Corneille Horace Acte II, scène 3 Comment deux amis peuvent-ils accepter de se battre en combat singulier, fût-ce pour défendre...
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Corneille
Horace
Acte II, scène 3
Comment deux amis peuvent-ils accepter de se battre en combat
singulier, fût-ce pour défendre et faire triompher chacun leur patrie.
CURIACE
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Que désormais le ciel, les enfers et la terre
Unissent leurs fureurs à nous faire la guerre;
Que les hommes, les Dieux, les démons et le sort
Préparent contre nous un général effort!
Je mets à faire pis, en l'état où nous sommes,
Le sort, et les démons, et les Dieux, et les hommes.
Ce qu'ils ont de cruel, et d'horrible et d'affreux,
L'est bien moins que l'honneur qu'on nous fait à tous deux.
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Le sort qui de l'honneur nous ouvre la barrière
Offre à notre constance une illustre matière;
Il épuise sa force à former un malheur
Pour mieux se mesurer avec notre valeur;
Et comme il voit en nous des âmes peu communes,
Hors de l'ordre commun il nous fait des fortunes.
Combattre un ennemi pour le salut de tous,
Et contre un inconnu s'exposer seul aux coups,
D'une simple vertu c'est l'effet ordinaire:
Mille déjà l'ont fait, mille pourraient le faire;
Mourir pour le pays est un si digne sort,
Qu'on briguerait en foule une si belle mort;
Mais vouloir au public immoler ce qu'on aime,
S'attacher au combat contre un autre soi-même,
Attaquer un parti qui prend pour défenseur
Le frère d'une femme et l'amant d'une sœur,
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Et, rompant tous ces nœuds, s'armer pour la patrie
Contre un sang qu'on voudrait racheter de sa vie,
Une telle vertu n'appartenait qu'à nous.
L'éclat de son grand nom lui fait peu de jaloux,
Et peu d'hommes au cœur l'ont assez imprimée
Pour oser aspirer à tant de renommée.
CURIACE
Il est vrai que nos noms ne sauraient plus périr.
L'occasion est belle, il nous la faut chérir.
Nous serons les miroirs d'une vertu bien rare;
Mais votre fermeté tient un peu du barbare:
Peu, même des grands cœurs, tireraient vanité
D'aller par ce chemin à l'immortalité.
A quelque prix qu'on mette une telle fumée
L'obscurité vaut mieux que tant de renommée.[...
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Ce triste et fier honneur m'émeut sans m'ébranler:
]'aime ce qu'il me donne, et je plains ce qu'il m'ôte;
Et si Rome demande une vertu plus haute,
Je rends grâces aux Dieux de n'être pas Romain,
Pour conserver encor quelque chose d'humain.
HORACE
Si vous n'êtes Romain, soyez digne de l'être;
Et si vous m'égalez, faites le mieux paraître.
La solide vertu dont je fais vanité
N'admet point de faiblesse avec sa fermeté;
Et c'est mal de l'honneur entrer dans la carrière
Que dès le premier pas regarder en arrière.
Notre malheur est grand; il est au plus haut point;
Je l'envisage entier, mais je n'en frémis point:
Contre qui que ce soit que mon pays m'emploie,
J'accepte aveuglément cette gloire avec joie;
Celle de recevoir de tels commandements
Doit étouffer en nous tous autres sentiments.
Qui, près de le servir, considère autre chose,
A faire ce qu'il doit lâchement se dispose;
Ce droit saint et sacré rompt tout autre lien.
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Rome a choisi mon bras, je n'examine rien:
Avec une allégresse aussi pleine et sincère
Que j'épousai la sœur, je combattrai le frère;
Et, pour trancher enfin ces discours superflus,
Albe vous a nommé, je ne vous connais plus.
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Commentaire
• UNE TRAGÉDIE ROMAINE
L'histoire de Rome, de la Rome antique, fut pour Corneille un
filon inépuisable.
La grandeur héroïque des premiers âges, la
bravoure, légendaire, des guerriers de la République, les nom
breux actes d'éclat rapportés par l'historien latin Tite-Live, l'ad
miration persistante de l'époque classique pour une Rome plus
mythique que réelle, autant d'occasions de mettre en scène
l'héroïsme et le sublime cornéliens!
Avec Horace, sa première vraie tragédie classique, le drama
turge reprend un épisode célèbre des guerres que la Rome nais
sante eut à mener contre les cités voisines, et d'abord Albe,
celle qui l'avait fondée.
Pour éviter un affrontement trop coûteux
en vies humaines, les deux armées en présence décidèrent de
s'en remettre à l'issue d'un combat singulier, qui opposerait
deux trios de frères, les Horaces du côté de Rome, les Curiaces
du côté d'Albe.
Un seul des Horaces sur vivra, après avoir triomphé des trois
Curiaces; sur le chemin du retour il transpercera de son glaive
sa propre sœur, Camille, fiancée à l'un des Curiaces, pour avoir
maudit sa victoire: Corneille n'oppose sur la scène qu'un seul
Horace à un seul Curiace, et complique, dramatise encore plus
la situation en mariant son héros à une sœur, inventée de
toutes pièces, des Curiaces.
Les deux futurs champions de
leurs cités respectives viennent d'apprendre....
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