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ENFANCE Textes 1. COLETTE, Les Petites (1912) 2. COLETTE, La Maison de Claudine (1922) Objets d'étude : les réécritures; le...

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« ENFANCE Textes 1. COLETTE, Les Petites (1912) 2. COLETTE, La Maison de Claudine (1922) Objets d'étude : les réécritures; le biographique; l'apologue. QUESTIONS (4 points) Comparez les deux extraits proposés des Petites et de« La Petite». 1.

Quels points communs autorisent leur rapprochement? En quoi se différencient-ils l'un de l'autre? 2.

En quoi ces deux textes peuvent-ils être qualifiés d'apologues? Quelle morale l'auteur, Colette adulte, dégage-t-elle de chacun d'entre eux? ..·• ,.; ...1 TRAVAIL D'ÉCRITURE (16 points) 1.

Commentaire Vous rédigerez un commentaire de l'avant-dernier paragraphe du texte 2: « Un point rouge s'allume[ ...] Au-delà, tout est danger, tout est solitude.» 2.

Dissertation Colette a écrit, en épigraphe de son roman La Naissance du Jour: « Imaginez­ vous à me lire, que je fais mon portrait? Patience : c'est seulement mon modèle.» À votre avis, le lecteur est-il en droit d'attendre que !'écrivain lui dise toute la vérité et rien que la vérité? 3.

Écriture d'invention À la façon de Colette - mais sans tenter d'imiter son style - vous raconterez de deux manières différentes un épisode de votre enfance ou de votre ado­ lescence.

Ces textes pourront être rédigés à la première personne.

Ils devront avoir assez de ressemblances pour apparaître comme deux variantes l'un de l'autre.

Mais aucune phrase de l'une devra être reprise textuellement dans l'autre.

Ces deux textes auront des longueurs comparables. tlllEJ CORPUS ■ Texte 1 : COLETTE, Les Petites (1912) [...] Bel-Gazou a reconduit ses amies jusqu'à la grille, et crié: « Bonsoir! bonsoir! ».

Elle est haletante et enrouée comme elles - elle ouvre pour crier une grande bouche où brillent des incisives neuves, dentelées au bord.

Elle écarquille les yeux et remonte la peau de son front, ensuite elle soupire un 5 grand « pouh! » de fatigue et s'essuie le nez d'un revers de main, comme un tourlourou de vaudeville... Puis elle se retourne brusquement vers la maison, et toute sa figure change : Bel-Gazou dépouille sa gaieté rustaude pour redevenir soudai­ nement, et sans effort, la charmante, la fine et grave« petite fille à sa 10 maman», silencieuse, écouteuse ... On ne s'aperçoit pas tout de suite qu'elle est jolie.

Un grand tablier d'école, à carreaux blancs et bleus, l'habifle comme un sac, du col aux genoux.

Ses bas cachou vissent sur ses mollets de garçon, hauts et durs, et elle est coiffée comme une enfant de pauvre, les cheveux tirés à la chi15 noise, cordés en deux nattes blondes - des cheveux de bergère, comme elle dit, parce que les petites gardeuses de bêtes vont toujours tête nue, et le soleil décolore leur chevelure sur le sommet de la tête... Ses amies sont parties...

Insensible au froid crépuscule printanier, Bel­ Gazou regarde autour d'elle: le gravier porte des traces d'un galop de pou20 lains et le gazon piétiné se fane.

Il y a des morceaux de « papier d'argent » dans les massifs, des assiettes de poupées, des moules à sable, e11 fer blanc.

Vaguement choquée, elle range le jardin et caresse du bout des doigts les marguerites de Pâques déjà fermées pour la nuit; épanouies et blanches tout à l'heure, elles ne montrent plus que le dessous carminé de 25 leurs pétales relevés en faisceau.

Un chat miaule derrière le mur de lierre, et l'on entend, très loin, un petit train essoufflé. « Moi, quand je serai grande ...

Moi, quand je serai grande...» Ce refrain vaniteux d'enfants pressés de vieillir bourdonne encore aux oreilles chaudes de Bel-Gazou.

Elle se scandalise de penser que Marthe Augilbert, 30 à huit ans, rêve d'être nourrice, « parce qu'on a un bonnet à couronne et qu'on boit de la bière tout le temps »; elle méprise un peu Louise Rollinat, qui deviendrait couturière à la journée, « parce qu'on fait beaucoup de mai­ sons et qu'on voit du monde pas pareil». - Il y a encore Marguerite Asseline qui, simplement, veut se marier, 35 « pour commander» - il y a quatre ou cinq bébêtes dont on ne peut rien tirer que" moi, quand je serai grande, j'irai à Paris»... ...

Il y a bien aussi, recense Bel-Gazou, Germaine Roussel, qui parle gras et qui prétend qu'elle se mettra« cocotte»; mais ça, c'est des enfantillages. Elle-même ne se souvient plus bien de ce qu'elle a souhaité. 40 « Des bêtises, probablement, comme les autres ...

Qu'est-ce qui va m'arriver, quand je serai grande? ...

