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Des cartes
pour comprendre
la Russie
Le 8 mai 2012, jour de la commémoration de la victoire de 1945 sur le régime
nazi, deux événements ont témoigné de la situation ambivalente de la Russie,
puissance en pleine recomposition : d'un côté, un imposant défilé militaire sur
la place Rouge à Moscou devant Vladimir Poutine (récemment réélu pour son
3e mandat) renvoie à la période soviétique; de l'autre, le crash d'un Soukhoï 100
en Indonésie lors d'un vol de démonstration constitue un important revers pour
l'industrie aéronautique russe et démontre la fragilité technologique du pays.
Jeune État né en 1991 de l'éclatement de l'URSS, la Fédération de Russie doit
gérer un lourd héritage à la fois géopolitique, économique, culturel et environ
nemental, qui a profondément marqué son territoire.
Les différentes grilles de
lecture cartographiques donnent à voir un État-continent eurasiatique en pleine
reconstruction, devant liquider les choix soviétiques en matière économique et
environnementale tout en s'insérant dans l'économie mondiale et en réaffirmant
sa présence et sa force sur son espace proche, européen comme asiatique.
Mais
comment les cartes permettent-elles de représenter la complexité de la puissance
russe?
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Sources : M.-F.
Durand (dir.), Atlas de la mondialisation, 2010, P.
Marchand,
Atlas géopolitique de la Russie, 2012, D.
Teutrle, Géopolitique de la Russie, 201 O.
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Des menaces et des tensions
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Document 1.
La, Russie dans son espace régional, entre accords et opérations militaires.
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■ Une puissance en héritage
La puissance géopolitique actuelle de la Russie est, avant tout, le fruit d'un héri
tage qui ne correspond plus à sa puissance géoéconomique, comme l'illustre le
double événement du 8 mai 2012.
De l'URSS, Ja Russie a hérité Jes grands attributs de Ja p�ce géo
politique, tels que le siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, l'arsenal
militaire et nucléaire en partie en déshérence (flotte de sous-marins atomiques
dans le port de Mourmansk), ou la flotte et les bases militaires hors de ses
frontières (exemple de la Syrie).
Aujourd'hui, la puissance militaire russe, malgré son potentiel nucléaire équivalent
à celui des États-Unis, est en repli depuis 1991 et n'est plus en mesure de soutenir la
comparaison avec les Américains.
Malgré tout, l'intervention de l'OTAN en Bosnie
en 1996, contre l'avis de Moscou, a fait prendre conscience à la Russie de la réduc
tion de son poids international et a poussé Vladimir Poutine à rénover l'armement
du pays : en 2003, l'armée reçoit son 1er chasseur neuf depuis 1992.
Même s'il
semble difficile de parler de« réarmement», l'accent est mis sur la flotte de sous
marins atomiques d'attaque et la mise au point de nouveaux missiles.
Néanmoins, la Russie a perdu la quasi-intégralité du soft power soviétique
(l'idéologie communiste), provoquant un important repli de sa diplomatie alors
qu'elle était hier présente sur tous les continents.
Même ses relations étroites avec
les États-Unis, 1re puissance mondiale, dans le cadre des négociations START
sur la réduction de leur arsenal nucléaire en décembre 2010, sont le reliquat de la
« guerre froide».
Aujourd'hui, la Russie est en quête d'un nouveau statut géopolitique dans le
monde qui passe avant tout par la sécurisation et la maîtrise de son territoire,
ainsi que par la restauration de sa capacité d'influence sur l'« étranger proche»,
autrefois intégré à l'URSS.
Sur les cartes, la possession de l'arme atomique, d'un siège au Conseil de sécu
rité, et la présence de flottes et de bases militaires et spatiales témoignent de cet
héritage de puissance.
■ D'une puissance mondiale à une puissance régionale
La Russie n'a plus les moyens des ambitions de l'URSS, même si elle entend
encore projeter sur la scène internationale l'image d'une puissance mondiale.
Aujourd'hui, la puissance russe s'est repliée, dans les faits, sur son« étranger
proche », dont elle souhaite faire la base de son renouveau géopolitique à travers
le globe.
