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DEUX COURANTS BOUDDHISTES NON-INDIENS : LE cc VÉHICULE DE DIAMANT » ET LE CHAN Quoique affirmant leurs liens d'origine avec...

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« DEUX COURANTS BOUDDHISTES NON-INDIENS : LE cc VÉHICULE DE DIAMANT » ET LE CHAN Quoique affirmant leurs liens d'origine avec la pen­ sée de Bouddha, avec le Hînayâna donc, mais surtout avec son développement mahâyâniste, le « Véhicule de Diamant», typiquement tibétain, et le chan (en japonais zen), typiquement chinois, ont des traits sin­ guliers qui seront l'objet de ce dernier chapitre. En deux mots, nous pouvons déjà caractériser le premier comme une sagesse à forte pratique, rituelle, religieuse, symbolique, alors que le second serait tout au contraire une sagesse paradoxale non-rituelle et non-religieuse. Le cc Véhicule de Diamant» (Vajrayâna) ou le bouddhisme tantrique Le Vajrayâna apparut au ye siècle de notre ère dans le N.E.

et le N.O.

de l'Inde, d'où il gagna par la suite, progressivement, le Tibet, la Chine et le Japon.

Mais c'est au Tibet, semble-t-il, qu'il acquit sa stature doc­ trinale, complète et définitive. Le Vajra (en tibétain, dorje) se traduit }iar « dia­ mant» et sa représentation iconographique a la forme 178 / La philosophie indienne stylisée d'un long éclat de diamant taillé, sorte d'«épieu». Il symbolise l'Ultime Réalité, la Vacuité, la véri­ table nature des êtres qui est transparente, inaltérable, immaculée, pure comme lui,.malgré toutes les impure­ tés et apparences qui pour un temps se surimposent et ternissent son éclat. Dans un sens plus restreint, le «diamant» est le symbole masculin de la méthode qui conduit à l'illu­ mination, tandis que la«cloche» (rituelle) est le sym­ bole féminin de la sagesse. Leur conjonction, qui n'est pas sans connotation sexuelle, s'exténue dans la méditation qui en subvertit l'apparente dualité en unité non-duelle, au-delà de tout discours. Le Vajrayâna est aussi appelé«Véhicule des mantras» (Mantrayâna). Mantras: syllabes ou paroles chargées d'énergie dont la répétition accompagne la méditation, y introduit, ou se suffit à elle-même. Ou encore«Véhicule des tantras» (Tantrayâna). Tantras : « ensemble cohérent, tissu doctrinal». Ici, ensemble des textes de base du Vajrayâna.

Ceux-ci sont classés selon les niveaux spirituels des adeptes aux­ quels ils s'adressent et selon l'efficacité des moyens de progression qu'ils décrivent. S'il y a bien quelque chose sur quoi le bouddhisme de Bouddha n'a rien eu de positif à dire, c'est bien du sexe, et singulièrement du sexe féminin. Et cela pour les deux raisons cardinales suivantes. Primo, et théoriquement du moins, la libération (moksha, mukti) ne se fait jamais à partir de la condition féminine, mais exclusivement à partir de la condition masculine.

Ce n'est que lorsqu'une femme«mérite», de par son karma, de renaître comme homme que la libération peut éventuellement s'accomplir. Qu'il y ait là une misogynie sui generis ne la rend pas moins condamnable à nos yeux. Secundo, la femme en tant que séductrice et pro­ créatrice est de par sa nature l'occasion majeure de notre attachement à la vie, par les désirs qu'elle sus­ cite.

Le moine s'interdira donc tout commerce sexuel, comme fera la moniale, soumise par ailleurs à une dis­ cipline monastique encore plus rude et exigeante. « A Ânanda I qui lui demandait comment se compor­ ter à l'égard de la femme, le Buddha avait répondu: "Il faut éviter sa vue, ô Ânanda. - Et si cependant nous la voyons, Maître, que faut­ il encore que nous fassions? - Ne point lui parler, ô Ânanda.

- Et si cependant, Maître, nous lui par­ lons?...

- Alors, il faut prendre garde à vous, ô Ânanda.

"» in E.

Lamotte, op.

cité, p.

66 La mise en garde est des plus claires et n'a rien, au fond, d'étonnant.

Qui prétend se libérer du désir, de tout désir, comment ne fuirait-il pas d'abord et avant tout la femme, la sexualité.

L'attraction, et singulière1.

Cousin de Bouddha et son «secrétaire» personnel.

Un des Dix Grands Disciples de Bouddha.

Doué d'une mémoire exception­ nelle, ses souvenirs servirent à la rédaction, lors du 1 er Concile bouddhique, peu après la mort de Bouddha, de la «Corbeille des Sûtras» qui recueille l'ensemble des sem10ns et paroles de Bouddha. Il est particulièrement piquant de relever que, selon la tradition, c'est lui qui intervint auprès de Bouddha pour qu'il accepte la fon­ dation d'un ordre de moniales, ce qui d'ailleurs lui fut reproché à ce même concile.

