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Commentaire de Cassation criminelle, 20 mars 1996 LACOUR, Vu le mémoire produit: Sur le moyen unique de cassation pris dans...

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« Commentaire de Cassation criminelle, 20 mars 1996 LACOUR, Vu le mémoire produit: Sur le moyen unique de cassation pris dans la violation des articles L.

1 er, R.

233-5 du Code de la route et 3 du décret du 31 décembre 1985, défaut de motifs et manque de base légale; Attendu que X ...

a été poursuivi pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique caract�risé par la présence dans l'air expiré d'un taux d'alcool de 0,42 milligramme par litre; Attendu que pour confirmer le jugement entrepris ayant disqualifié le délit poursuivi en contravention, l'arrêt attaqué énonce qu'en raison de la marge d'erreur des éthylomètres, pouvant atteindre, selon l'article 3 du décret du 31 décembre 1985, une proportion de 8 centièmes, en plus ou en moins, dans le cas d'une concentration d'alcool éthylique supérieure ou égale à 0,40 milligramme par litre et inférieure à 1 milligramme par litre, il y a lieu de retenir, non pas le taux d'alcoolémie de 0,42 milligramme par litre relevé à l'encontre du prévenu, mais un taux inférieur au seuil fixé par l'article L.

1•', 1, du Code de la route; Qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'encourt pas les griefs allégués ; Qu'en effet, aucune disposition légale n'interdisant l'interprétation des mesures du taux d'alcoolémie effectuées au moyen d'un éthy­ lomètre, les juges peuvent, pour déterminer la qualification de l'infration, tenir compte de la marge d'erreur admise par l'article 3 du décret du 31 décembre 1985 définissant les normes de contrôle de ce type d'appareil ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Mais sur le moyen de cassation relevé d'office et pris de la violation des articles 1 à 4 du décret du 29 août 1995 modifiant les articles R.

233-5, R.

256 et R.

266 du Code de la route et des articles 112-1 et 131-18 du Code pénal; Vu lesdits articles; Attendu qu'une loi nouvelle édictant des pénalités moins sévères doit être appliquée aux faits commis antérieurement; Attendu que, par l'arrêt du 18 septembre 1995, les juges du second degré, après avoir disqualifié le délit poursuivi en contravention de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, prévue et réprimée par l'article R.

233-5 du Code de la route, ont infligé au prévenu une peine de suspension de son permis de conduire d'une durée de quatre mois; Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la peine complé­ mentaire de suspension du permis de conduire ayant été suppri­ mée, pour cette infraction, à compter du 15 septembre 1995 par l'article 3 du décret du 29 août 1995, la cour d'appel, qui ne pou­ vait plus, par voie de conséquence, faire application de l'article 131-18 du Code pénal, n'a pas donné de base légale à sa décision; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef; Que toutefois, n'étant plus, en vertu de l'article 2, 1, du décret précité, visée à l'article R.

256, 2° , du Code de la route, la con­ travention de conduite sous l'empire d'un état alcoolique échappe, à compter du 15 septembre 1995, aux prévisions de l'article 25, 10 °, de la loi du 3 août 1995, pour entrer dans celles de l'article 1er de cette loi; Qu'ayant été commise avant le 18 mai 1995, la contravention pour­ suivie se trouve, dès lors, amnistiée; Par ces motifs : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, en date du 18 septembre 1995; DÉCLARE l'action publique ÉTEINTE; DIT n'y avoir lieu à renvoi. Textes joints Code de la route ART.

L.

1 e•.1.

Toute personne qui aura conduit un véhicule ou accompagné un élève conducteur dans les conditions prévues au présent Code, alors qu'elle se trouvait, même en l'absence de tout signe d'ivresse manifeste, sous l'empire d'un état alcoolique carac­ térisé par la présence dans le sang d'un taux d'alcool pur égal ou supérieur à 0,80 gramme pour mille ou par la présence dans l'air expiré d'un taux d'alcool pur égal ou supérieur à 0,40 milligramme par litre sera punie d'un emprisonnement de deux ans et d'une' amende de 30 000 Fou de l'une de ces deux peines seulement. R.

233-5 La conduite de tout véhicule, même en l'absence de tout signe d'ivresse manifeste, sous l'empire d'un état alcoolique carac­ térisé par la présence dans le sang d'une concentration d'alcool pur égale ou supérieure à 0,50 gramme pour 1 000 sans atteindre le seuil fixé à l'article L.

1 e, du présent Code ou par la présence dans l'air expiré d'une concentration d'alcool pur égale ou supérieure à 0,25 milligramme par litre sans atteindre le seuil fixé à l'article L.

1 er du même Code est punie des peines prévues pour les contra­ ventions de la 4• classe. R.

256 Les infractions aux articles énumérés ci-après, lorsqu'elles présentent les caractères indiqués dans l'analyse sommaire qui accompagne la .désignation de chaque article, donne lieu à la réduction de plein droit du nombre de points du permis de conduire dans les conditions suivantes [ ...

