Devoir de Philosophie

Émile VERHAEREN, Les Villes tentaculaires, « La plaine ». 1. La plaine est morne, avec ses clos, avec ses granges...

Extrait du document

« Émile VERHAEREN, Les Villes tentaculaires, « La plaine ». 1.

La plaine est morne, avec ses clos, avec ses granges 2.

Et ses fermes dont les pignons sont vermoulus, 3.

La plaine est morne et lasse et ne se défend plus, 4.

La plaine est morne et morte - et la ville la mange. 5.

Formidables et criminels, 6.

Les bras des machines diaboliques, 7.

Fauchant les blés évangéliques, 8.

Ont effrayé le vieux semeur mélancolique 9.

Dont le geste semblait d'accord avec le ciel. 10.

L'orde fumée et ses haillons de suie 11.

Ont traversé le vent et l'ont sali : 12.

Un soleil pauvre et avili 13.

S'est comme usé en de la pluie. 14.

Et maintenant, où s'étageaient les maisons claires 15.

Et les vergers et les arbres parsemés d'or, 16.

On aperçoit, à l'infini, du sud au nord, 17.

La noire immensité des usines rectangulaires. 18.

Telle une bête énorme et taciturne 19.

Qui bourdonne derrière un mur, 20.

Le ronflement s'entend, rythmique et dur, 21.

Des chaudières et des meules nocturnes ; 22.

Le sol vibre, comme s'il fermentait, 23.

Le travail bout comme un forfait, 24.

L'égout charrie une fange velue 25.

Vers la rivière qu'il pollue ; 26.

Un supplice d'arbres écorchés vifs 27.

Se tord, bras convulsifs, 28.

En façade, sur le bois proche ; 29.

L'ortie épuise au coeur les sablons et les oches, 30.

Et des fumiers, toujours plus hauts, de résidus 31.

Ciments huileux, plâtras pourris, moellons fendus 32.

Au long de vieux fossés et de berges obscures 33.

Lèvent, le soir, des monuments de pourriture. 34.

Sous les hangars tonnants et lourds, 35.

Les nuits, les jours, 36.

Sans air ni sans sommeil, 37.

Des gens peinent loin du soleil : 38.

Morceaux de vie en l'énorme engrenage, 39.

Morceaux de chair fixée, ingénieusement, 40.

Pièce par pièce, étage par étage, 41.

De l'un à l'autre bout du vaste tournoiement. 42.

Leurs yeux sont devenus les yeux de la machine ; 43.

Leur corps entier : front, col, torse, épaules, échine, 44.

Se plie aux jeux réglés du fer et de l'acier ; 45.

Leurs mains et leurs dix doigts courent sur des claviers 46.

Où cent fuseaux de fil tournent et se dévident ; 47.

Et mains promptes et doigts rapides 48.

S'usent si fort, 49.

Dans leur effort 50.

Sur la matière carnassière, 51.

Qu'ils y laissent, à tout moment, 52.

Des empreintes de rage et des gouttes de sang. 53.

Dites ! L'ancien labeur pacifique, dans l'Août 54.

Des seigles mûrs et des avoines rousses, 55.

Avec les bras au clair, le front debout, 56.

Quand l'or des blés ondule et se retrousse 57.

Vers l'horizon torride où le silence bout. 58.

Dites ! Le repos tiède et les midis élus, 59.

Tressant de l'ombre pour les siestes, 60.

Sous les branches, dont les vents prestes 61.

Rythment, avec lenteur, les grands gestes feuillus. 62.

Dites, la plaine entière ainsi qu'un jardin gras, 63.

Toute folle d'oiseaux éparpillés dans la lumière, 64.

Qui la chantent, avec leurs voix plénières, 65.

Si près du ciel qu'on ne les entend pas. 66.

Mais aujourd'hui, la plaine ? - Elle est finie ; 67.

La plaine est morne et ne se défend plus : 68.

Le flux des ruines et leur reflux 69.

L'ont submergée, avec monotonie. 70.

On ne rencontre, au loin, qu'enclos rapiécés 71.

Et chemins noirs de houille et de scories 72.

Et squelettes de métairies 73.

