Dom Juan, pièce à machines : pluralité et synthèse des tons et des registres Dans la production théâtrale du classicisme...
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Dom Juan, pièce à machines : pluralité et synthèse des tons
et des registres
Dans la production théâtrale du classicisme qui entend respecter la
vraisemblance et les codes de bienséance, la pièce de Molière détonne par
ses écarts, par son goût du merveilleux (les scènes avec la Statue automate,
avec le spectre de la femme voilée et du Temps, l'apothéose finale), par son
intrigue pour partie disséminée et par les nombreux jeux de décor (comme
l'ouverture du mausolée du commandeur à l'acte III).
En réalité, Don Juan ressortit au genre du théâtre à machines importé
d'Italie (en 1638, Bernin avait fait sensation en montrant L'inondation du
Tibre), répandu par les jésuites et Mazarin qui en était amateur.
Il est un
des rares exemples parmi les comédies de Molière (voir cependant
Amphitryon, 1668) alors que Corneille aidé du machiniste Torelli s'est déjà
servi d'artifices scéniques pour Andromède et la Toison d'or.
Ce genre
maintient à l'époque classique une conception baroque du monde, alors
même que le mouvement baroque s'est à peu près éteint dans les années
1630.
La scénographie baroque repose pour une bonne part sur des
représentations féeriques et spectaculaires, ouvertes à un monde de
métamorphoses et d'illusions.
Pour le baroque, tout ce qui est vie est source
de changements incessants.
L'homme est pure mouvance.
À la fois
célébration de la frénésie de vivre une multitude d'existences et conscience
que l'ébullition de la vie inclut aussi sa fragilité et sa fugacité devant la
mort, le baroque entremêle bonheur et inquiétude.
Don Juan participe de
cette esthétique qui se redouble d'une réflexion profonde sur la condition de
l'homme.
Il soutient la comédie en badinant et en narguant les conformistes
qu'il croise mais il est aussi immergé dans une tragédie qui écrit son destin.
Inversement Sganarelle, personnage a priori farcesque, peut exprimer une
crainte réelle et sensible face au Ciel et à la peur de mourir.
Une de ses
facettes manifeste le désarroi de l'homme devant l'angoisse de la mort et
celle de bien vivre.
La structure de Don Juan se trouve libérée par son appartenance aux
pièces à machines : le théâtre à machines favorise en effet la diversité et
l'hétérogénéité de ses éléments, qui touchent l'esprit comme les sens.
Il a
l'habitude d'unifier les registres les plus divers.
Il en est ainsi de Dom Juan.
Elvire qui appartient à la noblesse parle en héroïne de tragédie.
Don
Louis reprend à son compte mais un ton en dessous les valeurs défendues
par exemple par Don Diègue dans le Cid (1630); or Don Juan n'est pas
Rodrigue alors que les frères d'Elvire ont, en ce qui les concerne, des
allures....
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