]. R.

266 Peuvent donner lieu à la suspension du permis de conduire les contraventions aux articles énumérés ci-après lorsqu'elles représentent les caractères indiqués dans l'analyse sommaire qui , accompagne la désignation de chaque article [...]. LOI n ° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie (extraits) Art.

1•'.

- Sont amnistiées les contraventions de police lorsqu'elles ont été commises avant le 18 mai 1995. Art.

17.

- L'amnistie efface les condamnations prononcées.

Elle entraîne, sans qu'elle puisse donner lieu à restitution, la remise des peines et des mesures de police et de sûreté autres que celles prévues par l'article 18.

Elle rétablit l'auteur ou le complice de l'infraction dans le bénéfice du sursis qui a pu être accordé lors d'une condamnation antérieure. [ ...

] L'amnistie est sans effet sur la réduction de points affectant ou devant affecter le permis de conduire, dès lors que l'amende a été payée, que le titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée a été émis ou que la condamnation est devenue définitive avant le 18 mai 1995. Art.

25.

- Sont exclus du bénéfice de la présente loi : 1 ° Les infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 du Code de procédure pénale, même lorsque les faits sont antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n ° 86-1020 du 9 sep­ tembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme : [.

.

.] 10° Les contraventions concernant la conduite des véhicules visées au 2 ° de l'article R.

256 du Code de la route dans sa rédaction en vigueur le 18 mai 1995. CORRIGÉ La politique criminelle en matière de circulation routière fait régulièrement l'objet de discussions, certains, se prétendant défen­ seurs des automobilistes, critiquant l'intervention du droit pénal au regard de la faiblesse du caractère délictueux des comportements incriminés, alors que d'autres, spécialistes de la sécurité routière, mettent l'accent sur la nécessité d'une réponse répressive aux pro­ blèmes posés par la gravité et la fréquence des accidents de la route. L'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 20 mars 1996 constitue à cet égard une illustration significative de la situation particulière des infractions routières. Il s'agissait en l'espèce d'un automobiliste qui était poursuivi pour le délit de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, caractérisé par l'article L.

1 er du Code de la route par un taux d'alcoolémie de 0,40 milligramme par litres, et, dans les faits, par un taux de 0,42 milligramme par litres.

Compte tenu de la marge d'erreur des éthylo­ mètres, le tribunal correctionnel a disqualifié le délit poursuivi en contravention en application du décret du 3 décembre 1985 qui pré­ voit une marge d'erreur de 8 centièmes. Les faits, au demeurant fort simples, prennent un relief con­ séquent au regard de l'augmentation du parc automobile français et de la gravité des accidents de la route liés à la conduite en état d'ivresse.

Surtout, la situation juridique de la conduite en état d'ivresse met en relief les débats qui gouvernent le recours à l'ins­ trument répressif dans la lutte contre l'insécurité routière.

En effet, si le droit pénal consiste traditionnellement en une répression des com­ portements antisociaux les plus graves, il s'agit dans le cadre de la sécurité routière plutôt d'un moyen de prévention, destiné à éviter des comportements certes dangereux sur un plan matériel mais affi­ chant un degré d'atteintes aux valeurs socio-morales moindre.

Enfin, et plus spécifiquement, il apparaît sinon des contradictions, du moins une nette ambiguïté si l'on considère la lutte contre la conduite en état d'ivresse.

Partagé entre un souci de pardon et d'oubli et les néces­ sités d'éviter les effets pervers des lois d'amnistie trop larges, le légis­ lateur a entendu exclure, dans la récente loi d'amnistie du 3 août 1995, certaines infractions jugées trop graves, dont la conduite sous l'empire d'un état alcoolique.

Or, moins d'un mois après, le gouverne­ ment semble être revenu dans un décret du 29 août 1995 sur la prio­ rité jusqu'alors affichée en déplaçant au sein du Code de la route cette incrimination, lui conférant ainsi un régime juridique moins sévère. La cour d'appel de Rennes, dans un arrêt du 18 septembre 1995, tout en confirmant la disqualification du délit en contravention, a infligé au prévenu une peine complémentaire de quatre mois de sus­ pension du permis de conduire en application de l'article 131-18 du Code pénal.

Le pourvoi en cassation, formé par le procureur général près la cour d'appel de Rennes, posait la question de la légalité de l'interprétation des mesures d'alcoolémie qui avait permis aux juges du fond la disqualification.

Surtout, la Cour de cassation avait sou­ levé d'office deux moyens de cassation, à la portée générale plus grande.

Le premier concernait l'application du décret du 29 août 1995, entré en vigueur le 15 septembre 1995, soit après la réalisation des faits, qui supprimait pour cette incrimination la peine de suspen­ sion de permis de conduire.

