Condorcet, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain. Si l'homme peut prédire, avec une assurance presque entière les...
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Condorcet, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain.
Si l'homme peut prédire, avec une assurance presque entière les phénomènes dont
il connaît les lois; si, lors même qu'elles lui sont inconnues, il peut, d'après l'expérience du
passé, prévoir, avec une grande probabilité, les événements de l'avenir; pourquoi
regarderait-on comme une entreprise chimérique, celle de tracer, avec quelque
vraisemblance, le tableau des destinées futures de l'espèce humaine, d'après les résultats
de son histoire ? Le seul fondement de croyance dans les sciences naturelles, est cette idée
que les lois générales, connues ou ignorées, qui règlent les phénomènes de l'univers, sont
nécessaires et constantes; et par quelle raison ce principe serait-il moins vrai pour le
développement des facultés intellectuelles et morales de l'homme, que pour les autres
opérations de la nature ? Enfin, puisque des opinions formées d'après l'expérience du
passé, sur des objets du même ordre, sont la seule règle de la conduite des hommes les
plus sages, pourquoi interdirait-on au philosophe d'appuyer ses conjectures sur cette
même base, pourvu qu'il ne leur attribue pas une certitude supérieure à celle qui peut
naître du nombre, de la constance, de l'exactitude des observations ?
Nos espérances sur l'état à venir de l'espèce humaine peuvent se réduire à ces trois
points importants : la destruction de l'inégalité entre les nations; les progrès de l'égalité
dans un même peuple; enfin, le perfectionnement réel de l'homme.
Toutes les nations
doivent-elles se rapprocher un jour de l'état de civilisation où sont parvenus les peuples
les plus éclairés, les plus libres, les plus affranchis de préjugés, tels que les français et les
anglo-américains ? Cette distance immense qui sépare ces peuples de la servitude des
nations soumises à des rois, de la barbarie des peuplades africaines, de l'ignorance des
sauvages, doit-elle peu à peu s'évanouir ?
Y a-t-il sur le globe des contrées dont la nature ait condamné les habitants à ne
jamais jouir de la liberté, à ne jamais exercer leur raison ?
Cette différence de lumières, de moyens ou de richesses, observée jusqu'à présent
chez tous les peuples civilisés entre les différentes classes qui composent chacun d'eux;
cette inégalité, que les premiers progrès de la société ont augmentée, et pour ainsi dire
produite, tient-elle à la civilisation même, ou aux imperfections actuelles de l'art social ?
Doit-elle continuellement s'affaiblir pour faire place à cette égalité de fait, dernier but de
l'art social, qui, diminuant même les effets de la différence naturelle des facultés, ne laisse
plus subsister qu'une inégalité utile à l'intérêt de tous, parce qu'elle favorisera les progrès
de la civilisation, de l'instruction et de l'industrie, sans entraîner, ni dépendance, ni
humiliation, ni appauvrissement; en un mot, les hommes approcheront-ils de cet état où
tous auront les lumières nécessaires pour se conduire d'après leur propre raison dans les
affaires communes de la vie, et la maintenir exempte de préjugés, pour bien connaître
leurs droits et les exercer d'après leur opinion et leur conscience; où tous pourront, par le
développement de leurs facultés, obtenir des moyens sûrs de pourvoir à leurs besoins; où
enfin, la stupidité et la misère ne seront plus que des accidents, et non l'état habituel d'une
portion de la société ?
Enfin, l'espèce humaine doit-elle s'améliorer, soit par de nouvelles découvertes dans
les sciences et dans les arts, et, par une conséquence nécessaire, dans les moyens de
bien-être particulier et de prospérité commune; soit par des progrès dans les principes de
conduite et dans la morale pratique; soit enfin par le perfectionnement réel des facultés
intellectuelles, morales et physiques, qui peut être également la suite, ou de celui des
instruments qui augmentent l'intensité et dirigent l'emploi de ces facultés, ou même de
celui de l'organisation naturelle de l'homme ?
En répondant à ces trois questions, nous trouverons, dans l'expérience du passé,
dans l'observation des progrès que les sciences, que la civilisation ont faits jusqu'ici, dans
l'analyse de la marche de l'esprit humain et du développement de ses facultés, les motifs
les plus forts de croire que la nature n'a mis aucun terme à nos espérances.
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Condorcet : homme des Lumières.
Philosophe et mathématicien, Jean-Antoine-Nicolas de
Caritat, marquis de Condorcet, fut l'homme des grands combats du siècle : esclavage,
droits des femmes, réformes nécessaires à la société française...
Décrété d'accusation en
1793, il travailla dans la clandestinité à cette Esquisse et, finalement arrêté, mourut dans
sa prison.
Dans son Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain (publiée à titre
posthume en 1795), Condorcet dresse une sorte de synthèse des idées des Lumières sur
l’histoire de l’humanité, considérée du point de vue de ces progrès.
NB : « Esquisse » > terme un peu réducteur, compte tenu de l’ambition de ce projet…
Fidèle à la pensée des Encyclopédistes, Condorcet présume que les progrès de la science
et de la raison mèneront au bonheur des sociétés et des individus.
Il croit en une
amélioration constante des facultés intellectuelles et de la condition physique de l'homme
pour les siècles à venir.
Comment Condorcet voit-il le progrès de l’esprit humain ?
I- Un texte argumentatif
« Esquisse » => selon le TLFI : « Étude fournissant un aperçu général sur un sujet,
une matière ».
Il s’agit donc d’un essai, d’une réflexion.
Texte argumentatif.
A- Organisation du texte
• Texte composé de plusieurs paragraphes.
• Montrez que l’auteur change d’idée à chaque paragraphe.
• Notez aussi les connecteurs logiques qui permettent de mettre en relief son
argumentation.
Ex : « Si » ;....
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