Mais les relations avec ses voisins ne sont pas aisées et oscillent entre
tensions et coopérations, dépendances et interdépendances.
• Restaurer son influence sur les marges eurasiatiques
À défaut d'ambitions mondiales, Moscou entend que la communauté interna
tionale et Washington en premier lieu lui reconnaissent une zone d'influence en
Europe orientale et dans l'isthme mer Caspienne/mer Noire.
Cette politique d'influence passe, avant tout, par des partenariats ou des coo
pérations.
La CÉI (Communauté des États indépendants), créée à l'origine (en
1991) afin de gérer la fin de l'URSS, est devenue, au fil du temps, un instrument
d'influence de la Russie sur ses marges occidentales et méridionales (Biélorussie,
Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan) par la mise en place d'ac
cords commerciaux et de défense.
Une union douanière a même été instaurée en
2011 entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, à laquelle le Kirghizistan se
prépare à adhérer.
De même, la Russie entretient une relation privilégiée avec l'Ukraine, partenaire
stratégique en Europe orientale notamment dans l'acheminement de gaz (gazoduc
South Stream) et dans le cadre de coopérations industrielles dans les domaines de
l'aérospatiale et de l'armement.
Cette reconstruction d'une aire d'influence autour de son territoire doit permettre
à la Russie de lutter contre le sentiment d'enclavement* qu'elle entretient.
• Une puissance enclavée
La Ru�ie, État le plus vaste du monde, s'étend à la fois sur l'Europe et
l'Asie.
Elle se retrouve enserrée, à l'Ouest, par l'Union européenne, pôle de la
Triade, et l'OTAN et, à l'Est, par l'Asie, centre majeur de l'économie mondiale
et foyer de puissances émergentes.
Ce sentiment d'enclavement, qui lui donne l'impression d'être une forteresse
menacée par les puissances occidentales, a transparu dans le livre blanc sur
la nouvelle doctrine militaire et de sécurité nationale présenté par le président
Medvedev en février 2010.
Derrière cette doctrine militaire, c'est une représenta
tion géopolitique conservatrice de la Russie qui ressurgit - l'eurasisme -, défen
dant l'idée que la Russie est une grande puissance continentale qui doit exercer
un leadership en Eurasie par la restauration d'un grand empire eurasiatique
ressemblant fort à la défunte Union soviétique.
Sa situation géographique
l'oppose alors aux puissances maritimes occidentales et la pousse à se tourner
vers l'Orient (peuples slaves et turcophones, notamment).
De cette vision géo
politique découle ainsi sa politique extérieure depuis les années Poutine (à partir
de 2000).
Ainsi, à l'Ouest, certains États autrefois satellisés par Moscou ont rejoints l'UE
ou l'OTAN, tels les États baltes (Lettonie, Lituanie, Estonie), et d'autres pour
raient être tentés de le faire dans le futur (Ukraine).
La Géorgie ayant demandé
son adhésion à l'OTAN en 2006, la guerre qui a suivi sur son sol en 2008 peut
être interprétée comme une réponse de la Russie face à l'extension de l'OTAN
et la preuve de sa capacité à intervenir contre un État pleinement souverain sans
encourir de réaction de la part des pays de l'OTAN.
Le projet de bouclier antimissile de l'OTAN, afin de créer un espace de sécu
rité commun de l'Atlantique à l'Oural, illustre les tensions entre la Russie et
l'organisation atlantique et, derrière elle, les États-Unis.
En échange et tout en
faisant planer la menace d'un retour de la course aux armements, la Fédération
de Russie souhaite intégrer le commandement afin de fixer les limites du déploie
ment de troupes et de matériels en Europe centrale.
L'annonce de l'absence
de Vladimir Poutine (mais présence du Premier ministre, Dimitri Medvedev)
au sommet du G8 de Camp David (mai 2012), ainsi que les dossiers syrien et
iranien illustrent aussi ces tensions.
S'opposer aux États-Unis est, pour la Russie
de Poutine, un des derniers moyens d'afficher ses ambitions de puissance.
