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Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte en procédant à son étude ordonnée. Aussi longtemps que nous ne nous sentons pas...

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« Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte en procédant à son étude ordonnée. Aussi longtemps que nous ne nous sentons pas dépendre de quoi que ce soit, nous nous estimons indépendants : sophisme qui montre combien l'homme est orgueilleux et despotique.

Car il admet ici qu'en toutes circonstances il remarquerait et reconnaîtrait sa dépendance dès qu'il la subirait, son postulat étant qu'il vit habituellement dans l'indépendance et qu'il éprouverait aussitôt une contradiction dans ses sentiments s'il venait exceptionnellement à la perdre.

- Mais si c'était l'inverse qui était vrai, savoir qu'il vit constamment dans une dépendance multiforme, mais s'estime libre quand il cesse de sentir la pression de ses chaînes du fait d'une longue accoutumance ? S'il souffre encore, ce n'est plus que de ses chaînes nouvelles : - le « libre arbitre» ne veut proprement rien dire d'autre que ne pas sentir ses nouvelles chaînes. NIETZSCHE Autres notions abordées : la conscience ; le temps ; l'illusion. DÉGAGER LA PROBLÉMATIQUE Nous sommes ici face à une question classique : quel est le véri­ table rapport entre « se sentir libre» et « être libre» ? La conscience que nous avons de notre liberté peut-elle être prise au sérieux ou doit-on la démasquer comme illusoire ? Nietzsche mérite ici le qualificatif de «philosophe du soupçon» qu'on lui attribue souvent; on retrouve le ton ironique et polé­ mique qu'il affectionne.

li montre pourquoi il convient d'inverser le raisonnement tenu le plus souvent à propos de la liberté. +++++++++++++++++++++++ REPÉRER LE MOUVEMENT DU TEXTE La logique du texte est celle de la réfutation : contrairement à la logique démonstrative où l'on affirme une idée que l'on explique ensuite, Nietzsche énonce d'abord l'idée qu'il entend critiquer (nous nous croyons libres lorsque nous ne sentons pas de dépendance), puis le grief (c'est un sophisme).

Il explique alors cette critique (par l'idée d'habitude) pour formuler en conclusion sa propre thèse (nous sommes pris dans des dépendances que nous ne sentons pas toujours). EXPLICITER LES TERMES - «Sentir»,« remarquer»,« reconnaître»,« éprouver» ...

: on peut d'abord repérer ce champ lexical qui traverse tout le texte :il est question de la conscience que nous avons de notre libre arbitre par rapport à la conscience souvent émoussée des conditions réelles de notre existence.

Nietzsche n'est pas ici tout à fait original :tous les sceptiques, de /'Antiquité à Hume, font observer ce décalage fréquent entre les influences réelles et l'inffme proportion qui en parvient à la conscience. - « sophisme qui montre combien l'homme est orgueilleux et despotique» : Un sophisme est un raisonnement mal formé qui a l'apparence de la validité : c'est non seulement une erreur consistant à inverser l'ordre logiquement correct, mais c'est aussi une ruse de l'esprit contribuant à forger une certaine image de nous-mêmes. Pourquoi ce sophisme témoigne-t-il d'un «despotisme» de l'homme ? Ce terme désigne un pouvoir absolu ; il s'agit ici d'un désir de pouvoir absolu sur nous-mêmes.

On peut penser à la phrase de Rousseau, dans le Contrat social:« Tel se croit le maître des autres qui ne laisse pas d'être plus esclave qu'eux.» Quelques années après Nietzsche, Freud fera la même analyse en montrant qu'une des frustrations du moi est de« ne pas être le maître dans sa maison». - «If vit habituellement dans l'indépendance»: on retrouve ici l'idée effectivement coutumière selon laquelle « l'homme est libre par nature» ou «les hommes naissent libres».

C'est un présupposé idéologique. 1...:,.,..,,..,,-:,-:=------------------- 249 1 ~su~je~t~n~y~i2~o~a Philosophie - Ser,e ES - « Il vit constamment dans une dépendance multiforme» :quelles peuvent être ces «formes» multiples de la dépendance ? Dans quelle mesure sont-elles liées à la structure même de l'existence humaine? - « Ses nouvelles chaînes» : cherchez un exemple de dépendance nouvelle ressentie comme une restriction de notre liberté, essayez d'en suivre· le développement pour voir si l'analyse de Nietzsche se trouve confirméè. Commentaire Introduction On définit souvent la liberté comme l'absence de contrainte : je suis libre dans la mesure où je fais ce que je veux, non-pas au sens où j'obéirais à tout impulsion, mais dans la mesure où ina volonté est éclairée par ma raison. Cette volonté rationnelle est, d'après Kant, la source de l'autonomie par laquelle se manifeste la liberté souveraine du sujet.

Mais cette souveraineté n'est-elle pas le fruit d'une illusion orgueilleuse ? Tel est le soupçon que Nietzsche jette sur la conception commune de la liberté.

Il réfute énergiquement l'idée selon laquelle le sentiment de dépendance serait un critère fiable pour saisir et comprendre la liberté.

Ce texte polémique suit une logique de réfutation dans laquelle la thèse de Nietzsche n'est énoncée qu'à la fin, après avoir explicité le caractère sophistique de la conception générale. Nous pourrons nous demander, tout en suivant cette argumentation, si elle aboutit à une négation ·pure et simple de la liberté ou à une affirmation critique: Étude ordonnée et intérêt philosophique · C'est sur le terrain de la croyance à la liberté que Nietzsche place son attaque : celle si, selon lui, est relative à la conscience que nous pouvons avoir de dépendre de facteurs extérieurs.

Nietzsche ne parle d'ailleurs pas d'emblée de liberté, mais seulement d'indépendance, suggérant par là une compréhension faible de la liberté.

On peut en effet comprendre cette dernière selon deux perspectives: celle d'une absence de contrainte (c'est le cas 250 - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ici) ou celle d'une exigence personnelle, d'un projet (c'est le sens que soulignera l'existentialisme).

La plupart du temps, dit Nietzsche, nous nous flattons d'être indépendants de toute attache, alors que nous sommes seulement inattentifs. Nous commettons là un sophisme, une faute logique, en inversant la cause et l'effet : nous affirmons que notre sentiment d'indépendance est causé par notre liberté effective, alors que c'est l'idée de liberté qui est issue d'un sentiment trompeur, produit par l'habitude.

Nietzsche voit dans ce sophisme plus qu'une erreur, c'est une accusation morale qu'il porte contre l'homme, « orgueilleux et despotique».

Il se situe ainsi dans la lignée des moralistes sceptiques qui, de Montaigne à Hume, montrent combien nos désirs informent notre conscience.

Notre idée de l'indépendance est une des facettes de notre volonté de puissance : faute de la déployer réellement à travers une grande œuvre, nous nous contentons le plus.... »

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