Le second, dépendant du premier, avait trait à l'application de la loi d'amnistie du 3 août 1995, dans la mesure où cette loi, visant parmi ses exclusions le 2 ° de l'article R.

256 du Code de la route, devait bénéficier au prévenu dès lors que l'incrimination avait été déplacée par le décret du 29 août 1995 du 2 ° au 3 ° de l'article R.

256 du Code de la route. La question posée à la Cour de cassation concernait alors essen­ tiellement l'application dans le temps du décret du 29 août 1995 supprimant une pénalité à des faits commis antérieurement et l'effet, par voie de conséquence, de la loi d'amnistie du 3 août 1995. Après avoir rejeté le pourvoi sur l'appréciation du taux d'alcoolé­ mie en affirmant qu'aucune disposition légale n'interdisant l'interpré­ tation des mesures effectuées au moyen d'un éthylomètre, les juges pouvaient pour déterminer la qualification de l'infraction tenir compte de la marge d'erreur admise par l'article 3 du décret du 31 décembre 1985, la chambre criminelle a répondu successivement aux deux argumentations relevées d'office.

La Cour de cassation, dans une décision du 29 mars 1996, a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Rennes aux motifs qu'une loi nouvelle édictant des pénalités moins sévères devait être appliquée aux faits commis antérieurement.

Dès lors, considérant que le décret du 29 août 1995 était applicable, la Cour de cassation a déclaré l'infraction amnistiée grâce au déplace­ ment effectué par le décret au sein de l'article R.

256 du Code de la route, et a donc constaté l'extinction de l'action publique. Si les solutions juridiques apportées par les juges de la Cour de cassation s'inscrivent de manière classique dans la lignée du droit positif antérieur, ses circonstances confèrent à la décision du 20 mars 1996 un reflet intéressant tant en ce qui concerne l'application dans le temps du décret du 29 août 1995 (I) qu'en ce qui a trait au jeu de la loi d'amnistie du 3 août 1995 (II). 1. L'application dans le temps du décret du 29 août 1995 De manière générale, la question de l'application des lois pénales dans le temps est dominée par le principe de la non-rétroactivité, corollaire de la légalité pénale définie par l'article 112-7 du Code pénal.

Cette règle, qui énonce successivement la non-rétroactivité des textes d'incrimination et des peines, repose sur l'idée que « la loi doit avertir avant de frapper ».

Pourtant, également dans le souci de pro­ téger la liberté individuelle, ce principe est largement tempéré par une règle complémentaire selon laquelle les lois relatives aux incrimi­ nations ou aux pénalités, lorsqu'elles sont plus douces, s'appliquent aux faits commis avant leur entrée en vigueur.

Cette règle appelée rétroactivité in mitius, consacrée par le Conseil constitutionnel par les décisions du 19 et 20 janvier 1981, est désormais prévue expressé­ ment par le Code pénal de 1992 en son article 112-1 alinéa 3.

Ce fai­ sant, la décision du 20 mars 1996 d'une part rappelle les conditions de la rétroactivité in mitius, d'autre part précise la mise en œuvre de ce principe. A.

Le rappel des conditions de la rétroactivité in mitius Le principe de la rétroactivité in mitius signifie qu'une loi pénale de fond plus douce s'applique immédiatement à des faits commis antérieurement.

L'arrêt du 20 mars 1996 fournit une illustration inté­ ressante.

En effet, la question soulevée devant les juges de la Cour de cassation porte sur l'application dans le temps d'un décret, et non d'une loi au sens constitutionnel du terme.

Si on a longtemps enten­ du par « loi» la disposition votée par le Parlement, il est depuis une soixantaine d'années admis que le terme de loi ne devait pas être pris dans un sens constitutionnel étroit.

La circulaire du 14 décembre 1993 précise ainsi que l'expression « loi pénale» désigne en réalité « la règle de droit pénal», qu'il s'agisse d'une loi au sens strict ou d'un règlement.

Le pouvoir normatif est d'ailleurs divisé entre le Parlement et le gouvernement, compétent pour définir les contraven­ tions.

Dès lors, la rétroactivité in mitius trouve application non seule­ ment en cas de lois, mais aussi de décrets, d'ordonnances et d'arrêtés. Les difficultés d'application soulevées par l'entrée en vigueur du Code pénal en 1994 et le nombre des illustrations fournies par la jurispru­ dence à ce propos ne doivent pas faire oublier que la rétroactivité in mitius concerne également le cas des décrets.

Une telle application à un décret n'est pas sans rappeler l'épineuse controverse qui concerne la matière économique et fiscale.

En effet, il est de jurisprudence constante depuis l'arrêt Von Saldem du 10 novembre 1970 de la chambre criminelle que « les textes réglementaires en matière écono­ mique ne rétroagissent pas, à moins de dispositions contraires for­ mellement exprimées», dès lors que les faits étaient l'objet d'une poursuite en cours.

Il ne s'agissait pas, dans l'arrêt du.... »

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