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ÉPREUVE 1 Toutes académies Septembre 1990 TEXTE 5 10 15 20 25 30 35 Le propre des sociétés modernes est...

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« ÉPREUVE 1 Toutes académies Septembre 1990 TEXTE 5 10 15 20 25 30 35 Le propre des sociétés modernes est d'engendrer une peur indis­ tincte : nous sommes dépassés par les miracles de nos propres inventions.

Tout devient monstre, dès lors que tout nous échappe. Nous sommes la proie de techniques qui sont, en principe, à notre service : la génétique, l'informatique, la politique, le nucléaire ... Mais de tout ce qui se trame dans les laboratoires, dans les bureaux, dans les coulisses de la société, que voyons-nous, et que savons-nous? De temps en temps, on nous jette quelques paquets de merveilles ou de scandales, ou d'horreurs, et l'on estime que les honneurs ont été rendus à «l'information».

Mais qui est ce «on» indistinct? Il est difficile de savoir qui décide, qui filtre ou déverse le monstrueux dans nos assiettes à l'heure du Journal et, pour finir, on se lasse même de se le demander.

Les sociétés sont devenues des «macro-systèmes» qui échappent peut-être à ceux qui font profession de les diriger.

Elles sont devenues des organismes monstrueux, c'est-à-dire trop complexes pour que nous puissions encore comprendre leur fonctionnement.

Toutefois, les schémas simplistes continuent d'exister: parmi ces schémas, celui du bouc émissaire a toujours le même succès.

Rien ne va plus dans notre monde: c'est la faute de ...

(la liste est longue).

Il y a donc des conduites possibles: haine, exclusion, mais aussi aide, courage, et cette «bonne volonté» tant dépréciée qu'on en a presque fait le symbole de la médiocrité. Somme toute, tant que nous connaissons la cause de nos maux, rien n'est perdu.

Tant que nous pensons pouvoir agir, nous échappons au désespoir.

La peur de l'indistinct pousse à des comportements désespérés.

Or, ce qui nous paraît aujourd'hui le plus menaçant, ce sont des dangers indistincts : les poisons que nous avalons chaque jour sans le savoir, les retombées de nuages radioactifs qui assaisonnent nos salades (et on le sait toujours après, parce qu'on ne veut pas nous gâcher l'appétit), les tonnes de déchets radioactifs qui voyagent en bateau depuis les extrémités du monde pour venir s'enterrer à prix d'or dans le Cotentin, les métaux lourds qui empoisonnent nos fleuves, les farces de l'ordinateur ...

jusqu'à la farce ultime, dont on nous dit que cela peut tenir à une «erreur», un cheveu radioactif qui vient se promener là 40 45 50 55 60 par hasard, qui «appuie sur le bouton» et hop ! volatilisée, la termitière humaine ! Un jour, il s'est trouvé une chef d'État pour appeler au calme et dire qu'il fallait se rassurer : c'est un homme qui appuie sur le bouton, un seul, le chef.

Il était bon de le dire.

On se sent mieux depuis. C'est vrai, les bombes ne partent pas toutes seules ! Mais on ne sait toujours pas comment les empêcher de partir ! On ne sait pas, non plus, comment empêcher les centrales nucléaires d'exploser.

Pour cela, il y a les ingénieurs, les spécialistes ...

Que de pères bienveillants nous protègent ! Et pourtant, toutes les rassurantes garanties ne nous empêchent pas de grelotter de peur. Faire confiance à une catégorie supérieure d'humanité qui «sait», cela ne va pas sans risque, à supposer qu'on parvienne à cet acte de foi.

Autrefois, l'Apocalypse était entre les mains de Dieu.

Il avait le droit d'aITêter le jeu, car les hommes exagèrent (cela, ils le savent).

Mais on pouvait espérer ...

«Prompt à l'amour et lent à la colère» ...

Et puis, il y avait toujours un salut pour les justes (chacun est sûr d'en être), il y avait donc une solution.

Maintenant c'est plus grave.

D'abord, l'homme n'est pas indulgent.

Il est plutôt prompt à la colère.

Pas très sage.

En plus de cela, ses machines ne sont pas sûres. Voilà pourquoi l'Apocalypse n'est plus un mythe.

Voilà pourquoi on regrette les dragons, les sirènes, les hydres, les centaures...

Il y avait toujours un héros pour en venir à bout et nous raconter, après, de belles histoires. Claude Kappler, Les Monstres modernes, «Magazine littéraire», n° 232, juillet-août 1986. Questions 1.

Résumé (8 points) Vous résumerez ce texte en 170 mots. Une marge de 10 % en plus ou en moins est admise. Vous indiquerez, à la fin de votre résumé, le nombre de mots employés. 2.

Vocabulaire (2 points) Vous expliquerez le sens, dans le texte, des deux expressions suivantes : - « les schémas simplistes » (l.

17-18) ; - « la termitière humaine » (l.

37-38). 3.

Discussion (10 points) Pensez-vous que nous sommes «dépassés par le miracle de nos propres inventions» ? 2.

