Duos et doubles Un personnage de théâtre se définit âvant tout par les relations qu'il entretient avec les autres personnages...
Extrait du document
«
Duos et doubles
Un personnage de théâtre se définit âvant tout par les
relations qu'il entretient avec les autres personnages de la
pièce.
Ainsi, les principaux personnages des drames ro
mantiques sont presque toujours inscrits dans une ou plu
sieurs relations fortes {�elation d'amitié, de haine, etc.)
avec un autre personnage.
Des duos sont ainsi constitués,
et ce « couplage» révèle ou précise les principales caracté
ristiques de'chaque protagoniste.
Le drame romantique montre également une prédilec
tion pour les effets de dédoublement.
Les principaux per
sonnages ont un double visage, ou, à l'inverse, un autre
· personnage semble représenter une partie d'eux-mêmes.
Cette hantise du dédoublement exprimè un ·malaise pro
fond.
Intimement lié à la mort, ce thème du double est un
·-' '
thème tragique.
DES PERSONNAGES
QUI VONT PAR DEUX.
Des duos de contr'aires
Les personnages du drame·· romantique entretiennent
souvent une relation forte avec un autre personnage très
différent d'eux, au moins sur un point essentiel.
Ces
duos contrastés présentent au spectateur une vivante
antithèse.
Ainsi, dans Lorenzaccio, le jeune héros a pour
seul ami et confident un vieillard, Philippe Strozzi.
Dans
Les Caprices de Marianne, les deux amis sont tous
deux jeunes.
Mais Cœlio est un jeune homme studieux,
un amoureux rêveur et mélancolique; Octave est au
contraire un jeune débauché qui se moque de l'amour.
On peut également parler de duo quand deux personnages
sont liés par un autre type de relation : rivalité, domination
et soumission, ou haine.
Les drames de Hugo montrent
de nombreux duos de ce genre.
Ils mettent aux prises
deux personnages généralement situés chacun à une ex
trémité de l'échelle sociale (par exemple, Hernani le pros
crit et le roi don Carlos; ou Ruy Blas le laquais et son
maître don Salluste).
Ce procédé du duo contrasté permet de mettre en relief
certaines caractéristiques d'un personnage.
Ainsi la jeu
nesse physiq'ue de Lorenzaccio est d'autant plus sensible
au lecteur-spectateur qu'elle s'oppose au grand âge de,
Philippe Strozzi.
Chez Hugo, c'est le personnage lui-même
qui, en présence de son opposé, reprend conscience de
certains traits de son caractère ou de sa situation.
Quand il
ne voit pas don Salluste, Ruy Blas oublie aisément.sa si
tuation de 1aquais.
Mais en la présence de son maître, il
est contraint de l'assumer, que ce soit pour se soumettre
(Ill, 5) ou p_our se révolter N, 3).
Hernani, surtout quand il
est avec celle qu'il aime, tend à oublier sa haine et sa ven
geance.
Mais elles lui reviennent dans toute leur force dès
qu'il croise le chemin de don Carlos (1, 4; 11, 3).
Ces duos contrastés rendent également sensibles les
oppositions auxquelles, entre toutes, les Romantiques
s'intéressent particulièrement.
Jeunesse / vieillesse, ,
amour / débauche, idéalisme / cynisme, pouvoir / révolte
apparaissent ainsi comme les antithèses essentielles à tra
vers lesquelles ils comprennent le monde.
'�
1.,Jne ·structure
complexe
On remarquera d'abord que l'antithèse formée par ces
duos de personnages est souvent en partie inversée.
Chaque personnage montre dans cette relation des parti
cularités qu'on s'attendrait à trouver chez l'autre.
Ainsi le
jeune Lorenzaccio tient au vieillard Philippe Strozzi le dis
cours désabusé d'un..
homme qui a beaucoup vécu.
Inver
sement, Philippe défend ses rêves idéalistes (Ill, 3).
Dans
Ruy Blas, la relation maître-valet est, à certains égards, in
versée.
Le héros lance à don Salluste: « J'ai l'habit d'un la-·
quais, et vous en avez l'âme! » N, 3, v.
2154).
Ces duos de
personf!ages forment ainsi des antithèses paradoxales.
Cettéi structure est complexe également parce qu'il
est rare qu'un personnage, un héros surtout, soit pris dans
une seule relation fondamentale et révélatrice.
Lorenzaccio
forme un duo contrasté avec Philippe Strozzi, et il en
forme un autre avec le duc Alexandre.
De même, Hernani
avec don Carlos et avec le vieillard don Ruy Gemez; de
même Ruy Blas avec don Salluste et avec le gueux don
César.
Ce système permet de mettre en relief des traits
caractéristiques du héros, qui, sinon, resteraient peut-être
inaperçus.
Ainsi la fragilité physique et le caractère efféminé de Lorenzaccio n'est pas forcément très sensible
face à Philippe Strozzi.
Mais elle se révèle clairement devant la robustesse virile et quelque peu grossière du duc
Alexandre (en particulier 1, 4).
En revanche, Lorenzaccio et,
le duc ont en commun le goût de la débauche et des propos grivois.
Cet aspect de leur relation met en relief, par
contraste, le goût pour la discussion philosophique, partagé par Lorenzaccio et par Philippe Strozzi (Ill, 3).
Ce procédé est un moyen efficace de montrer la complexité du
héros romantique.
LE THÈME DU DOUBLE
Dédoublement
des personnages
Les héros romantiques offrent souvent au spectateur
une double image.
Ce dédoublement s'exprime parfois
clairement à travers une double dénomination : Lorenzino
et Lorenzaccio, Hernani et don Juan d'Aragon, Ruy Blas et
le duc d'Olmedo (voir les chapitres « Un héros ambigu»,
p.
60-61 et « Complexité psychologique des personnages», p.
64-67).
Cette tendance au dédoublement va parfois très loin.
Ainsi la mère de Lorenzaccio dit avoir vu le spectre de
celui-ci, l'image du jeune homme pur et studieux qu'il était
avant de devenir Lorenzaccio le débauché (Il, 4).
Dans Ruy·
Blas, le dédoublement du héros s'exprime à travers sa
double identité.
Sur les ordres de don Salluste, il a pris le
nom d'un autre personnage du drame: don César.
Ce dernier personnage est lui-même double.
Il est César de
Bazan, Grand d'Espagne.
Mais, ruiné, il s'est fait truand,
sous le nom de Zafari.
Deux personnages
pour un seul être
Cette hantise du double s'exprime encore d'une autre
manière, inverse .en quelque sorte.
Il arrive qu'u11 person
nagè en considère un autre, moins comme un être auto- •
nome, clairement séparé de IÙi-même, que comme une
part de son propre moi.
Ainsi, dans Les Caprices de
Marianne, Octave dit de Cœlio qu'il était «Ja bonne partie
de [lui]-même » (Il, 6).
Dans Lorenzaccio au contraire, le
héros tend à cônsidérer le duc.Alexandre comme la mauvaise part de lui-même.
Au contact de son ennemi, il est à
bién des.
égards devenu semblable à lui.
À un 'autre niveau, deux personnages de Ruy Blas,
don Salluste et don César, constituent le double aspect
d'un même être èollectif, d'un même_'groupe social.
Dans
sa Préface, Hugo écrit que....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