De nombreux personnages symboles Autour de la figure centrale de la pièce que représente Lorenzaccio, gravitent un très grand nombre...
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«
De nombreux
personnages
symboles
Autour de la figure centrale de la pièce que représente
Lorenzaccio, gravitent un très grand nombre de person
nages.
Musset s'est davantage intéressé à leur signification
symbolique qu'aux aspects particuliers de leur personnalité.
Il les peint souvent à grands traits, pour en faire des repré
sentants significatifs d'une attitude, d'un comportement,
d'une conception du monde.
Au nombre de trente-neuf pré
cisément dénommés, auxquels viennent s'ajouter des
dizaines de figurants, ils se définissent par rapport à l'action
de Lorenzaccio, mais aussi par rapport à Florence, dont Mus
set a fait une« ville-personnage».
Ils peuvent être classés
en quatre grandes catégories : les membres de la famille
des Médicis au pouvoir et leur entourage ; le camp des répu
blicains ; la famille Cibo ; les personnages divers.
FLORENCE,
UNE « VILLE
PERSONNAGE »
Face à Lorenzaccio, le personnage le plus important c'est
Florence.
La ville est l'enjeu du combat engagé.
Elle est au
centre de la lutte menée entre les partisans de la liberté et
ceux de la tyrannie.
Elle est l'objet de toutes les convoitises,
le siège du beau et du laid, du bien et du mal, elle suscite
l'amour et la haine.
Musset s'est plu à la décrire dans toute sa complexité.
Il
en fait un être vivant, un être de chair.
La ville est au cœur de
sa pièce.
Ce n'est pas surprenant chez ce romantique qui se
sentait en communion avec la Renaissance italienne.
Mais il
s'agit d'une Renaissance italienne transposée, repensée,
dont les caractères sont accentués, les contrastes forcés.
Cet appel venu du sud, auquel répond toute une génération,
revêt une signification véritablement symbolique: partir
pour l'Italie, c'est rechercher la luminosité de cieux toujours
bleus; c'est aspirer à une vie libre, sans contrainte; c'est se
plonger dans les délices de l'art; c'est se retremper dans
une civilisation dont on admire le raffinement, et dont on se
défend à peine de ressentir la cruauté avec une délectation
morbide, cette cruauté qui témoigne d'un accomplissement
sans frein des désirs, d'une exaltation dans la démesure.
C'est cette vision que Musset essaie de faire passer.
Une
contradiction secondaire, mais significative, témoigne de ce
véritable envoûtement, de cette image d'Épinal que l'Italie
représente pour lui: l'action se déroule en hiver (du
29 décembre au 7 janvier).
Le climat de Florence n'a rien de
méditerranéen.
Certes, quelques indications, qui témoi
gnent d'un souci de vérité, viennent le souligner (le duc: « Il
fait un froid de tous les diables», acte 1, scène 1 ; premier
écolier: « Mon portefeuille me glace les mains», acte 1,
scène 2; la marquise: « L'hiver est si long ! », acte 1,
scène 3).
Mais l'ambiance générale est ensoleillée et
évoque l'été: le duc Alexandre reçoit ses visiteurs sur une
terrasse (acte 1, scène 4); la foule converse devant l'église
de Saint-Miniato (acte 1, scène 5); l'orfèvre et le marchand
s'entretiennent, assis en plein air (acte V, scène 5).
En fait, si Musset part de données réelles, son imagination
ne cesse de les transformer, de les interpréter.
Ainsi multi
plie-t-il les évocations d'un peuple coloré.
Ainsi éprouve-t-il le
besoin d'évoquer fugitivement des figures historiques de
l'époque comme celle de « ce hâbleur de Cellini», le célèbre
sculpteur (acte 1, scène 5), et de camper beaucoup plus lon
guement le peintre Tebaldeo Freccia qui expose sa concep
tion de la création (acte 11, scène 2).
Ainsi s'efforce-t-il de
marquer les oppositions entre les prétentions au raffinement
du duc, qui se manifestent par un goût barbare du faste, et
son mépris de l'art:
Je protège les arts comme un autre, et j'ai chez moi les pre
miers artistes de l'Italie; mais je n'entends rien au respect
du pape pour ces statues qu'il excommunierait demain, si
elles étaient en chair et en os.
Acte 1, scène 4.
LES MÉDICIS,
UNE FAMILLE DIVISÉE
L'ambiguïté qui marque la ville de Florence se retrouve
dans la famille des Médicis, partagée, elle aussi, entre le
bien et le mal.
Cette division se concrétise dans l'affronte
ment, d'abord souterrai_n, puis exposé au grand jour, qui
oppose les deux cousins, Lorenzo et Alexandre.
