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Comment éconduire un créancier : Monsieur Dimanche Acte IV, scène 3 CONTEXTE Don Juan est un aristocrate qui tire ses...

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« Comment éconduire un créancier : Monsieur Dimanche Acte IV, scène 3 CONTEXTE Don Juan est un aristocrate qui tire ses ressources de son pa­ trimoine.

Mais, sur ce point, il dépend de son père.

A l'instar de nombreux nobles de son temps - et comme le roi lui-même d'ailleurs-, il n'a pas les moyens d'assurer le train de vie atta­ ché à son rang (sans compter le coût de ses débauches).

Il em­ prunte donc de l'argent à un bourgeois, Monsieur Dimanche, qui vient réclamer son dû.

Un nouveau problème s'ajoute donc à tous ceux qui se sont accumulés depuis le début de la pièce.

Mais Don Juan n'est pas homme à s'inquiéter: il ne voit là que l'oc­ casion d'un nouveau jeu.

Une fois de plus, son habileté à manier le langage et à manipuler les hommes va faire merveille. TEXTE SCÈNE3 DON JUAN, M.

DIMANCHE, SGANARELLE, SUITE DON JUAN, faisant de grandes civilités: Ah! Monsieur Dimanche, approchez.

Que je suis ravi de vous voir, et que je veux de mal à mes gens de ne vous pas faire entrer d'abord! J'avais donné ordre qu'on ne me fit parler pers sonne; mais cet ordre n'est pas pour vous, et vous êtes en droit de ne trouver jamais de porte fermée chez moi. M.

DIMANCHE: 10 Monsieur, je vous suis fort obligé. DON JUAN, parlant à ses laquais: Parbleu! coquins, je vous apprendrai à laisser M.

Dimanche dans une antichambre, et je vous ferai connaître les gens. M.

DIMANCHE: Monsieur, cela n'est rien. DON JUAN: Comment ? vous dire que je n'y suis pas, à M.

Dimanche, au meilleur de mes amis ? 15 M.

DIMANCHE : venu ... DON JUAN: Monsieur, je suis votre serviteur.J'étais Allons vite, un siège pour M.

Dimanche. M.

DIMANCHE : Monsieur, je suis bien comme cela. DON JUAN: Point, point, je veux que vous soyez assis contre moi. 20 M.

DIMANCHE: DON JUAN: Otez ce pliant, et apportez un fauteuil. M.

DIMANCHE: 25 Cel� n'est point nécessaire. Monsieur, vous vous moquez, et ..• DON JUAN: Non, non, je sais ce que je vous dois, et je ne veux point qu'on mette de différence entre nous deux. M.

DIMANCHE: DON JUAN : Monsieur ... Allons, asseyez-vous. M.

DIMANCHE: Il n'est pas besoin, Monsieur, et je n'ai qu'un mot à vous dire.

J'étais ... 30 DON JUAN : Mettez-vous là, vous dis-je. M.

DIMANCHE : pour ... DON JUAN : assis. Non, Monsieur, je suis bien.

Je viens No{!, je ne vous écoute point si vous n'êtes 35 M.

DIMANCHE: Je ... Monsieur, je fais ce que vous voulez. DON JUAN: Parbleu! Monsieur Dimanche, vous vous portez bien. M.

DIMANCHE: Oui, Monsieur, pour vous rend� servi4o ce.

Je suis venu ... DON JUAN: Vous avez un fonds de santé admirable, des lèvres fraîches, un teint vermeil, et des yeux vifs. M.

DIMANCHE: Je voudrais bien ... DON JUAN: · Comment se porte Madame Dimanche, 45 votre épouse? M.

DIMANCHE: DON JUAN: Fort bien, Monsieur, Dieu merci. C'est une brave femme. M.

DIMANCHE: venais ... Elle est votre servante, Monsieur.

Je 50 DON JUAN: Et votre petite fille Claudine, comment se porte-t-elle? M.

DIMANCHE: Le mieux du monde. DON JUAN: La jolie petite fille que c'est! Je l'aime de tout mon cœur. 55 M.

DIMANCHE: C'est trop d'honneur que vous lui faites, Monsieur.

Je vous ... DON JUAN: Et le petit Colin, fait-il toujours bien du bruit avec son tambour? M.

DIMANCHE: Toujours de même, Monsieur.

Je ... 60 DON JUAN: Et votre petit chien Brusquet? gronde­ r-il toujours aussi fort, et mord-il toujours bien aux jambes les gens qui vont chez vous? M.

DIMANCHE: Plus que jamais, Monsieur, et nous ne saurions en chevir. 65 DON JUAN: Ne vous étonnez pas si je m'informe des nouvelles de toute la famille, car j'y prends beaucoup d'intérêt. M.

DIMANCHE: Nous vous sommes, Monsieur, infini­ ment obligés.

Je ... 10 DON JUAN, lui tendant la main: Touchez donc là, Monsieur Dimanche.

Etes-vous bien de mes amis? M.

DIMANCHE : DON JUAN: Parbleu ! je suis à vous de tout mon cœur. M.

DIMANCHE: 75 DON JUAN: Monsieur, je suis votre serviteur. Vous m'honorez trop.

Je ... Il n'y a rien que je ne fisse pour vous. M.

DIMANCHE: Monsieur, vous avez trop de bonté pour moi. DON JUAN: Et cela sans intérêt, je vous prie de le croire. M.

DIMANCHE: Je n'ai point mérité cette grâce assuréso ment.

