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Commentaire de Cassation criminelle, 14 septembre 2004 LA COUR, Statuant sur le pourvoi formé par LA SOCIÊTÊ RJMF venant aux...

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« Commentaire de Cassation criminelle, 14 septembre 2004 LA COUR, Statuant sur le pourvoi formé par LA SOCIÊTÊ RJMF venant aux droits de la « Société technique française de nettoyage », contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 25 septembre 2003, qui, pour blessures involontaires contraventionnelles, l'a condamnée à 4 000 euros d'amende; Vu le mémoire produit; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 121-2 et 121-3, R 625-2 et R.

625-4 du Code pénal, L.

263-2-1 du Code du travail, 509, 515, 591 et 593 du Code de procédure pénale[ ...

]; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un salarié de la société Technique Française de Nettoyage, devenue RJMF, a été blessé par le fonctionnement d'un tapis roulant destiné au transport des bagages, dans un aéroport ; que, pour retenir dans les liens de la prévention du chef de la contravention de blessures involontaires la personne morale, employeur de la victime, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, énonce que la société n'avait pas dispensé de formation à la sécurité à ses salariés de sorte que ceux-ci ignoraient que le dispositif de mise hors circuit du tapis roulant, situé près d'eux, ne permettait pas d'arrêter le tapis sur lequel l'accident a eu lieu; que les juges relèvent que la formation donnée par la société à laquelle Technique Française de Nettoyage était liée par contrat ne dispensait pas l'employeur de former ses propres salariés à la sécurité; qu'ils ajoutent que la responsabilité éventuelle de la victime relève d'un contentieux civil dont ils ne sont pas saisis; Attendu qu'en prononçant ainsi, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués; Que, d'une part, contrairement à ce qui est soutenu, la responsabilité pénale de la personne morale pour la contravention de blessures involontaires est expressément prévue par l'article R.

625-5 du Code pénal; Que, d'autre part, la responsabilité de la personne morale n'est pas subordonnée à la caractérisation à la charge de ses organes ou représentants d'une faute entrant dans les prévisions de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal; Que, par ailleurs, est inopérante la circonstance que le délégataire du chef d'entreprise ait été renvoyé des fins de la poursuite ; D'où il suit que le moyen qui pour le surplus se borne à critiquer les motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction dont les juges ont déduit qu'en ne donnant pas à ses préposés une formation à la sécurité, la société Technique Française de Nettoyage avait commis une faute entrant dans les prévisions de l'article R.

625-2 du Code pénal, ne peut qu'être écarté; REJETTE le pourvoi [ ...

]. _______________ CORRIGÉ La responsabilité pénale des personnes morales et la faute pénale non inten­ tionnelle sont deux concepts dont la mise en œuvre est complexe à appréhender tant leur construction repose sur des compromis qu'il a été délicat d'obtenir. Dès lors, il n'est pas étonnant que leur articulation soit périlleuse au regard des intérêts tant théoriques que pratiques ; c'est ce que tend à démontrer l'arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 16 septembre 2004. En l'espèce, comme souvent en la matière, les faits sont aussi simples que lourds de conséquences: un ouvrier est victime d'un accident du travail dans un aéroport en raison du mouvement d'un tapis roulant dont le personnel ignorait le fonctionnement de mise hors tension. Cemployeur, la société TFN, ainsi que son délégataire de pouvoirs furent poursuivis du chef de blessures involontaires contraventionnelles prévues à l'article R.625-2 du Code pénal.

La personne morale fut retenue dans les liens de la prévention en première comme en seconde instance en raison de sa négligence en matière de formation à la sécurité ; le délégataire quant à lui fut relaxé dès la première instance au motif que ses dénégations ainsi que le doute entachant l'acte de délégation devaient lui bénéficier et justifier la clémence des juges. La personne morale se pourvoit alors en cassation et soutient au bénéfice de sa demande l'argumentation suivante. Elle considère tout d'abord que la responsabilité pénale des personnes morales étant alors soumise au principe de spécialité, l'on ne saurait lui repro­ cher une quelconque contravention.

