Commentaire du poème de Paul Verlaine : « Sonnet Boiteux » Introduction : Le « Sonnet boiteux » est publié...
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Commentaire du poème de Paul Verlaine : « Sonnet Boiteux »
Introduction :
Le « Sonnet boiteux » est publié par Paul Verlaine dans le recueil Jadis et Naguère
qui date de 1881.
Mais le sonnet date vraisemblablement de l'époque de solitude de
Verlaine à Londres, après que Rimbaud ait rejoint la France (fin 1872-début 1873) à
l'automne.
Le titre du poème, le « Sonnet Boiteux » donne un indice sur la forme te le
contenu du poème.
Il s’agit bien d’un sonnet, mais il est boiteux puisque Verlaine entrave
certaine des règles de cette forme fixe.
Boiter indique un défaut d’harmonie et d’équilibre
qui se retrouve thématiquement et formellement dans ce poème cultivant la dissonance.
Projet de lecture : En quoi ce sonnet est-il « boiteux » ?
I)
La rupture de l’harmonie poétique
1)
Le détournement du sonnet
Verlaine utilise dans ce poème la forme fixe du sonnet, forme traditionnellement utilisée
pour traduire l’harmonie poétique.
Le sonnet est un poème de quatorze vers composé de
deux quatrains et de deux tercets et soumis à des règles fixes pour la disposition des
rimes.
La structure des quatre rimes la plus habituelle chez les français est la rime
marotique au XVIème ABBA ABBA CCD EED puis a lieu un changement dans l'ordre du
dernier tercet avec les rimes françaises des XVIè-XIXème ABBA ABBA CCD EDE.
Verlaine
détourne cette forme du sonnet en la rendant boiteuse.
Composé de deux quatrains et de
deux tercets, comme le sonnet traditionnel, ce poème s'en écarte dans la structure des
rimes des quatrains qui généralement sont des rimes embrassées, et qui ici sont des
rimes croisées (mal/infortuné/animal/fané).
Le vers traditionnel du sonnet est
l’alexandrin ; or, ici Verlaine choisit de préférence le vers impair, plus musical selon lui,
et allonge le vers à 13 syllabes en laissant tout de même subsister une trace de la
tradition à travers la présence de quelques alexandrins (v.
5-8 et 14).
2)
La dissonance de la plainte poétique
La rupture de l’harmonie poétique est aussi véhiculée par la forme dissonante que
prend la plainte poétique de Verlaine dans ce « sonnet boiteux ».
On sait, par la
correspondance de Verlaine, qu’au moment où il écrit ces vers (décembre 1872) Verlaine
est malade : il véhicule son supplice dans ce poème à travers des sonorités plaintives
dissonantes qui jalonnent le texte.
à Etudier la répétition en forme d'écho plaintif du son
« a » qui se répète dans le premier quatrain.
« Ça finit trop mal », « pas permis d'être à
ce point », « la mort du naïf animal », « son regard fané ».
+ étudier les assonances en
–an dans le dernier tercet traduisant le râle du poète souffrant :
Non vraiment c'est trop un martyre sans espérance,
Non vraiment cela finit trop mal, vraiment c'est triste
3)
La poésie de la laideur
La rupture de l’harmonie poétique réside aussi dans le culte de la laideur réalisé dans
ce poème.
Verlaine, dans le sillage de Baudelaire prône ici une poésie de la modernité,
une poésie de la ville dans ce qu’elle a de plus laid.
La description de Londres dans les
deux strophes centrales la présente comme une ville sale où règne le vice.
Londres est la
ville de la dissonance : elle est la ville du cri : « crie..piaule..miaule..glapit » (noter ici la
gradation vers l’animalité).
Londres est la ville de la « fadeur » ( nous empruntons ce
terme à Jean-Pierre Richard dans le chapitre consacré à Verlaine de son ouvrage Poésie
et Profondeur), de la demi-teinte, du flou, caractéristiques de la poésie
verlainienne : « fume…le gaz flambe…brouillard rose et jaune »
II)
Le détournement des références bibliques
1)
Le châtiment de Londres
Londres et en particulier son quartier de plaisirs et de débauche, « Soho »
(Quartier du vieux Londres entre le British Muséum et Piccadilly ; très animé la nuit, c'est
un quartier frivole) subit dans ce poème le châtiment réservé jadis par Dieu aux villes
bibliques pécheresses de l'ancienne Palestine, Sodome et Gomorrhe, célèbres pour les
mœurs dissolues de leurs habitants et qui furent détruites, purifiées par le feu :
« Londres fume et crie.
Ô quelle ville de la Bible ! » à étudier les images de feu présentes
dans le poème et figurant ce châtiment : « fume…flambe…vermeilles…le feu du ciel » ; on
note aussi la présence d’images de destruction : « ratatinement…épouvante ».
La ville de
Londres semble devoir expier ses fautes, ce que suggère le premier vers du premier
tercet : « Tout l'affreux passé saute, piaule, miaule et glapit » ; l’expiation des pêchés,
figurée à travers un vocabulaire animal aux sonorités violentes apparaît comme à la
limite du blasphème.....
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