VOCABULAIRE (2 points) 1.

«les schémas simplistes» D'un terme grec signifiant «manière d'être», «figure», le mot schéma désigne d'abord, dans le domaine concret, une représentation simplifiée et fonction­ nelle («une figure schématique»), puis la représentation mentale d'un objet ou d'un processus. Qualifiés de simplistes, c'est-à-dire simplifiés à l'extrême par une vision trop partielle des choses (c'est la nuance apportée au mot «simple» par le suffixe -iste), ce sont des représentations mentales réductrices, ne rendant pas compte de la réalité dans sa diversité, ni des causes dans leur variété.

Face à la complexité du monde, les «schémas simplistes», sorte de «prêt-à-porter de la pensée», font recette, car ils évitent à une société donnée une réflexion plus poussée et éventuellement une remise en question. 2.

«la termitière humaine» Cette métaphore désigne ici la terre habitée et aménagée par les hommes, par référence au nid, impressionnant mais fragile, bâti par les termites. Ces insectes ont depuis toujours suscité l'étonnement, à l'égal des fournis, pour leur activité incessante et leur capacité à s'organiser au sein d'une sorte de société hiérarchisée.

C'est donc une façon pour l'auteur de présenter les hommes comme des créatures minuscules et besogneuses dont le nid (c'est­ à-dire essentiellement les espaces urbanisés) peut être à tout instant anéanti (par le cataclysme nucléaire). 3.

DISCUSSION (10 points) Rappel du sujet : Pensez-vous que nous sommes «dépassés par le miracle de nos propres inventions»? PRÉLIMINAIRE Le débat sur les inconvénients du progrès technique et scientifique est devenu d'une telle banalité qu'il faut absolument donner du relief, de la précision, de l'actualité à vos idées et vos exemples si vous voulez intéresser et donc obtenir une note correcte.

Le danger est grand de s'en tenir à des formules convenues et de sombrer dans la platitude ! Examinons soigneusement les termes du sujet : trois mots importants lui donnent sa coloration : «dépassés», «miracle», «nos propres». -«dépassés» conduira à mettre l'accent sur les conséquences inattendues, sur notre irréflexion, notre manque de prévoyance. -«miracle» insiste sur le côté prodigieux, incroyable de certaines inventions et il conviendra de ne pas paraître trop blasés ! - quant à «nos propres», il souligne le côté paradoxal de la situation, nos inventions se retournant contre nous-mêmes, thème bien connu de réflexions sur la sottise humaine. En résumé, l'examen attentif du sujet nous aiguille dans la direction bien connue : le thème de «l'apprenti-sorcier» est sous-jacent, et ce ne sont pas tant nos inventions «miraculeuses», mais l'utilisation excessive, inconsciente ou franchement nocive qui en est faite qu'il faudra mettre en relief, en creusant la notion contenue dans «dépassés" (dans quelle mesure et pourquoi cer­ taines inventions nous «échappent», paraissent n'être plus «maîtrisées»? dans quels domaines est-ce le plus frappant, le plus inquiétant ?, etc.). Le texte vous aide de surcroît à repérer quelques grands domaines qu'il faudra évoquer (énergie nucléaire, génétique, informatique ...

). Introduction Les risques multiples suscités par le progrès technologique dans nos sociétés alimentent un débat majeur de notre temps.

Il est sans cesse ranimé par des catastrophes ou par la découverte de nouveaux risques potentiels, de nouveaux problèmes de politique ou d'éthique qui surgissent sans cesse. Devant les déclarations parfois ambiguës ou contradictoires des scientifi­ ques, l'homme de la rue ne sait plus très bien ce qu'il doit penser: ce progrès tant vanté est-il maîtrisé ou sommes-nous des apprentis-sorciers qui seront un jour stupidement responsables de leur propre perte ? Dans un article du Magazine littéraire intitulé Les monstres modernes, Claude Kappler revient sur ce thème en insistant sur tout ce qui peut faire craindre une sorte de nouvelle Apocalypse.

Il souligne,quant à lui, «que nous sommes dépassés par le miracle de nos propres inventions». Passant en revue les domaines principaux où se dessinent les plus grands risques, il conviendrait d'examiner ce qui peut donner l'impression d'un manque de maîtrise de la part des hommes et donc susciter les plus grandes inquiétudes, mais en même temps essayer de discerner si nous sommes tout à fait démunis en face des risques liés au progrès. Première partie : faire la part de l'exploitation médiatique et ne pas oublier le facteur humain Évoquons tout d'abord les accidents ou incidents divers qui surviennent à la surface de la planète, qui occupent la une des journaux et frappent d'autant plus l'imagination que les inventions merveilleuses dont nous disposons accroissent à chaque fois l'ampleur des catastrophes en termes de risques écologiques et de nombre de victimes. Il faut à leur sujet faire la part de l'exploitation médiatique : plus rien ne peut se passer sans que nous en soyons informés.

Il y a même des modes, des choix journalistiques qui conduisent à amplifier telle série de faits ; ce sera tantôt les risques liés à la circulation, tantôt.... »

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