» Elle cherche, la tête levée vers le soleil, vide encore d'hirondelles...

Un seul nuage effilé flotte, très haut, et reflète en cuivre rose le soleil qu'on ne voit plus; mais, sur la terre, c'est déjà presque la nuit, le silence troublé de 45 frôlement de chats, d'oiseaux à demi endormis, qui froissent le lierre.

Bel­ Gazou frissonne non de froid, mais d'isolement, et d'une peur toute neuve. « Quand je serai grande ...

» Elle se défend de penser, et tressaille, en voyant là-bas, tout au fond du long jardin, la lampe qu'on vient d'allumer, d'un rouge riche et savoureux 50 dans le bleu du soir.

La maison - la lampe - la chambre chaude - deux visages qui vont s'éclairer, sourire et gronder:« Ah! te voilà, enfin!...

» « Quand je serai grande ...

» Elle s'arrête à ce mot-là, tremblante d'un malaise divinatoire, comme s'il lui était soudain donné de savoir que changer, croître, c'est déjà, un 55 peu, finir ...

Avant de s'élancer et de courir vers la maison, Bel-Gazou a le temps de subir le rapide petit miracle, d'entendre la voix: « Oui, tu seras grande.

Cela viendra très vite.

Tu grandis pendant que je parle, pendant que la nuit vient, pendant que la rosée tombe...

Tout chan­ gera autour de toi comme en toi - la maison, ton refuge, ta citadelle et ton 60 nid, vieillit et s'effrite - et les deux visages lumineux qui t'attendent s'étein­ dront...

Tu as voulu, tout à l'heure, grandir - tu as joué avec des années qui, peut-être, ne t'appartiendront pas - tu as joué avec le terrible avenir, avec la mort ...

Comme s'il pouvait t'échoir quelque chose de plus magni­ fique dans toute ta vie, que d'avoir dix ans, un petit corps élastique et 65 robuste, un cœur tendre et sans soucis - que d'être, enfin, une enfant très aimée, ignorée dans sa province, au milieu d'un beau jardin...

» ■ Texte 2 : COLETTE, La Maison de Claudine (1922) La Petite [...] À présent, tout est silence au jardin.

Un chat, deux chats s'étirent, bâillent, tâtent le gravier sans confiance : ainsi font-ils après l'orage.

Ils vont vers la maison, et la Petite, qui marchait à leur suite, s'arrête; elle ne s'en sent pas digne.

Elle attendra que se lève lentement, sur son visage 5 chauffé, noir d'excitation, cette pâleur, cette aube intérieure qui fête le départ des bas démons.

Elle ouvre, pour un dernier cri, une grande bouche aux incisives neuves.

Elle écarquille les yeux, remonte la peau de son front, souffle« Pouh! » de fatigue et s'essuie le nez d'un revers de main. Un tablier d'école l'ensache du col aux genoux, et elle est coiffée en 10 enfant de pauvre, de deux nattes cordées derrière les oreilles.

Que seront les mains, où la ronce et le chat marquèrent leurs griffes, les pieds, lacés dans du veau jaune écorché? Il y a des jours où on dit que la Petite sera jolie.

Aujourd'hui, elle est laide, et sent sur son visage la laideur provisoire que lui composent la sueur, des traces terreuses de doigts sur une joue, et 15 surtout des ressemblances successives, mimétiques, qui !'apparentent à Jeanne, à Sandrine, à Aline, la couturière en journées, à la dame du phar­ macien et à la demoiselle de la poste.

Car elles ont joué longuement, pour finir, les petites, au jeu de« qu'est-ce qu'on sera». « Moi, quante je serai grande...» Habiles à singer, elles manquent d'imagination.

Une sorte de sagesse 20 résignée, une terreur villageoise de l'aventure et de l'étrange retiennent d'avance la petite horlogère, la fille de l'épicier, du boucher et de la repas­ seuse, captives dans la boutique maternelle.

Il y a bien Jeanne qui a déclaré: « Moi, je serai cocotte! » 25 « Mais ça, pense dédaigneusement Minet-Chéri, c'est de l'enfantillage...» À court de souhaits, elle leur a jeté, son tour venu, sur un ton de mépris: « Moi, je serai marin! » Parce qu'elle rêve,parfois d'être garçon et de porter culotte et béret bleus.

La mer qu'ignore Minet-Chéri, le vaisseau so debout sur une crête de vague, l'île d'or et les fruits lumineux, tout cela n'a surgi, après, que pour servir de fond au blouson bleu, au béret à pompon. « Moi, je serai marin, et dans mes voyages...» Assise dans l'herbe, elle se repose et pense peu.

Le voyage? L'aven­ ture?...

Pour une enfant qui franchit deux fois l'an les limites de son can35 ton, au moment des grandes provisions d'hiver et de printemps, et gagne le chef-lieu en victoria, ces mots-là sont sans force et sans vertu.

Ils n'évo­ quent que des pages imprimées, des images en couleur.

La Petite, fati­ guée, se répète.... »

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