Et trains coupant soudain les villages en deux. 74.

Les Madones ont tu leurs voix d'oracle 75.

Au coin du bois, parmi les arbres ; 76.

Et les vieux saints et leurs socles de marbre 77.

Ont chu dans les fontaines à miracles. 78.

Et tout est là, comme des cercueils vides, 79.

Seuils et murs lézardés et toitures fendues 80.

Et tout se plaint ainsi que les âmes perdues 81.

Qui sanglotent le soir dans la bruyère humide. 82.

Hélas ! La plaine, hélas! Elle est finie! 83.

Et ses clochers sont morts et ses moulins perclus. 84.

La plaine, hélas ! Elle a toussé son agonie 85.

Dans les derniers hoquets d'un angélus. Émile VERHAEREN : poète belge d'expression française, né en 1855 et mort en 1916. Après ses études, Verhaeren se voue aux lettres.

Bien qu’il s s'installe comme avocat stagiaire à Bruxelles, il fréquente des artistes et débute dans la critique d'art.

ses premières poésies s’orientent vers le naturalisme.

Cependant, Verhaeren traverse une grave crise spirituelle et donne des recueils d'une morbidité exaspérée et fiévreuse, véritable « trilogie de la neurasthénie », avec Les Soirs (1887), Les Débâcles (1888) et Les Flambeaux noirs (1889).

Il a voyagé en Espagne et en Allemagne et séjourné à Londres. Puis, le poète se tourne résolument vers les problèmes contemporains et publie de nombreux recueils dont Les Villes tentaculaires en 1895.

Dans les cinq recueils de Toute la Flandre (1904-1911), Verhaeren exprime son amour pour le pays natal et ses éléments : la plaine, le vent, les digues, le calme des petites villes flamandes... Il meurt accidentellement en roulant sous un train à Rouen alors qu’il était venu y faire une conférence, en 1916. Les Villes tentaculaires : recueil publié en 1895, dans lequel le poète fait un blâme des villes qui s’agrandissent et « vident » les campagnes.

C’est également une étude de la vie dans une grande ville moderne. « La plaine » : 1e poème du recueil Les Villes tentaculaires.

Poème liminaire. Poème composé de strophes comportant un différent nombre de vers. Ex : strophes1, 3, 4, 5 > quatrains ; strophe 2, 7 > quintils ; strophe 6 > septain. 85 vers. - Le nombre de syllabes de chaque vers dans les strophes est aussi variable => vers libre. Ex : strophes 1, 4 > 4 alexandrins.

Strophe 6 : vers libres (vers de 8, 9, 10 syllabes…). - Vers libres mais présence des rimes. - Rimes qui sont surtout disposées de manières embrassées, du type ABBA. Ex : strophes 1 et 3. NB : strophe 2 > comporte 5 vers, rimes disposées de manière embrassée mais du type ABBBA. « La Plaine » : le poète constate avec dépit l’arrivée de la modernité dans la campagne… I- L’arrivée des machines dans la plaine Vers 1 à 17. A- Une triste plaine Quatrain composé d’alexandrins + rimes embrassées > structure classique. Anaphore de « La plaine est morne » : insistant, mise en relief. • « La plaine » > déterminant défini.

Décrit.

« plaine » > vaste étendue. • « Morne » : qui manque d’éclat, de vie.

Tristesse. • « La plaine est morne » : description.

Parallélisme « avec ses » + « et ses » > montrez que le poète décrit la plaine. • Champ lexical de l’usure.

Ex : « vermoulus » ; « ne se défend plus » > « plus » suggère qu’avant, cela était différent, sorte de fatalisme, n’essaye plus d’agir… • Personnification de la plaine.

Cf.

« morne » ; « lasse » ; « morte ». • Gradation.

« morne et lasse » < « morne et morte ». • Plaine qui se meurt.

Cf.

« mort » ; « la mange ». • « - et la ville la mange » : explication à la fin de la strophe.

« et » > conjonction de coordination qui a une valeur consécutive. Δ) Personnification de la ville.

Ville qui semble un cannibale. B- La criminelle modernité • Personnification des machines.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