Mais, Monsieur ... DON JUAN: Oh ! çà, Monsieur Dimanche, sans façon, voulez-vous souper avec moi ? M.

DIMANCHE: Non, Monsieur, il faut que je m'en re­ tourne tout à l'heure.

Je ... 85 DON JUAN, se levant: Allons, vite un flambeau pour conduire M.

Dimanche et que quatre ou cinq de mes gens prennent des mousquetons pour l'escorter. MATÉRIAUX Civilisation ► Noblesse et bourgeoisie: au XVll9 siècle est déjà en germe la crise sociale qui débouchera sur la Révolution de 1789; au terme de laquelle la bourgeoisie enlève le pouvoir à la noblesse. La noblesse, au XVll9, est sur son déclin.

Le nihilisme moral de Don Juan est peut-être le signe de ce déclin, comme l'est, au siècle suivant, celui des personnages principaux des liaisons dangereuses.

Le problème de cette noblesse est d'ailleurs bien posé par Don Louis, père de Don Juan, dans la scène 4 de l'acte IV étudiée ci-après.

Nous nous limiterons ici à ce qui concer­ ne la scène étudiée. ►Un noble n'avait pas le droit d'exercer une activité lucrative ni commerciale.

S'il le faisait, il dérogeait Quelques-uns acceptèrent de perdre leur titre pour se lancer dans les affaires, mais le cas fut assez rare.

Les choses étaient diffé­ rentes en Angleterre, comme Voltaire l'a souligné dans les Lettres philoso­ phiques ou Lettres anglaises. Les nobles tiraient donc leurs revenus de leurs terres.

Mais, du fait des dé­ valuations successives, leurs revenus se raréfiaient.

Les bourgeois, de leur côté, travaillaient et s'enrichissaient.

Ils occupaient aussi les plus hautes fonc­ tions de l'administration car le roi, se méfiant des nobles, préférait s'en remettre à des bourgeois.

La dégradation de cette classe (�e ?) qu'était la noblesse fut d'abord économique. Le noble, sur le plan pécuniaire, a besoin du bourgeois.

Il peut lui donner sa fille en mariage.

On dit alors qu'il •fume ses terres» (comme s'il les rendait plus fertiles en y mettant du fumier) ou qu'il «redore son blason».

Il peut aussi vendre ses terres au bourgeois; mais ses ressources se raréfl8nt d'autant. Enfin, il peut lui emprunter de l'argent, comme le fait Don Juan avec Monsieur Dimanche en jouant de son prestige et de ses relations pour retarder le paie­ ment.

Voltaire, au siècle suivant, prête ainsi de l'argent aux grands seigneurs et a parfois de la peine à se le faire rendre. ►Des livres comme Louis XIV et vingt millions de Français, de Pierre Goubert, (Pluriel, Le Livre de poche) ont renouvelé notre vision de cette époque.

Cet historien montre, par exemple, qu'il fallait bien distinguer le discours et la pra­ tique.

Dans ce discours, les affaires financières, et donc la spéculation ainsi que les «trafics lointains», étaient wes de haut et attribuées à des gens «de rien».

Rappelons que l'expression «trafics lointains» englobait la traite des Nègres. En réalité, écrit Pierre Goubert, •A 80 p.

100 au moins, les financiers de Louis XIV sont des nobles...

» Mais il précise immédiatement: "·· des nobles, · mais d'assez récente noblesse, et descendant habituellement d'officiers de finances royales, habitués déjà à manier l'argent public, qu'ils faisaient fructifier pour leur propre compte.

» Il s'agit donc de bourgeois parvenus.

Les explications traditionnelles sur le déclin économique de la noblesse de sang conservent leur intérêt. Langue ►Entrer d'abord (1.

3): entrer tout de suite. ► Qu'on ne me fil parler personne (1.

4): qu'on ne laisse personne me parler. Pour quelqu'un qui ne veut pas être dérangé, la situation est cocasse puisqu'il recevra successivement Monsieur Dimanche, Don Louis, Done Elvire et la sta­ tue du Commandeur. ►Faisant de grandes cMlltés (1.

1): faisant de grandes démonstrations de politesse.

Sur le mot civilité, voir page 119. ►Je vous suis fort obligé (1.

1) : voir page 104. ►Je suis votre serviteur(!.

14): formule de politesse traâdionnelle, qu'il ne faut pas interpréter en la prenant au sens littéral.

Elle équivaut à v.A votre service». Cette formule terminait souvent une lettre.

Dans ce cas, on pourrait la traduire par «Votre dévoué» ou même, sans doute plus exactement, par «Salutations distinguées». ►Otez ce pllsnt et apportez un fauteuil (1.

21) : il n'y avait pas que la cour dont la vie de tous les jours était réglée par l'étiquette (un code très précis).

Dans ce code des usages, les sièges servaient à marquer la hiérarchie.

Dans une église, les seigneurs du village avaient leurs sièges réservés au premier rang. Saint-Simon (1675-1755), parlant de la vie à cette époque, consacre des pages aux disputes concernant un tabouret.

Don Juan, en offrant un fauteuil à Monsieur Dimanche (le summum en matière de siège), lui marque une consi­ dération beaucoup plus grande que s'il l'avait laissé sur un siège pliant ►En chevlr (1.

64): en venir à bout.

Mot déjà vieilli à l'époque.

La langue de cette pièce recourant rarement à des mots tombés en désuétude, on peut se demander ce qu'a souhaité.... »

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