DE LA NATURE ET DES CHOSES L'âme des bêtes ng. •• Hippolyte TAINE 1826-1893 La Fontaine et ses fables (1860)...
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DE LA NATURE ET DES CHOSES
L'âme des bêtes
ng.
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Hippolyte TAINE
1826-1893
La Fontaine et ses fables (1860)
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Un seul genre de vie intéresse au dix-septième siècle, la vie de
salon; on n'en admet pas d'autres; on ne peint que celle-là; on efface,
on transforme, on avilit, on déforme les êtres qui n'y peuvent entrer,
l'enfant, la bête, l'homme du peuple, l'inspiré, le fou, le barbare; on
finit par ne plus voir dans l'homme que l'homme bien élevé, capable
de discourir et de causer, irréprochable observateur des convenances.
Et cet homme ainsi réduit va s'écourtant tous les jours.
À mesure qu'on
avance dans le dix-huitième siècle, les règles se rétrécissent, la langue se
raffine, le joli remplace le beau; l'étiquette définit plus minutieusement toutes les démarches et toutes les paroles; il y a un code établi qui
enseigne la bonne façon de s'asseoir et de s'habiller, de faire une tragé
die et un discours, de se battre et d'aimer, de mourir et de vivre: si bien
que la littérature devient une machine à phrases, et l'homme une pou
pée à révérences.
Rousseau, qui le premier protesta et déclama contre
cette vie restreinte et factice, parut découvrir la nature, La Fontaine,
sans protester ni déclamer, l'avait découverte avant lui.
Il a défendu ses bêtes contre Descartes qui en faisait des machines.
Il n'ose pas philosopher en docteur, il demande permission; il hasarde
son idée, comme une supposition timide, il essaye d'inventer une âme
à l'usage des rats et des lapins.
Il décrit avec complaisance cette âme
charmante que Gassendi I appelait « la fleur la plus vive et la plus pure
du sang».
Il «subtilise un morceau de matière, un extrait de la lumière,
une quintessence d'atome, je ne sais quoi de plus vif et de plus mobile
encore que le feu».
Il met cette âme en l'enfant....
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