Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte en procédant à son étude ordonnée. Un vrai ami ne doit jamais approuver les...
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Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte en procédant à
son étude ordonnée.
Un vrai ami ne doit jamais approuver les erreurs de son ami.
Car enfin
nous devrions considérer que nous leur faisons plus de tort que nous
ne pensons, lorsque nous défendons leurs opinions sans discerne
ment.
Nos applaudissements ne font que leur enfler le cœur et les
confirmer clans leurs erreurs ; ils deviennent incorrigîhles ; ils agis
sent et ils décident enfin comme s'ils ét;:iicnt cleveIIus infaillibles.
D'où vient que les plus riches, les plus puissants, les plus nobles, et
généralement tout ceux qui sont élevés au-dessus des autres, se
croient fort souvent infaillibles, et qu'ils se comportent comme s'ils
avaient beaucoup plus de raison que ceux qui sont d'une condition
vile ou médiocre, si cc n'est parce qu'on approuve indifféremment et
lâd11.:ment Loutes leur;,; pensées '? Ainsi l'approbation que nous don
nons à nos amis, leur fait croire peu à peu qu'ils ont plus d'esprit que
les autres : ce qui les rend fiers, hardis, imprudents et capables de tom
ber dans les erreurs les plus grossières sans s'en apercevoir.
C'est pour cela que nos ennemis nous rendent souvent un meilleur
servicl', et nous éclain-nt beaucoup plus l'esprit par leurs oppositions,
que ne font nos amis, par leurs approbations.
MALEBRANCHE
Autres notions abordées : les passions ; le jugement ; l'illusion ;
la vérité.
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PROBLEMATÎQUE
DÉGAGER
LA
Le texte est à double fond : il porte sur une question particu
lière et aborde à travers elle un problème plus général.
La question particulière est celle de l'amitié et de ce qu'on peut
ou doit se dire entre amis : c'est de la morale appliquée et on
peut y lire un éloge de la franchise et du courage d'appeler un
chat un chat
Le problème plus général est celui de la conscience et du rôle
d'autrui dans la conscience que nous prenons de nous-mêmes:
avons-nous besoin d'autrui pour dissiper nos illusions, pour bien
nous connaÎtre, nous juger justement ? Malebranche répond
sans hésitation par l'affirmative et montre combien cette évidence théorique est difficile à mettre en pratique :même lorsque
nous savons ce que peut nous apporter la franchise, nous désirons la flatterie.
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REPÉRER LE MOUVEMENT DU TEXTE
Les alinéas distincts facilitent le repérage de l'argumentation.
Malebranche énonce d'abord le principe de la franchise amicale, en faisant apparaÎtre le caractère négatif de la prétendue
délicatesse qui aboutit à la flatterie.
Il applique ensuite ce principe pour expliquer l'arrogance des
«grands»: l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes est en bonne partie suggérée par les flatteurs qui les entourent Cet exemple doit
nous servir de leçon.
En guise de morale, Malebranche montre qu'il arrive que nos
ennemis, en ne ménageant pas notre vanité, nous rendent
davantage service que nos amis qui nous bercent d'illusions.
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EXPLICITER LES TERMES
- « Lorsque nous défendons leurs opinions sans discèrnement»:
qu'est-ce que le discernement? Quelle différence sommes-nous
d'emblée invités à faire entre l'affection que nous portons aux
personnes et /e jugement que nous portons sur les idées ? Le
devoir de vérité que nous avons à l'égard des idées a une conséquence importante pour nos amis :nous les aidons à cheminer
vers la vérité.
- « Ils deviennent incorrigibles» : quelle responsabiiité apparaît
ici à l'égard de la perfectibilité d'autrui ? On dit que l'homme
est perfectible ; peut-on rendre autrui incorrigible ? En quoi l'illusion de la vérité peut-elle être dangereuse ?
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- « On approuve indifféremment et lâchement toutes leurs pen-
sées» :le principe de la «cour» et le jeu des courtisans sont ici
dévoilés en une formule.
Pourquoi parler ici de « lâcheté» ?
Pourquoi dire la vérité implique-t-il souvent un certain courage
? Précisez ici le lien entre ces deux vertus : courage et vérité.
- « Capables de tomber dans des erreurs grossières sans s'en
apercevoir» :Malebranche était disciple de Descartes; en quoi,
dans l'esprit de Descartes, ne pas être capable de s'apercevoir
de ses erreurs constitue la faute la plus grave contre le bon
sens?
- « Nos ennemis [ ...
] nous éclairent beaucoup plus l'esprit par
leurs oppositions» : en quoi la contestation, la réfutation servent-el/es la vérité ? Ne retrouve-t-on pas ici l'esprit même de
Socrate disant qu'il aime par-dessus tout être réfuté ?
Introduction
Voulez-vous que je vous parle franchement ? » - « Continuez donc
comme auparavant».
Ce dialogue imaginé par un humoriste est en fait assez
fidèle à bien des dialogues, y compris entre des personnes se faisant mutuellement confiance.
Nous pensons que la délicatesse nous interdit de dire certaines vérités ; mais cette délicatesse, nous dit Malebranche, n'est au fond
qu'une lâcheté.
On peut reconnaître un double objectif dans ce texte : Malebranche nous
exhorte à la franchise et nous invite en même temps à réfléchir au fait que
la vérité n'est pas seulement l'affaire d'un sujet isolé : nous sommes responsables de l'aptitude d'autrui à reconnaître la vérité.
Après avoir évoqué les conséquences fâcheuses pour autrui d'un manque
de franchise de notre part, Malebranche montre que les grands sont victimes
de cette hypocrisie érigée en système.
Il en conclut que nos amis sont parfois pires que nos ennemis.
En analysant ce texte, nous tenterons de préciser les conditions de !'intersubjectivité qui s'en dégagent.
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Antilles ..
Guxane
Philosophie - Serie ES
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Étude ordonnée et intérêt philosophique
Lorsqu'on se demande si toute vérité est bonne à dire, le premier argument qui vienne à l'esprit est qu'il est parfois bon d'épargner à autrui une
vérité qui pourrait le blesser.
Mentir ou dissimuler par délicatesse ? Pour
Malebranche, c'est là se méprendre gravement sur les devoirs mutuels des
amis et sur le rôle d'autrui dans la capacité de chacun à découvrir la vérité.
L'amitié est une connivence, un partage qui doit se prolonger dans le rapport à la vérité.
Malebranche, auteur d'un volumineux traité intitulé La
Recherche de la vérité, nous indique ici le caractère collégial de cette dernière.
L'intérêt philosophique de ce début de texte va donc bien au-delà de la
platitude moralisante selon laquelle être franc vaut mieux qu'être hypocrite.
Nous apprenons quelque chose sur l'essence de la vérité et nous remarquons
la différence entre l'affection et l'attention aux idées.
La profondeur de
l'amitié se mesure à notre disposition à tout pardonner à autrui, à demeurer à ses côtés quelles que soient les circonstances.
Mais ce caractère inconditionnel de l'amitié n'implique pas du tout, au contraire, une adhésion
inconditionnelle aux opinions émises par l'ami.
L'amitié est portée à lapersonne, les opinions doivent être jugées selon les règles de la recherche de la
vérité.
Pourquoi faisons-nous à nos amis « plus de tort que nous ne pensons»
lorsque nous les confortons dans une erreur ? Parce que non seulement nous
les privons d'une occasion de reconnaître une erreur et donc de découvrir
une vérité, ce qui est contraire au....
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