Aussi, elle soutient qu'en l'absence de faute qualifiée imputable à un organe ou représentant, le mécanisme combiné des articles 121-2 et 121-3 interdit que l'on puisse engager sa responsabilité.

Au surplus elle affirme qu'en raison de la relaxe du délégataire, aucune responsa­ bilité ne saurait lui être imputée. Si l'on élude pour le moment l'argument, voué à l'échec, de la spécialité, le conflit auquel était confrontée la Cour de cassation revenait à résoudre la difficulté suivante : la cour d'appel pouvait-elle retenir dans les liens de la prévention la personne morale alors qu'aucune faute pénale, et encore moins qualifiée, n'a été retenue à l'égard d'un quelconque organe ou représentant de la société? Le défi à relever par la Cour est d'autant plus épineux que l'article 121-2 du Code pénal exige une infraction imputable à un organe ou un représentant et que depuis la loi du 10 juillet 2000, une causalité indirecte sans faute qualifiée permet à la personne physique, et à elle seule, d'échapper à la répression car, sans élément moral, aucune infraction n'est constituée. Pour résoudre le problème, la Cour affirme que « la responsabilité de 1.a personne morale n'est pas subordonnée à la caractérisation à la charge de ses organes ou représentants d'une faute entrant dans les prévisions de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal » et qu'est « inopérante la circonstance que le délégataire du chef d'entreprise ait été renvoyé des fins de la poursuite ». Ainsi la Cour affirme que la combinaison des articles 121-2 et 121-3 n'impose pas de retenir à la charge d'un organe ou un représentant une faute qualifiée seule une faute simple suffit ; faute simple qui selon la Cour justifie la relaxe de l'organe ou représentant personne physique en cas de causalité indirecte. Si l'affirmation semble de prime abord assez logique, elle ne manque pas de soulever quelques interrogations quant à sa pertinence au regard tout d'abord de l'auteur de la faute, de la nature de cette faute, et à son incidence sur la caractérisation d'une infraction. Il résulte de tout ceci que la responsabilité des personnes morales n'est pas soumise à la condamnation d'une personne physique organe ou représen­ tant (1) et que cette responsabilité n'est pas davantage subordonnée, en matière d'infractions non intentionnelles, à la caractérisation d'une faute qualifiée imputable à une personne physique (II). 1.

Une responsabilité indifférente à la condamnation de la personne physique À la lumière de l'article 121-2 du Code pénal, deux enseignements peuvent être retirés de l'arrêt rendu par la Cour de cassation: pour engager la respon­ sabilité pénale d'une personne morale il suffit d'une part de relever une infrac­ tion commise pour son compte (A) et d'autre part de l'imputer à un organe ou représentant (B) sans que ceci constitue nécessairement une infraction reprochable à une personne physique. A.

Une infraction commise pour le compte de la personne morale !..:article 121-2 qui a consacré pour la première fois en droit pénal français la responsabilité des personnes morales dispose en son alinéa 1er que « Les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement [.

..

] des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». Ainsi il doit tout d'abord s'agir d'une infraction.

Bien que le principe de spécialité ait disparu depuis le 31 décembre 2005, à l'époque où cet arrêt a été rendu, ce principe imposait que pour chaque infraction la responsabilité particulière des personnes morales soit prévue de manière expresse par le texte d'incrimination.

Si cet argument fut soulevé par un des moyens au pourvoi, il n'avait en l'espèce aucune chance d'aboutir dans la mesure où l'article R.

625-5 du Code pénal prévoit expressément cette responsabilité en cas de blessures involontaires contraventionnelles : « contrairement à ce qui est soutenu, la respon­ sabilité pénale de la personne morale pour la contravention de blessures involontaires est expressément prévue par l'article R.

625-5 du Code pénal ». De plus, il doit s'agir d'une infraction commise pour le.... »

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