Elle
concerne également leur entourage.
Les proches de Lorenzaccio
Trois personnages sont proches de Lorenzaccio.
Ils font,
en quelque sorte, partie de son camp, même s'ils ne
comprennent pas toujours son comportement.
Marie Sode
rini, sa mère, est l'image de la souffrance résignée.
Elle ne
cesse d'établir des comparaisons entre l'être pur et idéaliste
dont son fils offrait jadis l'exemple, et le débauché qu'il est
devenu.
Elle n'aspire plus qu'à la mort, seule capable de
l'arracher à cette dure réalité: « Mais tout ce que je vois
m'entraîne vers la tombe », confie-t-elle à sa sœur Catherine
à la scène 4 de l'acte Ill.
La tante de Lorenzaccio, Catherine Ginori, c'est l'inno
cence intacte.
Elle ne peut accepter de voir son neveu som
brer dans la déchéance.
Elle espère encore en une rédemp
tion.
Elle a une haute idée de l'être humain et s'étonne de la
perversion des sentiments ; lorsque Marie lui apprend que le
duc n'aime plus la marquise Cibo, elle s'exclame, indignée:
« Il ne l'aime plus ? An ! comment peut-on offrir sans honte
un cœur pareil ! » (acte 111, scène 4.)
Le troisième personnage proche de Lorenzaccio est tout
différent.
Scoronconcolo est un spadassin, un homme de
main, tout dévoué à Lorenzaccio, qui a obtenu sa grâce, alors
qu'il avait été condamné à mort.
D\me grande bravoure, il
est d'une fidélité sans faille, presque instinctive envers son
maître, auquel le lie la reconnaissance.
Alexandre de Médicis et ses alliés
Alexandre de Médicis joue un rôle essentiel dans la pièce.
C'est la cible que vise Lorenzaccio.
Il est le symbole du
pouvoir dictatorial.
C'est un être tout de chair, pour lequel la
force représente la valeur privilégiée.
C'est avant tout un sol
dat qui ne se sépare pas de sa cotte de mailles.
11 1'a fait fabri
quer avec soin, de manière à ce qu'elle lui procure, à la fois,
sécurité et confort, comme il le souligne lui-même, en
s'adressant à Lorenzaccio:
Mais c'est du fil d'acier; la lime la plus aiguë n'en pourrait
ronger une maille, et en même temps c'est léger comme de
Acte 11, scène 6.
la soie.
La cruauté, mais une cruauté presqu'inconsciente, parce
qu'instinctive, accompagne tout naturellement ce culte de la
force.
Alexandre reconnaît lui-même: « Quand je suis en
pointe de gaieté, tous mes moindres coups sont mortels »
(acte Il, scène 6), et il n'hésite pas à faire empoisonner
Louise Strozzi, pour punir les républicains (acte Ill, scène 7).
Cet être impulsif est tourné vers le plaisir, la recherche fruste
de la jouissance immédiate, le désir de vivre dans l'instant.
Il
est attiré par la débauche, ne cherche dans les aventures
amoureuses qu'il multiplie qu'une satisfaction des sens;
lorsque la marquise Cibo essaie de modifier son comporte
ment, il lui répond de façon significative:
Pourquoi diable aussi te mêles-tu de politique ? Allons,
allons ! ton petit rôle de femme, et de vraie femme, te va si
bien !
Acte 111, scène 6.
Sa conception du pouvoir est tout aussi élémentaire.
Il
veut l'exercer sans partage, y voyant surtout un moyen de
s'enrichir: « Je me soucie de l'impôt; pourvu qu'on le paie,
que m'importe? », répond-il aux récriminations de la mar
quise (acte Ill, scène 6).
Et son goût du luxe est un goût de
barbare uniquement attaché au clinquant, aux apparences,
qui viennent dissimuler la violence et la cruauté; après avoir
évoqué sa cotte de mailles, Lorenzaccio note bien cette
sorte de cohabitation de la force brute et du raffinement,
lorsqu'il commente: « Votre habit est magnifique.
Quel par
fum que ces gants ! » (acte Il, scène 6).
Les quatre personnages, qui font partie de l'entourage
immédiat d'Alexandre, ne sont qu'esquissés.
Julien Salviati,
le favori, reproduit, en les exagérant encore, les traits de son
maître, tandis que le petit Salviati, son fils, qui se dispute
avec le petit Strozzi, fils de républicain, montre la perma-'' .
,
nence des clivages politiques (acte V, scène 5).
Giorno,
l'âme damnée du duc, représente, quant à lui, la cruauté
aveugle, la force brute : « Quand mon Giorno frappe, il
frappe....
»
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