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Commentez l'arrêt (ci-après) rendu par une Chambre mixte de la Cour de cassation le 6 septembre 2002 Attendu, selon l'arrêt...

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« Commentez l'arrêt (ci-après) rendu par une Chambre mixte de la Cour de cassation le 6 septembre 2002 Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Bossa a reçu de la société de vente par correspondance Maison française de dis­ tribution (la société) deux documents le désignant, de façon nominative et répéti­ tive, en gros caractères, comme ayant gagné 105 750 francs, avec annonce d'un paiement immédiat, pourvu que fût ren­ voyé dans les délais un bon de validation joint ; que cette pièce fût aussitôt signée et expédiée ; que la société n'ayant jamais fait parvenir ni lot ni réponse, M.

Bossa l'a assignée en délivrance du gain et, subsidiairement, en paiement de l'intégralité de la somme susmentionnée pour publicité trompeuse, née de l a confusion entretenue entre gain irrévo­ cable et prétirage au sort ; que l'Union fédérale des consommateurs Que Choisir (UFC) a demandé le paiement d'une somme de 100 000 francs de dommages­ intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif des consommateurs ; que 1'arrêt leur a respectivement accordé les sommes de 5 000 francs et un franc; Sur le premier moyen : (...) M ais s ur le moyen de pur d r oit, relevé d'office après avertissement donné aux parties : Vu l'article 1371 du Code civil; Attendu que les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers; 1 Attendu que pour condamner la société à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts à M.

Bossa, l'arrêt retient qu'en annonçant de façon affirma­ tive une simple éventualité, la société avait commis une faute délictuelle consti­ tuée par la création de l'illusion d'un gain important et que le préjudice ne saurait correspondre au prix que M.

Bossa avait cru gagner; Qu'en statuant ainsi, alors que l'orga­ nisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le déli­ vrer, la cour d'appel a violé le texte sus­ visé; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen : CASSE ET ANNULE, mais seule­ ment en ce qu'il a condamné la société MFD à verser à M.

Bossa la somme de 5 000 francs, l'arrêt rendu le 23 octobre I 998, entre les parties, par la Cour de Paris; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles. Corrigé La question des loteries publicitaires a donné lieu à de nombreuses déci­ sions de la Cour de cassation et à un vif débat doctrinal.

Une Chambre mixte de la Cour de cassation a rendu sur cette question un arrêt d'une grande importance le 6 septembre 2002. En l'espèce, les faits étaient les suivants : M.

Bossa avait reçu de la société de vente par correspondance « Maison française de distribution » deux documents le désignant de façon nominative et répétitive en gros caractères comme ayant gagné 105 750 F.

Ces documents lui annonçaient un paiement immédiat pourvu que le bon de validation joint fût renvoyé dans les délais. M.

Bossa signa et expédia la lettre aussitôt.

La société ne fit parvenir ni lot, ni réponse. M.

Bossa assigna donc cette société en délivrance du gain et, subsidiaire­ ment, en paiement de l'intégralité de la somme susmentionnée pour publicité trompeuse née de la confusion entretenue entre gain irrévocable et préti­ rage au sort.

L'Union fédérale des consommateurs « Que choisir » demanda, quant à elle, le paiement d'une somme de 100 000 F de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif des consommateurs. La Cour d'appel de Paris a relevé de la part de la société l'existence d'une faute délictuelle, constituée par la création de l'illusion d'un gain important. Elle a donc, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, condamné la société à payer 5 000 F à M.

Bossa.

La Cour d'appel a aussi condamné la société à verser un franc à l'Union fédérale des consommateurs. M.

Bossa forme alors un pourvoi en cassation.

L'affaire est renvoyée devant une Chambre mixte. La Cour de cassation devait donc déterminer sur quel fondement une personne peut agir contre l'organisateur de loterie qui lui annonce, de manière certaine, un gain. La Cour de cassation, au lieu de se prononcer sur le moyen de M.

Bossa, relève d'office un moyen de pur droit après en avoir averti les parties.

Elle casse l'arrêt de la Cour d'appel au visa de l'article 1371 du Code civil, mais seulement en ce qu'il a condamné la société MFD à verser à M.

Bossa la somme de 5 000 F.

Elle considère que l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'exis­ tence d'un aléa s'oblige par ce fait purement volontaire à le délivrer car un quasi-contrat a été formé. L'arrêt de la Chambre mixte marque sans doute une étape importante dans la lutte contre les pratiques abusives de certaines sociétés, lutte que le droit pénal ne parvient pas à gagner (v.

sur l'aspect pénal du contentieux les articles L.

121-1 et s., L.

121-36 et s.

du Code de la consommation).

En effet, face à l'insuffisance des règles pénales en la matière, c'est vers le droit civil que les espoirs se sont tournés.

La Cour de cassation, après avoir rendu de nombreuses décisions dans ce domaine, trouve, dans cet arrêt et spontané­ ment, ce qui mérite d'être souligné puisqu'il s'agit d'un moyen relevé d'office, un nouveau fondement à l'action contre les organisateurs de loteries publici- taires, nouveau fondement qu'il conviendra d'étudier ( 1).