Ces
positions découlent d'une vision multipolaire du monde dans lequel la Russie
doit se battre pour y défendre sa place.
Elle mène ainsi une politique multiaxiale
afin de concurrencer les États-Unis et ses alliés occidentaux en privilégiant des
relations avec les pays émergents (en particulier les BRICS avec l'axe Moscou
Pékin-Delhi) ; c'est dans ce cadre que s'inscrivent ses soutiens à l'Iran et à la
Syrie.
Pour montrer sa détermination face à l'Occident et asseoir son influence sur
son « étranger proche », la Russie n'a pas hésité à faire du gaz un instrument
géopolitique en réduisant puis en stoppant ses exportations vers l'Ukraine (faute
de paiement), coupant ainsi l'alimentation des pays européens.
Au Sud, dans le Caucase, la situation est également très tendue avec les velléités
sécessionnistes tchétchènes qui n'hésitent pas à perpétrer des attentats meurtriers
au cœur de la capitale moscovite (attentat dans le métro en mars 2010).
À l'Est, la Russie doit tenir ses frontières face à la Chine, à la fois partenaire et
rivale, même si les relations se sont détendues avec le règlement, en 2008, du
contentieux frontalier à propos du tracé du fleuve Amour.
Enfin, au Nord, l'Arctique est également appelé à devenir une zone de tensions
en effet, le réchauffement climatique change peu à peu la donne en rendant plus
accessibles certaines régions maritimes riches en hydrocarbures mais situées dans
les eaux internationales (cf pp.
99 à 101).
Cette situation géopolitique de la Russie, entre Occident et Orient, peut se traduire
sur les cartes par le tracé des anciennes frontières de l'URSS et de celles de la
Fédération de Russie, la mention des pays membres de la CÉI (sans compter les
bases militaires), de l'Union européenne et de l'OTAN, ainsi que les pays candi
dats à ces organisations de l'Ouest, les flux migratoires de l'étranger proche, ou
encore les litiges frontaliers avec les ex-Républiques soviétiques ou ses marges
à l'Ouest et les partenariats et échanges récents avec l'Orient (Organisation de
Shanghai, par exemple).
Une telle carte montrerait, d'un côté, la volonté hégé
monique de la Russie sur son étranger proche et, de l'autre, son sentiment d'encla
vement* entre l'Occident et la Chine émergée.
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Document 2.
Des territoires russes aux dynamiques économiques contrastées.
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Les années 2000, marquées par une croissance annuelle moyenne de 7 % , ont
permis à la Russie d'intégrer le club des BRICS.
Mais ces résultats masquent la
réalité plus complexe d'une économie fragile et déséquilibrée et d'un territoire
fragmenté, inégalement maîtrisé.
■ Une économie de rente et une émergence mondiale limitée
Cette croissance des années 2000, fragile, reposait avant tout sur le commerce
de matières premières dont le territoire russe est richement doté : fer, bauxite,
nickel, cuivre, uranium et surtout hydrocarbures (gaz et pétrole).
Cette richesse a
permis la constitution de grands groupes énergétiques sur les ruines des anciennes
entreprises d'État, tel Gazprom®.
Néanmoins, cette richesse porte les inconvénients d'une économie de rente, d'une
dépendance au cours des matières premières et d'une hyperspécialisation.
Ainsi,
la Russie investit peu dans les autres secteurs industriels ; pire : la faiblesse de ses
investissements dans l'extraction des ressources (sans compter les investissements
nécessaires pour remédier à la vétusté du réseau) menace, à terme, cette économie
de rente.
Par manque de savoir-faire et de technologie, la société Gazprom (lea
der mondial du gaz) ne peut exploiter les gisements gaziers offshore et doit s'en
remettre à des investisseurs et partenaires extérieurs occidentaux (Total®, Shell®,
Exxon®, BP®).
Malgré tout, les accords conclus restent favorables à Gazprom® et à
l'État qui en détient 50 % (Medvedev est l'ancien directeur de l'entreprise).
De plus,
assise sur la plus grande réserve de gaz du monde (estimée à 24 %),....
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