Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte en procédant à son étude ordonnée. Si [... ] les fourmis, par exemple, ont...
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Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte en procédant à
son étude ordonnée.
Si [...
] les fourmis, par exemple, ont un langage, les signes qui com
posent ce langage doivent être en nombre bien déterminé, et chacun
d'eux rester invariablement attaché, une fois l'espèce constituée, à un
certain objet ou à une certaine opération.
Le signe est adhérent à la
chose signifiée.
Au contraire, dans une société humaine, la fabrica
tion et l'action sont de forme variable, et, de plus, chaque individu
doit apprendre son rôle, n'y étant pas prédestiné par sa structure.
Il
faut donc un langage qui permette, à tout instant, de passer de ce
qu'on sait à ce qu'on ignore.
Il faut un langage dont les signes - qui
ne peuvent pas être en nombre infini - soient extensibles à une infi
nité de choses.
Cette tendance du signe à se transporter d'un objet à
un autre est caractéristique du langage humain.
On l'observe chez le
petit enfant, du jour où il commence à parler.
Tout de suite, et natu
rellement, il étend le sens des mots qu'il apprend, profitant du rap
prochement le plus accidentel ou de la plus lointaine analogie pour
détacher et transporter ailleurs le signe qu'on avait attaché devant lui
à un objet.
« N'importe quoi peut désigner n'importe quoi», tel est le
principe latent du langage enfantin.
On a eu tort de confondre cette
tendance avec la faculté de généraliser.
Les animaux eux-mêmes géné
ralisent, et d'ailleurs un signe, fût-il instinctif, représente toujours,
plus ou moins, un genre.
Ce qui caractérise les signes du langage
humain, ce n'est pas tant leur généralité que leur mobilité.
Le signe
instinctif est un signe adhérent, le signe intelligent est un signe mobile.
BERGSON
Autres notions abordées : la conscience ; nature et culture.
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DEGAGER LA PROBLEMATIQUE
Le thème du texte est /e langage; il s'articule autour d'une
opposition très claire entre langage humain et langage animal,
afin de mieux souligner la spécificité du langage humain.
Une
fois de plus, il est très utile de relire attentivement la fin du texte
puisque Bergson y introduit une discussion contre une distinction habituelle entre /es deux types de langage.
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REPERER LE MOUVEMENT DU TEXTE
Le premier moment correspond à la mise en place de l'opposition entre langage animal et langage humain, qui correspond
à l'opposition entre limitation et ouverture à l'infini.
Bergson
détaille alors la spécificité du langage humain, qu'il illustre par
/'exemple de l'acquisition enfantine de la parole.
Les conclusions
qu'il en tire lui permettent enfin de se démarquer de /'argument
traditionnel de la «généralisation».
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EXPLICITER LES TERMES
- «Invariablement attaché» :prenez un ou deux exemples de
signe animal pour vérifier cette idée d'attachement, d'« adhérence ».
- « Passer de ce qu'on sait à ce qu'on ignore» : que veut dire
Bergson ? En quoi cette opération caractérise-t-el/e notre usage
.
de la parole ? En quoi /es signes que nous connaissons et dont
nous connaissons /es référents habituels nous permettent-ils de
caractériser, de décrire ce que nous ne connaissons pas encore?
- «transporter ailleurs /e signe»: décrivez précisément ce processus enfantin.
En quoi illustre-t-il la question précédente ?
- « N'importe quoi peut désigner n'importe quoi»: n'est-ce pas
paradoxal par rapport à la norme du langage adulte dont ori
dit souvent qu'il y a «un nom pour chaque chose»? Cet impératif correspond au langage technique : ne se rapproche-t-il
pas du code animal alors que /e babil enfantin, dans sa créati~
vité, serait proche de la poésie ?
- «généralisation» I «mobilité» : quelle est la différence entre
ces deux fonctions ? À quel/es qualités font-el/es appel ? Dans
que/le mesure peut-on dire que /es animaux généralisent ?
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Introduction
La question du langage des animaux constitue de façon récurrente un
défi pour la philosophie : d'un côté le langage humain semble comporter
des spécificités très nettes, d'un autre côté les progrès de l'éthologie (étude
du comportement) révèlent continuellement de nouvelles preuves de la
finesse, de la richesse et de la complexité de la communication animale.
La référence au langage animal peut déboucher sur deux grandes questions : peut-on vraiment dire que les animaux ont un langage ? L'étude de
ce langage peut-elle nous aider à mieux comprendre la nature de notre langage humain ?
Bergson est tout à fait disposé à répondre affirmativement à la première
question, et nous propose ici une partie de sa réponse à la seconde : la grande
différence tient, selon lui, à la «mobilité» des signes humains.
Pour établir cette thèse, il propose une étude comparée des animaux et
des hommes ; la différence entre «adhérence» et «mobilité» est selon lui
un fait d'observation.
Il peut ensuite préciser cette notion de mobilité, en
s'appuyant sur l'exemple du langage enfantin.
Cette évocation lui permet
enfin de réfuter un argument moins pertinent qui pense trouver la différence entre l'homme et l'animal dans la faculté de généralisation.
Nous suivrons cet exposé en essayant de mettre en évidence au fur et à
mesure les aspects du notre expérience du langage que Bergson entend valoriser particulièrement.
Étude ordonnée et intérêt philosophique
Abordant la question du langage des animaux, Bergson propose d'emblée d'admettre qu'il y a bel et bien un langage animal.
Mais il ne s'agit pas
d'imaginer que les animaux ont les mêmes pensées et les mêmes sentiments
que nous, tout en les exprimant différemment : aucune observation ne nous
permet de vérifier cette hypothèse.
Plus prudent, Bergson veut s'en tenir aux
faits observables.
L'observation d'insectes comme les fÔurmis nous montre
un «nombre bien déterminé» de signes, chacun étant« invariablement attaché à une certaine opération».
Bergson prend le soin de préciser que cette
observation est valable si l'on considère une population stabilisée en espèce
: il serait absurde de dire que les signes varient en comparant des populations mutantes, des êtres en train d'évoluer vers des groupes distincts.
Suiet national
Philosophie - Serie s
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Ce qui fait l'efficacité de la communication des fourmis, c'est donc la
stricte impossibilité de tout malentendu, de toute ambiguïté : chaque signe
transmet une information et une seule, et toujours la même.
Ce qui n'empêche pas par ailleurs que le mécanisme soit infiniment complexe et fascinant.
Cette fixité permet d'économiser la fonction métalinguistique par
laquelle des hommes se mettent d'accord sur le sens d'un mot ou d'une
phrase.
Chez les animaux, la compréhension est d'emblée totale.
Bergson résume cette réalité par le terme «adhérence».
Si le signe est en
quelque sorte «collé» à l'information qu'il doit transmettre, c'est qu'il n'a
aucune valeur pour lui-même.
Si par exemple une fourmi savait dire «pluie»,
ce signe désignerait invariablement le fait qu'il pleut ; alors que nous pouvons «décoller» le signe de cet usage pour parler d'une « pluie de coups»,
d'une «pluie de louanges», etc.
C'est ce fait que Bergson localise comme la spécificité humaine.
Il en justifie l'existence non pas par une....
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