Il est non moins curieux de souligner que tout dévoué à l'édification de la communauté monastique (sangha), il n'eut pas Je temps de s'élever, par méditation personnelle, à l'état de saint (arhat).

Qu'il dût faire retraite pour y parvenir et se trouver alors «à égalité» d'état et de pouvoir (spirituel et disciplinaire) avec les autres Grands Disciples. ment sexuelle, étant l'un des trois moteurs, avec.

la répulsion et l'ignorance, qui activent la production karmique. Comment fut-il possible à partir de cette position claire et de principe que se développât, singulièrement au Tibet, un bouddhisme tantrique? Rappelons que le tantrisme, en tant que doctrine de l'énergie divine sexuée, est une doctrine pan-indienne bien antérieure au bouddhisme.

En gros, il s'agit de vouer un culte à la Divine Mère, laquelle incarne, sous la forme particulière de telle ou telle déesse, l'aspect (ou double féminin) de toute divinité.

L'incarnation féminine de l'énergie divine (shakti) peut revêtir tantôt des formes bénéfiques, conservatrices, salvifiques, tan­ tôt des formes destructrices, maléfiques, effrayantes. Les cultes et pratiques tantriques étaient très déve­ loppés en Inde du N.E.

et du N.O.

d'où ils passèrent au Tibet.

Mêlés à des pratiques yogiques, visant à l'obtention de pouvoirs surnaturels, usant de paroks magiques (mantras) et d'autres adjuvants et supports symboliques (mudras : gestes symboliques; manda­ las : projections géométriques symboliques à deux ou trois dimensions), le tantrisme, complexe, secret et ésotérique a toujours été une voie «dangereuse» de par les énergies mises en branle et la difficile maîtrise de celles-ci.

Ce n'est que par une discipline très stricte qu'on parvenait à éviter, pour autant qu'on le voulût, les débordements, sexuels et autres, mais aussi l'en­ voûtement auquel l'adorateur se prêtait, soit maté­ riellement (avec une partenaire sexuelle), soit par projection mentale et visualisations diverses. Quoi qu'il en soit, si le tantrisme a pu «se boud­ dhiser», ou le bouddhisme «se tantriser» , une des raisons en est bien cette pression locale de cultes dynamiques fort vivaces et anciens. le bouddhisme / 181 Mais la raison majeure, semble-t-il, pourrait, d'un autre côté, résulter du bouddhisme mahâyâniste luimême, tant mâdhyamaka que yogâchâra, lesquels en proclamant l!l non-différence fondamentale entre samsâra et nirvâna laissaient la porte grande ouverte à une nouvelle compréhension et évaluation du samsâra luimême. Après tout, le samsâra, au lieu d'être connoté négativement comme le flux transmigratoire dont il faut se libérer, devient ce monde «énergique» du désir, des passions, des pulsions, dont il convient de subvertir l'énergie profondément duelle en une énergie nonduelle et pacifiée que l'étreinte divine de deux amants enlacés symbolise, comme la symbolise aussi, sur un autre plan, les rapports fusionnels et correspondances, unifiant et unissant le macrocosme et le microcosme, et ce dernier au premier. Mais tout le tantrisme ne saurait se réduire à cette subversion de l'énergie duelle en énergie non-duelle, d'autres traits le spécifient qu'il ne nous est pas possible d'évoquer, tellement ils sont nombreux et relèvent pour la plupaii, de pratiques multiples qui surenchérissent encore sur les pratiques classiques du yoga.

Alliant l'exaltation du symbolisme de la lumière «pure et dure» à l'exaltation du symbolisme de la féminité, créatrice et destructrice, le tantrisme est une discipline ascétique, pratiquée par des adeptes des deux sexes et de toutes origines sociales.

Celui ou celle qui parvient à la vacuité suprême de la non-dualité réalise en quelque sorte ce que symbolise paradoxalement l'union non-duelle du « Corps de Diamant» (lumière pure et dure) du bouddha divinisé avec sa Shakti (parèdre ou «double» féminin), son énergie incarnée dans une divinité féminine. Comme le dit excellemment L.

Silburn ( op.

cité p.

295) : «Quand cela a lieu, le moi - et l'autre s'évanouissent.

Les énergies sont rendues à la vacuité, fondues et transmuées en une seule et suprême effi­ cience.» Dans un texte d'auteur inconnu, datant du vne siècle, la spécificité du tantrisme comme école bouddhique est bien formulée « Ce qui sert à enchaîner les êtres de mauvaise conduite, cela même sert à d'autres pour s'affranchir des liens de l'existence.

Par! 'attraction I le monde est enchaîné: par l'attraction aussi il est libéré - mais cette méthode de renversement des actes (c'est nous qui soulignons) est inconnue des bouddhistes des autres écoles.

» p.

307 Cette approche paradoxale de l'existence, où «l'exis­ tence.... »

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