Dans les commencements de la fondation des Quinze-Vingts 1, on sait qu'ils étaient tous égaux et que leurs petites affaires...
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«
Dans les commencements de la fondation des Quinze-Vingts 1, on sait
qu'ils étaient tous égaux et que leurs petites affaires se décidaient à la plu
ralité des voix.
Ils distinguaient parfaitement.au toucher la monnaie de cui
vre de celle d'argent; aucun d'eux ne prit jamàis du vin de Brie pour du vin
1.
«Quinze-Vingts: nom d'un hospice parisien qui recueillait des aveugles.
Il était ainsi désigné à
cause du nombre de ses pensionnaires : trois cents.
de Bourgogne.
Leur odorat était plus fin que celui de leurs voisins qui
avaient deux yeux.
Ils raisonnèrent parfaitement sur les quatre sens, c'est
à-dire qu'ils en connurent tout ce qu'il est permis d'en savoir; et ils vécu
rent paisibles et fortunés autant que des Quinze-Vingts peuvent l'être.
Mal
heureusement un de leurs professeurs prétendit avoir des notions claires
sur le sens de la vue; il se fit écouter, il intrigua, il forma des enthousiastes :
enfin on le reconnut pour le chef de la communauté.
Il se mit à juger souverainement des couleurs, et tom fut perdu.
Ce premier dictateur des Quinze-Vingts se forma d'abord un petit con
seil, avec lequel il sè rendit le maître de toutes les aumônes.
Par ce moyen
personne n'osa lui résister.
Il décida que tous les habits des Quinze-Vingts
étaient blancs : les aveugles le crurent; ils ne parlaient que de leurs beaux
habits blancs, quoiqu'il n'y en eût pas un seul de cette couleur.
Tout le
monde se moqua d'eux, ils allèrent se plaindre au dictateur, qui les reçut
fort mal; il les traita de novateurs, d'esprits forts, de rebelles, qui se lais
saient séduire par les opinions erronées de ceux qui avaient des yeux, et
qui osaient douter de l'infaillibilité de leur maître.
Cette querelle forma deux
partis.
Le dictateur, pour les apaiser, rendit un arrêt par lequel tous leurs habits
étaient rouges.
Il n'y avait pas un habit rouge aux Quinze-Vingts.
On se
moqua d'eux plus que jamais.
Nouvelles plaintes de la part de la commu
nauté.
Le dictateur entra en fureur, les autres aveugles aussi: on se battit
longtemps, et la concorde ne fut rétablie que lorsqu'il fut permis à tous les
Quinze-Vingt de suspendre leur jugement sur la couleur de leurs habits.
Un sourd, en lisant cette petite histoire, avoua que les aveugles avaient
eu tort de juger les couleurs; mais il resta ferme dans l'opinion qu'il
n'appartient qu'aux sourds de juger de la musique.
Voltaire
Vous présenterez de cette page, qui constitue un conte à elle seule, un
commentaire composé, que vous organiserez à votre gré.
Vous pourrez
par exemple mettre en évidence l'organisation du récit et les intentions de
l'auteur.
Corrigé
PLAN DÉTAILLÉ
1.
Un conte
1.
Un schéma simple.
• Un apologue qui forme un tout, en décrivant un événement dans son
déroulement: à l'origine(« dans les commencements») un monde i dyllique
(«et ils vécurent paisibles et fortunés»).
qui est brusquement p erturbé
(«malheureusement ....
et tout fut perdu >> : on remarque la soudaineté de
ce malheur, grâce au caractère incisif de ce membre de phrase, et à la suc
cession rapide des propositions racontant les circonstances du malheur).
La
suite des événements est nettement marquée(«d'abord ...
il décida ...
cette
querelle forma deux partis ...
pour les apaiser.
..
plus que jamais ...
la con
corde ne fut rétablie que lorsque...
»).
" Des groupes de personnages bien typés.
L'opposition est nette entre
«avant» et «après».
Le groupe est uni au début(«ils étaient tous égaux»);
il s'en dégage un individu, qui le sépare(«il f orma des enthousiastes»), en
devient chef, et même dictateur.
La création d'un «conseil» constitue une
nouvelle division, qui précède celle que concrétisent les deux partis.
«On se
battit longtemps » avant de parvenir à une nouvelle unité, différente toute
fois de celle des origines.
Il faudrait ajouter à ces différents types de per
sonnages l'autre groupe auquel renvoie la fin du texte : celui des sourds,
distinct de celui des aveugles.
Aucune psychologie donc, ou une psycholo
gie élémentaire, qui se réduit à l'opposition de groupes.
• une leçon qui se dégage du texte, au fil des différentes étapes : «ils rai
sonnèrent parfaitement sur les quatre sens», puis quelqu'un «prétendit....
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