, c'est l'exaltation de la beauté
de la femme.
Cette volonté de magnifier la grâce de Marie appa2 - Hypertrophie
du premier raît très nettement dans la répartition qui est faite
terme
dans le sonnet entre l'élément comparant et l'élément
comparé ; on constate en effet que la rose occupe la
plus grande partie du sonnet puisqu'elle est évoquée
dans les deux quatrains et qu'elle réinvestit même le
dernier tercet à partir du deuxième hémistiche du
vers 13 ("ce panier plein de fleurs"), tandis que s'opère au vers 14 une véritable fusion entre la femme et la
fleur comme l'indique le dernier hémistiche : "ton
corps ne soit que roses".
Cette fusion était d'ailleurs préparée dès la premiè- fusion entre
les termes
re strophe avec l'emploi du terme "jeunesse", plus
propre à qualifier une femme qu'une fleur ; cet effet
est encore rechargé par le chiasme qui, au vers 9,
reprend, en les inversant, deux éléments de ce vers
2 : on y voit en effet réapparaître "belle jeunesse" et
"première fleur" sous la forme "première et jeune
nouveauté".
Cette interpénétration du thème féminin
et du thème floral se retrouve enfin au vers 3 lorsque
la rose rend "le ciel jaloux de sa vive couleur"; "la
belle matineuse", en effet, femme dont l'éclat fait pâlir
le soleil, est déjà, à l'époque de Ronsard, un lieu
commun poétique.
I - L'exploita-
tion de la
comparaison
Cette prédominance de la rose a d'autres effets
encore : le premier est qu'en abordant le deuxième
quatrain où l'on s'attarde sur la description de la fleur,
on est porté à oublier qu'une comparaison a été mise
en œuvre par le "Comme" du vers 1 et l'on croit avoir
- prédominance affaire à un simple tableau.
Le second, plus impordes éléments tant, vient de ce qu'en privilégiant la mort de la rose
esthétiques
par rapport à celle de la femme, Ronsard évacue tout
élément macabre de son évocation; c'est ainsi que le
déclin de la rose, dû à des éléments naturels comme
la "pluie" et "l'ardeur" du soleil, est représenté de
façon particulièrement esthétique dans les vers 7 et 8 :
"Mais battue ou de pluie ou d'excessive ardeur/Languissante elle meurt, feuille à feuille déclose".
On note,
en revanche, que la mort de la jeune femme n'occupe
qu'un seul hémistiche du vers 11 : "La Parque t'a tuée ..."
Conclusion
On voit donc bien comment Ronsard, en exploipartielle et
tant l'image de la rose, a célébré la beauté de Marie et
transition
atténué à la fois tout ce que le drame de sa mort pouvait avoir de déchirant.
Montrons maintenant que le
recours à l'antiquité païenne lui a permis une opération du même ordre.
Ce n'est en effet pas un hasard si un chrétien convaincu comme Ronsard fait ici appel à la mythologie et
aux rites antiques.
Le premier effet produit consiste, en
faisant se pencher sur la femme-rose des divinités
païennes, à montrer le caractère universel du rayonnement de sa beauté.
C'est un véritable rassemblement
_ un rayonnement de dieux et déesses où figurent en première place "la
universel
terre et le ciel (honorant) (sa) beauté", ainsi que
"l'aube", dite "aux doigts de rose" par Homère, dont les
"pleurs", figuration de la "rosée", semblent une prémonition du drame à venir.
Mais il y a aussi la "Grâce"....
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