La Haute juridiction précise aussi, dans sa décision, les caractéristiques de l'action exercée sur ce nouveau fondement (Il). I.

UN NOUVEAU FONDEMENT À L'ACTION CONTRE LES ORGANISATEURS DE LOTERIES PUBLICITAIRES S'il existe un nouveau fondement, c'est bien qu'auparavant les juridictions ne s'étaient pas référées à l'article 137 1, mais à d'autres dispositions ou notions (A).

Dans cet arrêt, c'est en découvrant l'existence d'un quasi­ contrat que la Cour de cassation casse la décision de la Cour d'appel (8). A.

Les fondements non retenus par la Cour de cassation 1.

La responsabilité délictuelle, fondement retenu par la Cour d'appel de Paris La Cour d'appel avait condamné la société MFD en faisant appel aux règles de la responsabilité délictuelle, et plus précisément à l'article 1382 du Code civil.

La Société aurait commis une faute en annonçant de façon affir­ mative une simple éventualité et en créant ainsi l'illusion d'un gain important. Elle aurait ainsi causé à M.

Bossa un préjudice évalué à 5 000 francs par la Cour d'appel et, dont on ne sait pas d'après l'arrêt s'il s'agissait d'un préju­ dice moral ou matériel. Le raisonnement de la Cour d'appel avait été celui suivi par de nom­ breuses autres juridictions et souvent approuvé implicitement par la Cour de cassation dans des arrêts de rejet (Civ., 2 e, 3 mars 1988, Bull.

n° 57 ; ° ° 7 juin 1990, Bull.

n 130 ; 28 juin 1995, Bull.

n 225 ; D.

1996, p.

180 ; 1 1 février 1998, Bull.

n° 55; D.

1999, somm.

comm., p.

109, obs.

Libchaber; ° ° 20 octobre 2000, Bull.

n 148; 1re, 28 mars 1995, Bull.

n 150; 19 octobre ° 1999, Bull.

n 289 ;)CP 2000.11.

10347, note Mehrez).

Le choix de la respon­ sabilité délictuelle semble assez naturel face au comportement le plus sou­ vent fautif des sociétés.

Le fondement délictuel de la responsabilité a l'avan­ tage de mettre en avant ce caractère fautif, de permettre des solutions adap­ tées aux circonstances par la modulation des dommages-intérêts et d'engager la responsabilité, même quand les termes de l'acte ne sont pas très clairs. Toutefois, il ne permet pas toujours de lutter efficacement contre les pra­ tiques de ces sociétés, et ce pour deux raisons. D'une part, la preuve d'une faute n'est pas toujours facile à apporter. D'autre part, la preuve de l'existence d'un préjudice est encore plus délicate à faire.

En effet, quel préjudice peut invoquer une personne qui a reçu l'annonce d'un gain d'une forte somme d'argent ? Le préjudice peut être moral (attente légitime déçue, choc émotionnel), mais la somme allouée est alors souvent faible.

Le préjudice peut aussi être matériel si la personne a engagé des dépenses en se croyant titulaire du gain. D'une manière générale, les condamnations semblent insuffisantes, notam­ ment parce que les juridictions se refusent à ordonner des dommages-inté­ rêts punitifs, c'est-à-dire des dommages-intérêts supérieurs au préjudice et qui seuls répondraient réellement à la fonction punitive de la responsabilité délictuelle dans ce cas précis. D'autres fondements à l'action contre les organisateurs de loterie étaient aussi envisageables. 2.

Les autres fondements envisageables Quelques juridictions ont voulu se référer à la notion d'engagement unila­ téral pour condamner les organisateurs de loterie publicitaire à payer les lots qu'ils avaient promis.

Cette notion n'existe pas en droit français ; du moins l'acte unilatéral n'est pas considéré dans le Code civil comme pouvant générer des obligations.

Mais de nombreux auteurs ont milité pour la consé­ cration d'une telle notion et celle-ci semble avoir été consacrée dans quelques arrêts de Cours d'appel et peut-être, mais l'interprétation de la décision a été controversée, dans un arrêt de la Cour de cassation (Civ.

I re, 28 mars 1995, Bull.

n° 150).

À l'encontre de la mise en œuvre de cette théo­ rie, on a avancé qu'en droit français, l'engagement unilatéral n'existait pas et que, quand bien même il existerait, il était souvent difficile de voir dans les bulletins envoyés aux particuliers par les sociétés de loterie un engagement ferme. L'autre fondement utilisé par les juges, et qui n'a été retenu ici ni par la Cour d'appel, ni par la Cour de cassation, est celui de la constatation de l'existence d'un contrat.

En effet, de nombreuses juridictions n'ont pas hésité à voir dans les documents envoyés une offre de la société avec comme conséquence que cette dernière était tenue de verser l'intégralité de la somme promise (Civ.

1re, 26 novembre 1991, Bull.

n° 332 2 e, 11 février 1998, ° Bull.

n 55).

Cette solution très favorable au particulier avait comme inconvé­ nient de tordre singulièrement le principe d'autonomie de la volonté, car les sociétés n'avaient généralement.... »

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