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Commentaire de Cassation criminelle, 15 avril 2008 Statuant sur le pourvoi formé par la Société La Fruitière, civilement responsable, contre...

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« Commentaire de Cassation criminelle, 15 avril 2008 Statuant sur le pourvoi formé par la Société La Fruitière, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 4 mai 2007, qui, dans la procédure suivie contre Julien X ...

et Cyril Y...

, du chef de violences aggravées, l'a déclarée civilement responsable de ces derniers et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu le mémoire produit; [.

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.] Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1384, alinéa 5, du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; « en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la SARL La Fruitière civilement responsable ; » aux motifs qu'il est de principe constant que la responsabilité du commettant ne peut être écartée qu'en présence de trois conditions cumulatives; qu'il faut en effet que le préposé ait agi hors de ses fonctions, sans autorisation du commettant, et à des fins étrangères à ses attributions; que ces deux derniers conditions apparaissent bien établies en l'espèce, ce qui n'est contesté par aucune des parties; que le débat ne concerne donc que la première condition, l'abus de fonctions; qu'il est également de principe constant que l'acte commis par le préposé hors de ses fonctions ne peut libérer le commettant de sa responsabilité que s'il s'agit d'un acte sans lien avec les fonctions; que s'il existe un lien objectif entre l'acte et les fonctions, notamment parce que l'acte a été accompli sur le lieu ou pendant le temps du travail, le commettant ne peut s'exonérer de sa responsabilité ; qu'en l'espèce, c'est par de justes motifs que la cour fait siens que le premier juge a considéré que l'agression commise sur leur collègue par les prévenus s'étant déroulée sur leur lieu de travail commun, pendant les heures de travail et à l'aide du matériel mis à leur disposition par l'employeur pour l'exercice de leur fonction, avait été commise dans leur fonction, ce qui rendait leur commettant civilement responsable ; que le jugement sera, en conséquence, confirmé sur ce point ; et aux motifs adoptés que l'article 1384 du code civil dispose : « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ; les maîtres et les commettants du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés » ; que le commettant ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en présence de trois conditions cumulatives, lorsque le préposé a agi hors de ses fonctions, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions; que si Cyril Y...

et Julien X ...

ne peuvent prétendre avoir agi avec l'autorisation de leur employeur et si leur acte a été commis à des fins tout à fait étrangères à leurs attributions, il est indubitable que cet acte a été commis dans leurs fonctions et a été permis par l'exercice de leurs fonctions puisqu'il a été commis sur leur lieu de travail, pendant leurs heures de travail avec des objets, bouteille d'alcool à brûler et allume-gaz, mis à leur disposition par leur employeur pour l'exercice de leurs fonctions; que si les préposés dont la faute est susceptible d'entraîner la responsabilité civile de leur commettant ne sont pas recevables à l'appeler en garantie, il y a lieu de constater que la SARL la Fruitière intervient volontairement en la cause et que la victime, qui a seule qualité pour invoquer les dispositions de l'article 1384 du code civil à son profit, formule des demandes à son encontre ; qu'il y a lieu, de sorte, de déclarer la SARL la Fruitière responsable des conséquences dommageables des actes de ses préposés à l'encontre d'Ahmed Z...

; «alors que l'employeur peut s'exonérer de la responsabilité qui lui incombe en vertu de l'article 1384, alînéa 5, du code civil, si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisa­ tion et à des fins étrangères à ses attributions ; que le préposé se place nécessairement hors de ses fonctions lorsqu'il commet des violences volontaires sur un copréposé ; qu'en l'espèce, Cyril Y... et Julien X ..., salariés de la société La Fruitière, ont été définiti­ vement déclarés coupables de violences volontaires pour avoir aspergé leur copréposé, Ahmed Z ...

, avec de l'alcool à brûler et enflammé le liquide avec un allume-gaz; que ces faits volontaires se trouvaient totalement étrangers aux fonctions pour lesquelles les salariés étaient employés, de sorte qu'en retenant la responsabilité civile de la société La Fruitière, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen» ; Attendu que, pour déclarer la société La Fruitière civilement respon­ sable, l'arrêt retient que le délit a été commis au temps et au lieu du travail de ses préposés et au moyen de matériel mis par elle à leur disposition pour l'exercice de leurs attributions; Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen ne peut être admis; [.

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.] Par ces motifs, REJETTE le pourvoi. _______________ CORRIGÉ S'il était déjà fréquent en 1804 de recourir aux services d'autrui, ce phéno­ mène est devenu d'une ampleur spectaculaire par l'expansion du salariat el de l'entreprise dans nos sociétés industrielles.

En dépit de ces évolutions écono­ miques, la loi est demeurée quasiment inchangée jusqu'à aujourd'hui.

L:article 1384 alinéa 5 du Code civil énonce toujours en effet que « Les maîtres et les commettants sont (responsables) du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés».

Ce texte envisage ainsi un régime spécial de responsabilité du fait d'autrui à propos des commet­ tants, qui peuvent encourir une responsabilité civile du fait des préposés qu'ils emploient et qui sont, par conséquent, juridiquement placés sous leurs ordres. L:une des conditions majeures pour engager la responsabilité du commettant pour les dommages causés aux tiers réside dans le fait que le dommage soit causé par le préposé dans les fonctions auxquelles il est employé.

La règle est juste : un commettant, un chef d'entreprise par exemple, n'a pas à répondre du comportement de ses salariés qui ne peut se rattacher à l'exercice normal de leurs fonctions.

C'est la raison pour laquelle le commettant peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve que le préposé a abusé de ses fonctions pour commettre l'acte dommageable.

L'abus de fonction demeure pourtant difficile à admettre lorsqu'un préposé cause un dommage à la suite d'un comportement qui, sans être autorisé par le commettant, peut se rattacher cependant aux fonctions qu'il exerce, notamment parce qu'il a trouvé dans celles-ci l'occasion et les moyens de commettre le dommage. La jurisprudence s'est très longtemps partagée sur cette notion d'abus de fonction, avant d'aboutir à un cinquième arrêt d'assemblée plénière, en date du 19 mai 1988, qui a décidé que« le commettant ne s'exonère de sa respon­ sabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions».

La jurisprudence semble s' être stabilisée aujourd'hui sur l'exigence de ces trois conditions cumulatives pour retenir l'abus de fonction.

La deuxième chambre civile et la Chambre criminelle de la Cour de cassation semblent ainsi s'accorder sur l'idée que tout acte délictuel, y compris au sens pénal du terme (vol, abus de confiance par exemple), commis par un préposé à l'occasion des fonctions qu'il occupe engage la responsabilité de son commettant.

Toutefois, s'il paraît indis­ pensable que l'entreprise assume les risques créés par son activité et garantisse aux victimes une juste indemnisation, cette responsabilité du fait d'autrui ne saurait être sans limite, en particulier lorsque l'auteur direct du dommage se rend coupable d'infractions pénales particulièrement graves qui, du reste, sont en principe inassurables (crimes et délits intentionnels).

Comment, par exemple, faire accepter à des chefs d'entreprises et à leurs assureurs, qu'un viol, un assassinat ou des actes de torture commis par des préposés engagent leur.... »

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