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Dans L'Ère du soupçon (1956), Nathalie Sarraute invite les lecteurs à « trouver dans la littérature cette satisfaction essentielle qu'elle...

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« Dans L'Ère du soupçon (1956), Nathalie Sarraute invite les lecteurs à « trouver dans la littérature cette satisfaction essentielle qu'elle seule peut leur donner: une connaissance plus approfondie, plus complexe, plus lucide, plus juste que celle qu'ils peuvent avoir par eux-mêmes de ce qu'ils sont, de ce qu'est leur condition et leur vie.

» Cette phrase vous donne-t-elle une idée exacte des enrichissements que vous trouvez dans la lecture des œuvres littéraires? ANALYSE DU SUJET/ RECHERCHE D'IDÉES II peut être efficace, lorsqu'on a affaire à une phrase longue comme ici, de la décomposer (pour analyser ses composantes et trouver, par association, des idées et des exemples). Voyons d'abord ce que donne la mise en évidence de la structure de la phrase. Les lecteurs sont invités à : trouver dans la littérature (a) cette satisfaction essentielle qu'elle seule (a) peut leur donner : j une connaissance j plus approfondie (b) · plus complexe (c) plus lucide (d) plus juste (e) que celle qu'ils peuvent avoir par eux-mêmes (!) de ce qu'ils sont (g) d·e ce qu'est leur condition (h) et leur vie (i) Il vous est demandé de dire si cette phrase vous donne une idée ex�cte des enrichissements qnévous trouvez dans la lecture des œuvres littéraires. Il vous faut donc recourir à votrè expérience de lecteur, mais sans rester dans le vague de généralités louangeuses à l'égard de la littérature.

Si certains textes vous ont effectivement permis l'accès à certaine forme de connaissance, il s'agit de les citer précisément et de dire en quoi ils ont constitué pour vous un apport.

Par ailleurs, le mot exacte vous permet d'envisager des réserves quant à la formulation de Nathalie Sarraute, notamment en ce qui concerne les points (a) et (!). Essayons d'abord de préciser de quelles connaissances on peut arguer, tou­ jours d'après la phrase proposée. (g) Counaissance de ce que je suis : ceci renvoie donc à ma personnalité, mon caractère, mes façons d'être et d'agir, voire à ce qui est plus ou moins conscient en moi et ne laisse pas pour autant d'exister.

La littérature, dans cette perspective, serait un instrument pour atteindre le fameux« connais-toi toi-même,.. (h) Connaissance de ce qu'est ma condition: ceci peut renvoyer à des aspects socio-historiques de mon existence Ge suis inscrit dans une Histoire, nationale et planétaire, dans un contexte sociologique, etc.), ou à des aspects philoso­ phiques et métaphysiques (la condition humaine, au sens large). (i) Counaissance de ce qn'est ma vie: à entendre par rapport à cette condition, sans doute; la littératnre pourrait m'aider à comprendre ce qu'est ma vie particulière dans des conditions qui sont toujours collectives, partagées. Se demander, à ce point de l'analyse, si certains textes ont effectivement pu m'éclairer sur ces aspects, et aussi, dans l'affrrmative, comment ils ont produit · • ,, c�t effet. On connaît le vers de Baudelaire (tiré du premier poème des Fleurs du Mal, « Au lecteur•): « Hypocrite lecteur- mon semblable - mon frère•· C'est sur l'analogie, la ressemblance, l'affmité, voire la.

parenté du lecteur avec l'auteur ou avec ses personnages que peut se fondet une approche de soipar la lecture.

Surtout en ce qui concerne les points (g) et (i).

Nous pensons ici essentiellement à la littérature dite personnelle (autobiographies, journaux intimes, correspondances, essais délibérément subjectifs), lorsque celle-ci se marque d'une certaine authenticité, d'une sincérité non feinte, d'un réel courage dans la« confession• ou l'auto-portrait sans fard.

Nombre de lec­ teurs se sont trouvés et retrouvés (et se trouvent encore) dans Les Essais de Montaigne (qui prétendait d'ailleurs décrire «l'humaine condition• en se peignant lui-même), Les Confessions de Rousseau, la correspondance de Flaubert (ou celle de Diderot).

Des personnages dans lesquels les auteurs ont mis beaucoup d'eux-mêmes provoquent le même phénomène de« reconnais• sance •• voire d'identification: le Roquentin de La Nausée de Sartre, le Meursault de L'Etranger de Camus, les personnages de Philippe Djian, etc. Nous pensons aussi aux poètes, à certains d'entre eux du moins, sans doute les plus lyriques, qui suscitent volontiers l'identification des lecteurs à leurs angoisses, leurs joies, leurs passions, dans lesquelles il est aisé de reconnaître sesfaquiétudes et aspirations portées à de plus hauts points d'incandescence; Rimbaud, Verlaine, Michaux, Pessoa sont de ceux-là.

On sait que certaines générations ont entendu des échos ou des éclaircissements à leurs désirs diffus ou confus chez tel ou tel auteur: voir le succès du Werther de Goethe aux débuts du Romantisme ou celui du Siddharta de Hermann Hesse autour de 1968.

Enfin la manière même d'écrire est parfois révélatrice de fonctionne• ments inconnus de la pensée ou del'imagination: ainsi les poètes surréalistes (Breton, Aragon, Eluard) ont-ils mis à jour les mécanismes de l'association libre, des rencontres de mots, des métaphores irrationnelles par le recours à l'écriture automatique et aux «jeux• langagiers. A l'inverse, la connaissance de notre condition (h) suppose une certaine distance, celle de la description et, éventuellement, de l'analyse.

Le roman etle théâtre nous font découvrir des univers inconnus ou nous présentent une image nouvelle de ce que nous pensions connaître.

Pensons aux vastes fres­ ques« sociales• d'un Zola ou d'un Romain Rolland (Les Hommes de bonne volonté) ou, plus près de nous, à des romans comme L'Etabli de Robert Lin hart et Elise ou la vraie vie de Claire Etcherelli, sur le travail à la chaîne. Pensons.... »

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