Dans son étude sur Albert Camus, Robert de Luppé écrit: «L'Etranger est une « œuvre absurde » mais qui n'a...
Extrait du document
«
Dans son étude sur Albert Camus, Robert de Luppé écrit: «L'Etranger est une «
œuvre absurde » mais qui n'a pas la force de l'être jusqu'au bout: Meursault se
réveille du lourd sommeil quotidien en faisant éclater sa révolte.
» Par l'analyse
précise de L'Etranger, essayez d'apprécier la justesse de cette affirmation.
Introduction : Premier « récit » de Camus, L'Etranger illustre d'une manière concrète la
philosophie de l'absurde exposée dans Le mythe de Sisyphe.
En fait, de quoi s'agit-il ?
C'est une narration à la première personne : un homme fait le « récit » de sa vie
jusqu'au moment où il tue un autre homme, est condamné à mort pour ce meurtre et
attend dans sa cellule le moment de l'exécution capitale.
Il ne peut être question d'une «
confession » mais d'une prise de conscience de plus en plus lucide de « l'absurdité » de
la vie.
I.
L'étranger ou l'homme absurde.
1.
Qui est cet homme ? Un homme jeune : Meursault, employé de bureau sérieux ; il est
indifférent à la banalité de son travail quotidien : « Quand j'étais étudiant, j'avais
beaucoup d'ambitions...
mais quand j'ai dû abandonner mes études, j'ai très vite compris
que tout cela était sans importance réelle.
»
Il vient de perdre sa mère, qu'il avait placée dans une asile
de vieillards.
Il n'a pas connu son père.
Depuis qu'il ne vit plus avec sa mère, il occupe seul l'appartement familial, désormais
trop grand pour lui.
2.
Comment vit-il ? Meursault vit donc seul.
Une fois sorti de son travail, qu'il fait
consciencieusement, il essaie tant bien que mal d'organiser ses loisirs : il s'ennuie,
surtout le dimanche, qu'il n'aime pas (« j'ai pensé que c'était dimanche et cela m'a
ennuyé, je n'aime pas le dimanche»).
Il a des amis ou plutôt des camarades : Céleste, le
restaurateur, chez qui il prend quelquefois ses repas (le reste du temps, il prépare luimême sa cuisine) ; Emmanuel, un camarade de bureau, qui l'accompagne certains soirs
au cinéma.
Marie, jeune dactylo qu'il avait connue à son bureau, qu'il avait désirée et
avec qui il se lie le lendemain de l'enterrement de sa mère ; leur passe-temps favori : la
plage, la baignade.
Enfin, il parie de temps en temps, lorsqu'il les rencontre dans l'escalier, avec ses voisins
de palier : le vieux Salamano et son chien galeux ; Raymond Sintis, « magasinier » de
son état et souteneur.
Comment prend-il conscience des êtres et des choses ? Ce garçon n'est pas bavard :
c'est un « caractère taciturne et renfermé », mais il écoute volontiers son interlocuteur.
Par contre, souvent son attention se relâche, et alors il n'entend plus rien.
Ou alors, il se
tait, n'ayant plus rien à dire, et s'enferme dans son mutisme (même avec Marie qui lui
propose de devenir sa femme).
En fait, Meursault observe beaucoup les êtres et les choses : il « regarde », « remarque
», « constate » et cherche alors à comprendre.
Ce regard posé sur les êtres, sur « l'autre », fait que Meursault essaie toujours
d'interpréter les paroles, les gestes, les attitudes de celui qui parle.
Mais il ne comprend
qu'après coup, car les apparences (et les mots en particulier) ne signifient rien.
Meursault se garde ainsi de juger autrui mais comme, d'autre part, il se sent « étranger
» aux autres, ses rapports avec le monde sont basés sur une parfaite indifférence.
II.
Le drame et la naissance de l'absurde.
Pourtant cet employé sérieux, ce garçon intelligent et sensuel, qui tire ses jouissances
d'une vie simple, devient un meurtrier.
1.
Les conditions du meurtre.
Ici intervient la présence obsédante du ciel « éclatant de
lumière » et du soleil « écrasant » qui s'emparent totalement du jeune homme, de sa
nature ardente mais contenue.
Ainsi, il s'assoupit dans le car qui le mène à l'asile des vieillards.
Sur le chemin du
cimetière, il est étourdi par « l'éclatement du ciel insoutenable », et par le soleil qui le
remplit.
De même, sur la plage, sous le soleil, son cerveau est vide : « je ne pensais à rien parce
que j'étais à moitié endormi par ce soleil sur ma tête nue ».
Enfin, Meursault s'assoupit dès qu'il a bu du vin : « J'ai dormi* un peu parce que j'avais
trop bu de vin».
2.
La scène du meurtre.
Au fond, ses motivations sont très simples : il règle sa conduite
et ses gestes....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